L’appel islamique à l’unité

Etant donné les évolutions et les événements qui se produisent actuellement dans le monde de l’Islam, et compte tenu de la complicité des ennemis communs de l’Islam, tout le monde sait parfaitement que l’unité et la convergence de l’Oumma islamique s'avère plus que jamais une nécessité indéniable.

Cependant, pour des raisons qui ont leurs racines dans des facteurs intérieurs et extérieurs, ce principe fondamental de la religion a souvent été négligé, bien que nos textes religieux mettent expressément l’accent sur l’importance de l’unité islamique. Parfois, cette négligence engendre malheureusement des attitudes qui s'opposent complètement au principe d’unité. Or, les élites et les savants avisés du monde de l’Islam ont toujours insisté sur l'importance et la nécessité de la réalisation de ce principe déterminant. Depuis un siècle, notamment après la victoire de la Révolution islamique en Iran, les élites et les penseurs de l’Oumma islamique ont accompli des démarches concrètes et efficaces pour la réalisation de l’unité, dont la fondation de l’Association mondiale pour le rapprochement des écoles islamiques. Ici, nous vous présentons le texte d’une interview avec l’Ayatollah Taskhiri, secrétaire général de l'Association Mondiale pour le rapprochement des écoles islamiques.

- Quelles sont les origines de l’unité dans le noble Coran et les hadiths ?

Ayatollah Taskhiri : Les origines de l’unité se trouvent aussi bien dans le noble Coran et que dans les hadiths, les traditions et les enseignements des imams infaillibles _bénis soient-ils_. En effet, le saint Coran et les hadiths présentent à l’humanité toute entière un plan général qui est sans aucun doute plein de sagesse. Si ce plan général se combine avec les principes fondamentaux communs de toutes les écoles, non seulement il créera un terrain favorable à l’unité, mais il apportera des profits infinis à l’humanité toute entière, dont les Musulmans. En réalité, l’appel coranique lancé aux humains : « O les croyants ! » ( يا ايهاالذين آمنوا ) est un appel général et comprend tous les Musulmans appartenant à tous les groupes et à toutes les écoles religieuses.

Chacun des versets lumineux du Coran et chacun de ces valeureux hadiths insistent sur un aspect particulier de l’unité : « Oui, cette communauté vôtre est une seule communauté » [sourate XXI, verset 92].

إن هذه امتكم امه واحده

Ce verset coranique décrit l’unité en tant que caractéristique de l’Oumma islamique. Pour décrire l’origine divine de cette unité, le saint Coran nous parle du « cordon de Dieu » ( حبل الله ) [sourate III, verset 103]. Dans le même verset, le noble Coran évoque aussi les effets et les bienfaits qui découlent de l’unité : «Et rappelez-vous le bienfait de Dieu sur vous : lorsque vous étiez ennemis, C’est Lui qui réconcilia vos cœurs ; puis, par Son bienfait, vous êtes devenus frères. Et alors que vous étiez au bord d’un abîme de Feu, c’est Lui qui vous en a sauvés. »

واذكروا نعمه الله عليكم إذكنتم أعداء فألف بين قلوبكم

فأصبحتم بنعمته إخوانا و كنتم علي شفا حفره من النار فأنقذكم منها

Pour indiquer que l’unité est un principe de base de la création de l’être humain par une âme unique, le saint Coran dit : « Il vous a créés d’une personne unique » [sourate IV, verset 1].

خلقكم من نفس واحده

Le noble Coran insiste également sur l’unité du chemin que doivent suivre les croyants : « Il vous a tracé, en matière de religion, le chemin qu’Il avait enjoint à Noé. Et ce que Nous te révélons à toi, ainsi que ce que Nous avons enjoint à Abraham et à Moïse et à jésus, c’est ceci : Etablissez la religion ; et n’y divergez pas. » [sourate XLII, verset 13].

