L’islam chiite (2)

L’islam chiite (2)

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Grâce au Nom de Dieu le Tout-Miséricordieux et Très-Miséricordieux, chers auditeurs, comme son titre l’indique, cette nouvelle série d’émission a pour but de répondre à une question que nombre d’entre vous se posent ou se sont posée et pour laquelle ils n’ont sans doute pas pu trouver une réponse les satisfaisant pleinement : qui sont donc ces « shiites » dont personne ou presque ne connaissait le nom ni ne soupçonnait l’existence jusqu’en cette année 1979 où les écrans de télévision se mirent à déverser quotidiennement d’incroyables images de « mollahs » et de « tchadors » menant une inconcevable « révolution islamique » contre un « roi des rois » des plus « moderne, civilisé et occidentalisé » — ces trois mots disant bien entendu la même chose pour toute personne « normale », c’est-à-dire « moderne, civilisée et occidentale » ?
Le shiisme se faisant ainsi connaître au monde par la révolution islamique d’Iran, on se contenta longtemps de n’y voir qu’une forme minoritaire et presque exclusivement iranienne de l’islam, dont la principale spécificité était d’être « extrémiste » et « fanatique », contrairement au sunnisme, la forme majoritaire, « internationale » et « modérée » de l’islam. C’est que, dans les années 80, les « moudjahidines » sunnites afghans étaient, au même titre que les bouddhistes tibétains, pleinement soutenus par les « bons » Occidentaux dans leur « juste combat » — c’est ainsi qu’on traduisait « djihad » à l’époque — pour libérer leur pays et leur foi des « méchants » communistes soviétiques, tandis que les « mollahs » shiites, eux, étaient des antiaméricains primaires qui voulaient replonger leur pays dans l’obscurantisme dont le « bon » Roi des rois l’avait tiré avec l’aide des mêmes « bons » Occidentaux.
Dix ans plus tard, les cartes commencèrent à se brouiller avec les événements qui meurtrirent l’Algérie des années 90. Tout commença par un processus d’ouverture démocratique, bien modeste il est vrai, puisque les premières élections libres que connut ce pays n’étaient qu’un scrutin départemental et municipal. Malheureusement pour eux, les algériens n’avaient pas bien compris pour qui ils devaient « bien » voter et, à la stupéfaction générale, c’est un parti nommé « Front Islamique de Salut », le FIS, qui emporte en juin 90 la quasi-totalité des grandes villes algériennes. En votant pour un parti qualifié d’« islamiste », la population algérienne, pour ne pas dire « la populace », se rendait coupable du triple crime de « lèse-laïcité », de « lèse-modernité » et de « lèse-majesté occidentale » — là encore, toute personne normalement constituée comprendra que les trois n’en font qu’un.
Ce vote triplement outrageant prouvait ipso facto à tout le « monde libre » — un autre mot pour désigner l’Occident — que ces gens-là étaient fort loin de pouvoir assumer la charge civique de la démocratie et de la liberté et les bienfaiteurs de l’humanité se trouvaient donc en devoir de les éduquer plus pour qu’ils apprennent à mieux voter. Le pouvoir « civilisé et civilisateur » en place, encouragé par tout le « monde libre », avorta aussitôt un processus qui s’avérait prématuré… Et l’Algérie sombra dans des années d’horreurs, toutes d’office attribuées à ces « islamistes » coupables d’avoir gagné des élections libres, tandis que les pires atrocités de la gigantesque machine — ou plutôt « machination » — « éradicatrice » qui ravagea le pays, quand elles n’étaient pas tout bonnement niées ou mises sur le compte des coupables d’office, comptaient pour les inévitables « dommages collatéraux » d’une action que tout esprit éclairé ne pouvait qu’approuver…
Au début, la référence iranienne s’impose presque naturellement dans le discours occidental : les « islamistes » sont apparentés aux « shiites », leurs femmes portent des « tchadors », un terme iranien que les arabes et berbères d’Algérie n’ont jamais employé, et le leader du FIS est un nouveau « Khomeyni »… Mais on s’aperçoit vite que nombre des meneurs « islamistes » sont d’anciens moudjahidines revenus d’Afghanistan. C’est qu’entre-temps le mur de Berlin est tombé et que les ex-« bons moudjahidines » soit s’entretuent pour être chefs de leur pays et de leur foi libérés, soit sont rentrés chez eux en ne rêvant, comme bien des anciens combattants et militants des grandes « causes », de « continuer le combat », ce combat pour lequel on les a si longtemps bénis et formés à grands coups de dollars et d’instructeurs made in US et dont on leur a fait ou laissé croire qu’il avait causé la chute de l’« Empire du mal »… Qui sème le vent, disait un sage ou un Prophète, je ne sais plus…
D’autant que la tempête promise ne se lève pas qu’en Algérie en cet été 90. Le choc de juin pas encore digéré, voilà qu’en août une autre explosion affole le monde : Saddam Hussein, grand ami « laïque et progressiste » de la France et des Etats-Unis contre l’Iran « fanatique », envahit le Koweït et fait aussitôt fureur comme « nouvel Hitler », d’autant plus « diabolique » qu’il se met soudainement en prière devant les caméras et appelle « tous les musulmans du monde » à « sauver La Mecque […] de l’occupation ». Saddam n’en était pourtant pas à son coup d’essai dans l’instrumentalisation de la religion : c’était déjà en se faisant le champion du « sunnisme arabe » contre « l’hérésie perse » qu’il avait mobilisé autour de lui une « union sacrée sunnite » dans sa « guerre sainte » contre l’Iran…, mais c’était alors avec la bénédiction des « bons » Occidentaux.
Mais voilà qu’avec la première guerre du Golfe, on apprend avec stupéfaction que la population arabe de l’Irak est majoritairement shiite… et tout aussi persécutée que les Kurdes… Mais la chose est vite oublié : quand, poussés par les Américains, les shiites d’Irak se révoltent contre Saddam Hussein, l’oncle Sam fait volte-face — c’est un sport national, paraît-il — et laisse sereinement les troupes « diaboliques » vaquer tranquillement au massacre des insurgés — un autre sport national, dit-on.
On ne s’y retrouve décidément plus avec ces shiites et sunnites. Les shiites, n’étaient-ce pas les fanatiques iraniens, et les sunnites les modérés ? Que sont donc ces shiites arabes ? D’autant qu’on apprend qu’il y en a d’autres, au Liban : les « fanatiques » du Hezbollah, qui empêchent les « bons » libanais de faire ami-ami avec les « bons » israéliens — en fait, on ne devrait pas dire « bons israéliens », parce qu’en bon français, Sarkozy pourrait l’avoir dit, c’est un pléonasme.
Et on y perd encore plus les pédales quand on voit un beau jour le chef de ce Hezbollah, un mollah barbu — encore un pléonasme ? —, aux côtés du président des Français, Jacques Chirac, lors du sommet de la francophonie qui se tient à Beyrouth. Et rien ne va plus quand le second Bush, fils de celui qui laissa massacrer les insurgés shiites, décide de faire le contraire et de débarrasser l’Irak de son diable d’Hitler main dans la main avec les Kurdes et… les chiites qui, depuis le 11 septembre 2001, seraient, dit-on, moins fanatiques, du moins certains, du moins par rapport aux sunnites, du moins certains d’entre eux, plus fanatiques que des shiites, du moins que certains, qui le sont moins que d’autres…
Au secours, on est perdus et on attend avec impatience la prochaine émission.
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Yahya Christian Bonaud

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