شرع لكم من الدين ما وصي به نوحا و الذي أوحينا إليك

و ما وصّينا به ابراهيم و موسي و عيسي أن أقيموا الدين و لاتتفرقوا فيه

Dans des dizaines d’autres versets, le noble Coran indique l’égalité des humains et l’absence d’une quelconque supériorité des uns sur des autres, sauf s’il s’agit des critères tels que la science, la piété, le Djihad, la confiance en Dieu, et l’effort pour purifier l’âme, la pratique de l’adoration de Dieu et le rejet de la mécréance et de l’associationnisme sous toutes leurs formes, le sentiment de la responsabilité, la tolérance, la compréhension pour le malheur qui frapperait les autres, le dialogue dans le cadre d’un discours du Coran et des hadiths,… En effet, tous ces critères sont les origines de l’unité.

- Quelles sont les caractéristiques d’un rapprochement convenable et acceptable ?

Ayatollah Taskhiri : Tantôt nous parlons de l’unité, tantôt de la cohérence, et tantôt du rapprochement. Quand il s’agit du rapprochement, nous entendons par là un rapprochement dans les idées, c’est-à-dire un rapprochement concernant les idées des différentes écoles islamiques. En réalité, ce rapprochement est une introduction pour la réalisation de la cohérence et de l’unité. Pour réaliser cet objectif, il faut qu’il y ait des prises de position pratiques. Lorsque l’on prétend œuvrer dans le sens de la cohérence, il s’agit des prises de position par tous les individus de l’Oumma islamique, par rapport à tous les défis qui se dressent devant l’Oumma, tant les défis extérieurs que les défis intérieurs : les questions les plus importantes de l’Oumma islamique, la pauvreté, les droits de l’homme, la famille, l’économie, … et des questions imposées de l’extérieur telles que le sécularisme, la mondialisation, l’assaut culturel, … Dans tous les cas, et face à tous ces défis, l’Oumma islamique doit adopter une position cohérente. Le Guide suprême de la Révolution islamique a utilisé le terme de « cohérence », car en réalité, pour réaliser cet objectif qu’est l’unité islamique, il existe différentes méthodes, mais la plus importante est la cohérence de l’ensemble de l’Oumma face à ces défis.

Par conséquent, nous entendons par le mot « unité », l’unité et la conformité des prises de position pratiques. Ce qui la rend possible n’est autre que le rapprochement des écoles religieuses. En ce qui concerne le rapprochement, nous ne prétendons pas que les différentes écoles doivent reculer de leurs positions. Or, pour réaliser ce rapprochement, il faut que toutes les écoles religieuses défendent, avec force, argument et logique, leurs prises de positions et leurs lignes directives. Ceci étant dit, lorsqu’il s’agit du rapprochement des écoles religieuses, nous ne les appelons point à reculer de leurs positions. En réalité, le rapprochement se réalise au cours de quatre étapes différentes : en premier lieu, il faut rechercher les points communs et les ressemblances ; c’est-à-dire que nous devons d’abord essayer de découvrir les domaines qui sont communs à toutes les écoles religieuses. Certains chercheurs prétendent que les Musulmans ont des points communs et des terrains d’entente dans 90% de leur patrimoine intellectuel, civilisationnel, culturel et comportemental. Certains autres élèvent ce chiffre jusqu’à 95% ou plus. Admettons que ces points communs et ces ressemblances soient à l’ordre de 85%, ce qui est encore un taux très important. Il y a donc beaucoup de points communs à rechercher. C’est dans cet objectif que nous avons publié près de vingt volumes des hadiths communs à toutes les écoles religieuses. En deuxième lieu, il faut essayer d’élargir le champ de ces points communs. Je sens personnellement, que là il y a beaucoup à faire : non seulement dans les détails de la jurisprudence islamique, mais aussi dans ses principes fondamentaux. Si nous connaissions bien la jurisprudence de chaque école religieuse, nous apercevrons qu’il existe de nombreux facteurs permettant le rapprochement. A titre d’exemple, j’évoque ici l’un des principes de la jurisprudence et un hadith. Dans le domaine des principes de la jurisprudence, j’attire votre attention sur la question du raisonnement analogique. En effet, nos Idjtihads et nos raisonnements analogiques sont très très proches les uns des autres. En réalité, il y a des cas isolés dans lesquels nous adoptons des démarches différentes. Cela est tout à fait exact en ce qui concerne, par exemple, la recherche appréciative du bien. Si nous vérifions les différentes définitions données pour cette recherche, nous trouverons qu’il y en a certaines que les oulémas sunnites et chiites confirment tous. Dans le même temps, il existe des définitions que les oulémas sunnites et chiites confirment les uns comme les autres.

Lors d’une réunion du Forum de la jurisprudence de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) qui avait eu lieu à Mascate (Oman), cette question a été posée. Nous avons avancé nos arguments, et les oulémas sunnites ont présenté les leurs. Finalement, au terme de très longs débats et discussions, nous sommes arrivés à un consensus et nous nous sommes mis d’accord sur une définition commune que tous les participants ont signée. Il conviendrait donc que nous nous discutions des principes fondamentaux de la jurisprudence, ceux surtout qui exercent une influence considérable sur l’ensemble de la jurisprudence islamique, afin de découvrir des idées communes. Si nous y procédions par une approche logique et savante, nous serions capables d’aboutir à des résultats acceptables pour tous. Par conséquent, dans cette deuxième étape du rapprochement, il faut essayer d’élargir le rapprochement par le biais de compréhension et de l’entente, tout en essayant de connaître les prises de position de chaque partie.

La troisième étape est celle d’une coopération sincère entre toutes les écoles religieuses pour la réalisation de ces points communs.

Dans la quatrième étape, il faut reconnaître les excuses légales. En effet, si les divergences de vue persistent sur certains points, il faut que les différentes parties acceptent mutuellement leurs excuses légales. Nous devons tous savoir qu’il serait impossible de dissiper toutes les divergences de vue. En réalité, l’existence de ces différences est tout à fait naturelle. D’ailleurs, il n’y a aucune loi qui nous interdise d’avoir des divergences de vue les uns avec les autres. Certes, la division, la discorde ou la querelle ont été interdites en Islam, car l’Islam est la religion innée de l’être humain, et les enseignements de cette religion sont en parfaite harmonie avec la nature innée de l’homme. Le fait qu’il existe des divergences de vue parmi les êtres humains est également un fait naturel et inné, et l’Islam le reconnaît en tant que tel. Nous devons donc faire preuve de la bonne volonté et admettre que si nous insistons sur nos positions, nous le faisons en raison de nos profondes croyances, et non pas par hostilité ou inimitié. Dans ce cas, nous resterons tous dans la grande sphère de l’Islam. Nous devons essayer d’arriver à cette étape qui nous permettrait de reconnaître nos excuses légales. Je suis arrivé à une conclusion, et vous, vous êtes arrivé à une autre conclusion. Or, nous avons tous voulu découvrir la vérité. Il n’y a aucun inconvénient à ce que chaque école religieuse se considère comme la supérieure. C’est tout à fait normal. Mais nous devons nous parler et dialoguer afin de découvrir surtout nos ressemblances et nos points communs.

- Pouvons-nous dire qu’en essayant de mieux connaître les autres écoles religieuses, nous arriverons aussi à mieux connaître les points forts et les points faibles de notre école ?

Ayatollah Taskhiri : Oui. En effet, la connaissance des idées et des croyances des autres, nous permettra d’approfondir nos connaissances sur notre école religieuse à nous. Même pour connaître notre école et pour avoir plus de foi en nos raisonnements, il nous incombe d’essayer de connaître les idées et les opinions des autres. Cela sera également valable pour les adeptes d’autres écoles religieuses. Si l’homme souhaite s’assurer de la justesse de sa propre opinion, il lui faudra connaître les adeptes d’autres écoles. Aucun religieux ne pourrait devenir un véritable docteur en jurisprudence, sauf s’il connaît aussi la jurisprudence des autres écoles islamiques. Le défunt Ayatollah Boroudjerdi était d’avis que pour mieux connaître les approches propres au chiisme, les religieux chiites devraient connaître aussi les opinions et les approches des oulémas sunnites.

Certains de nos approches et de nos avis confirment les opinions et les croyances des oulémas sunnites. De mêmes, certains de leurs avis et opinions pourront nous donner des repères importants pour mieux comprendre nos propres récits et hadiths. A ce propos, le défunt Allameh Tabatabaï avait écrit : « En Islam, l’essentiel est la prestation de deux attestations de la foi. Pour le reste chaque école pourra procéder par sa propre approche et sa propre interprétation. » Quant à l’idée du rapprochement, nous disons que nous, tous les Musulmans, nous avons des principes communs. Ce sont ces principes communs qui donnent forme à l’Oumma islamique. Les Musulmans croient tous en ces principes. Celui qui accepte ces principes entre dans la sphère de l’Islam et fait partie de l’Oumma islamique. Et celui qui les rejette sort évidemment de l’Oumma. Nous croyons tous à ces principes fondamentaux. Ce sont exactement ces principes-là que le noble Coran nous fixe : la foi en Dieu, la croyance en le jour du jugement dernier, la foi en la mission prophétique du Messager de Dieu, la foi en les prophètes et les Livres saints et les anges. Nous n’avons aucune différence avec les autres musulmans sur ces points.

- A quel point les imams infaillibles et les oulémas chiites ont-ils œuvré pour consolider l’unité des Musulmans et les rapprocher les uns des autres ?

Ayatollah Taskhiri : Il n’y a pas l’ombre d’un doute que les vénéré imams infaillibles _que la paix soit avec eux_ étaient les meilleurs adeptes du noble Coran et des hadiths lumineux du vénéré Prophète de l’Islam. Ces deux grandes sources de l’Islam, à savoir le Coran et la tradition du Prophète considèrent l’Oumma islamique comme une communauté unique et unifié, et appellent les Musulmans à l’unité, la fraternité et l’amitié, en s’éloignant de toute division, querelle ou hostilité. Les purs imams infaillibles qui étaient les guides de la communauté musulmane et qui se soumettaient plus que quiconque au noble Coran et aux hadiths du vénéré Prophète de l’Islam, comptaient parmi les pionniers de l’unité et du rapprochement des Musulmans. A titre d’exemple, la prise de position du vénéré Imam Ali _béni soit-il_ à l’égard des actes et des provocations d’Abou Sofiyan après l’événement de « Saghifeh », et son attitude à l’époque des califes pour renforcer l’Etat islamique, en sont des exemples manifestes. Les propos de l’Imam Ali dans « La Voie de l’éloquence » confirment cette réalité. La prise de position du vénéré Imam Sadjad _béni soit-il_ à propos des habitants des régions frontalières entre l’Etat islamique et les zones habitées par les non musulmans, la prise de position du vénéré Imam Mohammad Bagher _béni soit-il_ en ce qui concernait la frappe des monnaies islamiques, ou les méthodes adoptées par le vénéré Imam Sadegh _béni soit-il_ et les autres imams infaillibles confirment très clairement leur tendance profonde à soutenir l’unité de l’Oumma islamique.

A partir des années 1950, à l’Université Al Azhar en Egypte, et dans les autres pays musulmans, de grands savants et oulémas chiites et sunnites ont redoublé leurs efforts pour hisser partout le drapeau du rapprochement des différentes écoles islamiques. Parmi ces grands oulémas nous pouvons surtout citer les noms des grands oulémas sunnites : le défunt Cheikh Maraghi, le cheikh Mustapha Abdelrazagh, le cheikh Abdelmadjid Salim, et le Cheikh Mahmoud Shaltout, grand mufti de l’Egypte. Parmi les chiites, il faut surtout nommer : le défunt Ayatollah Cheikh Mohammad Hossein Al-Kashef al-Gheta, Seyyed Sharafeddine Moussavi, l’ayatollah Boroudjerdi, Seyed Hebbateddine Shahrestani, le cheikh Mohammad Taghi Qomi. Tous ces grands savants et oulémas comptaient parmi les pionniers du mouvement du rapprochement des écoles islamiques et ont franchi des pas très importants dans cette voie. Leurs efforts ont eu des résultats indéniables pour consolider l’unité des Musulmans.

Pour accélérer la réalisation de ces objectifs sublimes, le Guide suprême de la Révolution islamique a donné l’ordre de la fondation de l’Association mondiale pour le rapprochement des écoles islamiques. Avant d’émettre son décret concernant la création de cette association, le Guide suprême de la Révolution islamique a déclaré : « Afin de créer plus d’unité et plus de cohérence parmi les Musulmans, et afin de rapprocher de plus en plus les différentes écoles islamiques, en favorisant le dialogue et le débats scolastiques et jurisprudentiels parmi les religieux, les oulémas et les penseurs du monde de l’Islam, la République islamique d’Iran se déclare prête à fonder une association pour le rapprochement des écoles islamiques, afin qu’elle soit hôte des personnalités religieuses et scientifiques du monde de l’Islam. » Quant à la fondation de l’Association mondiale pour le rapprochement des écoles islamique, le Guide suprême de la Révolution islamique a déclaré : « Le but de la fondation de l’Association mondiale pour le rapprochement des écoles islamique en la République islamique d’Iran, est de créer un climat plus favorable à la coopération entre toutes les écoles islamiques partout dans le monde, en favorisant la tenue des réunions et des consultations scientifiques et jurisprudentielles. » et en ce qui concerne la signification du rapprochement des écoles islamiques, le Guide suprême de la Révolution islamique a dit : « Le rapprochement des écoles islamiques signifie le rapprochement intellectuel des différentes écoles islamiques, afin que les malentendus soient dissipés et que les avis et pensées et prises de positions radicales soient équilibrées. »

- Comment pourra-t-on institutionnaliser cette tendance pour le rapprochement ?

Ayatollah Taskhiri : Comme je viens de le dire tout à l’heure, toutes les religions monothéistes prônaient l’unité et appelaient l’humanité à l’unité. L’Islam qui est la religion divine la plus parfaite appelle, plus que les autres, les fidèles à former une Oumma unique. Dès les premiers jours de son avènement prophétique, le vénéré Prophète de l’Islam a appelé les fidèles à s’unir, en leur demandant de célébrer la prière collective et en se rassemblant dans les mosquées, ce qui a eu, par la suite, de très grands bienfaits pour la communauté islamique.

L’Islam est la religion de l’unicité et appelle les fidèles à l’unité du verbe et de l’action. Dans le noble Coran, Dieu s’est adressé au vénéré Prophète de l’Islam pour lui dire qu’Il avait demandé à tous Ses messagers de célébrer l’officie et d’éviter la division et la discorde. En réalité, de nombreux principes religieux et politiques de l’Islam se fondent sur le principe de l’unité. En outre, c’était grâce à cette unité que les Musulmans ont réussi en très peu de temps à hisser le drapeau de l’Islam et de l’unicité de Dieu dans les pays où vivaient autrefois des populations infidèles. Aujourd’hui encore, si les Musulmans voulaient se mettre à l’abri des complots tramés par les puissances coloniales, ils devraient maintenir leur unité, leur solidarité et leur fraternité. Il n’y a d’autres voies que celle de l’unité, surtout dans le contexte actuel et dans la situation très sensible où le monde de l’Islam a besoin plus que jamais de l’unité du verbe et de la cohérence de l’Oumma. En ce qui concerne les moyens permettant d’institutionnaliser le projet de l’unité islamique, je tiens à dire que les mécanismes en sont nombreux, parmi lesquels : établir un dialogue constructif avec les adeptes d’autres écoles islamiques, encourager les autres musulmans à prendre la même initiative, apporter une attention profonde à l’attitude qu’adoptaient les imams infaillibles à l’égard des adeptes d’autres religions et d’autres écoles, éclaircir de manière réaliste les objectifs sublimes de l’Islam en tenant compte des impératifs du temps, développer et propager les débats jurisprudentiels et intellectuels en s’appuyant sur les points communs de toutes les écoles islamiques, éviter de mettre l’accent sur les divergences de vue, augmenter le niveau des connaissances des Musulmans par rapport à la situation du monde de l’Islam et ses défis actuels.

- Quels sont les obstacles théoriques et pratiques qui se dressent devant le projet du rapprochement ?

Ayatollah Taskhiri : Il existe plusieurs obstacles devant le projet du rapprochement des écoles islamiques. Il y a d’abord l’obstacle extérieur. Les ennemis de l’Oumma islamique interviennent constamment pour empêcher l’unité et le rapprochement des populations musulmanes. Après la guerre de 33 jours au Liban, nous avons été témoins de leurs efforts pour créer un grand trouble au sein du monde de l’Islam, en essayant d’attiser le conflit parmi les chiites et les sunnites en Irak et dans d’autres pays musulmans. Nous avons participé à de nombreuses conférences et nous avons essayé de neutraliser ces complots. Finalement, c’était lors de la conférence de Doha que nous avons réussi à éteindre les feux de ce complot de l’ennemi extérieur. Le deuxième obstacle est malheureusement nourri par la méconnaissance mutuelle. L’un des facteurs de cette méconnaissance réside dans le fait que l’on étudie parfois les opinions et les avis des autres à partir des livres écrits par leurs ennemis. En outre, les événements historiques qui se sont produits dans le passé y laissent leurs effets.

Cela conduit par exemple les sunnites à croire que les chiites se placent en dehors de l’Oumma islamique, d’où les diffamations injustes à l’encontre des chiites.

Une fois, un savant sunnite m’a dit : « Vous falsifiez tous le Coran. » Je lui a dit : « Comment l’avez-vous appris ? » Il m’a dit qu’il l’avait lu dans un document important chiite. « Lequel ? », je lui ai demandé. Il m’a dit qu’il l’avait lu dans le livre intitulé « Le point d’entente ». Ce livre est en fait un essai rédigé à Nadjaf par Mohaddes Nouri, qui a vraiment été nuisible pour le chiisme. En effet, ce savant sunnite croyait que ce livre était un document de base du chiisme ! Quand je lui ai expliqué comment les grands oulémas chiites, dont l’Ayatollah Khoï, avaient rejeté les idées exprimées dans cet essai, il a eu une nouvelle vision sur le chiisme. De notre côté, nous aussi, nous croyons parfois que les sunnites seraient hostiles à l’Ahlulbeit. Certains de nos religieux semblent ne pas avoir d’autres soucis que de quereller les sunnites.

- Que faut-il faire pour avancer le projet du rapprochement ?

Ayatollah Taskhiri : Une réflexion sur la situation actuelle nous permettrait facilement de découvrir que l’Arrogance mondiale a compris que l’Oumma islamique possède tous les éléments favorisant son soulèvement et sa cohérence : une école de pensée humaine et réaliste, les éléments matériels, les ressources humaines, un vrai leadership expérimenté, le soutien divin et des dizaines d’autres facteurs qui favorisent son unité. L’Arrogance mondiale a compris qu’elle serait incapable d’anéantir ces facteurs : elle déploie donc tous ses complots diaboliques pour exploiter l’ignorance et le simplisme de certains musulmans fanatiques pour porter atteinte à l’unité des Musulmans. Pour réaliser ce dessein satanique, l’ennemi n’hésite pas à exploiter tous ses moyens. En revanche, pour concrétiser le rapprochement et la cohérence parmi les musulmans, nous avons accès à de nombreux mécanismes.

A mon avis, le défunt Imam Khomeiny _que son âme repose en paix_ avait déployé tous ces mécanismes. Nous devons d’abord essayer de faire intégrer l’idée du rapprochement dans la culture générale des Musulmans. Chaque musulman doit considérer chacun de ses coreligionnaires comme son frère, et il doit respecter ses droits, malgré toutes les différences qui pourraient exister parmi les écoles islamiques. Il ne doit pas penser qu’il pourrait le médire ou l’isoler, car il appartient à une autre école. La culture du rapprochement doit se propager du niveau des oulémas à celui des populations. Les écoles, les universités, les orateurs, les écrivains, … doivent tous œuvrer dans ce sens.

Un autre mécanisme efficace consiste à approfondir les rituels religieuses qui renforcent le projet du rapprochement ; le pèlerinage de la maison de Dieu (le hadj), les prières collectives surtout la prière du vendredi, … Quant aux cérémonie du hadj, le défunt Imam Khomeiny avait, par exemple, indiqué l’importance de l’unité et du désaveu des infidèles, en tant que but important des messagers de Dieu.

Le grand art du défunt Imam Khomeiny résidait dans le fait qu’il a guidé le mouvement de l’éveil islamique, et il l’a développé et propagé. Le Guide suprême de la Révolution islamique, lui aussi, met toujours l’accent sur l’importance de cet objectif.

 

 

 

 

Ajouter un commentaire