L'unité islamique et les Associations constitutionalistes

Suite à l'apparition du mouvement constitutionaliste en Iran, l'idée de l'unité islamique a été l'un des principaux thèmes qui avaient été pris en compte par les associations et les groupes religieux. La pensée de l'unité islamique avait été proposée, pour la première fois, par Seyed Jamaleddine Assadabadi; et à l'époque du mouvement constitutionaliste en Iran, cette pensée a été particulièrement appréciée par les groupes et les courants religieux.
 
Dans l'un des journaux de cette époque, nous pouvons lire : « De nos jours, pour libérer leur pays islamique de la domination des étrangers, les Iraniens doivent chercher soutien dans le lien indissociable qu'est l'unité, et dans l'appui sûr qu'est l'Islam pour hisser partout le drapeau de l'unicité du Seigneur. Pour réaliser cet objectif sublime, en ce temps sensible et périlleux, les Iraniens doivent laisser de côté touts les différends et fermer les yeux sur toutes les divergences religieuses existant entre les diverses écoles, qui sont les branches de l'arbre pur qu'est l'Islam. Ils doivent obtenir la faveur des cœurs de tous les musulmans de la planète, et ils doivent se présenter comme défenseurs de toutes les lois de l'Islam afin de pouvoir transformer leur pays en le foyer et l'épicentre des trois cent millions de musulmans à travers le monde.
Nous pouvons retrouver aussi cette tendance vive pour la pensée de l'unité islamique dans le nom et dans les statuts du « Parti de l'Indépendance d'Iran et l'Unité de l'Islam ». Dans l'introduction des statuts de ce parti, il est dit : « A cette ère du progrès où toutes les nations du monde s'efforcent à maintenir leur nationalité et à préserver l'indépendance de leur pays, il incombe à tous les Iraniens de s'éloigner d'eux la pensée de la division et du désaccord et se souvenir du slogan islamique : "Les musulmans sont réellement frères" pour se donner fraternellement la main et pour s'unir sous le drapeau de l'Islam pour conduire l'arche de l'indépendance d'Iran vers le rivage du salut afin de pouvoir sauvegarder leur gloire d'antan et leur dignité, donner la main aux musulmans du monde, et s'unir avec eux. »
L'un des documents de l'époque qui révèle l'importance de l'idée de l'unité islamique était une déclaration signée par les membres de l'Union des oulémas de la ville de Hamadan. Au début de cette déclaration, il est dit : « Les penseurs savants et engagés dans tous les pays musulmans se sont rendus compte du danger des différends et des discordes parmi les adeptes de toutes les écoles islamiques dans le monde, et ils ont appris que ce grand danger ainsi que les pressions exercées par les pays chrétiens menacent les piliers et les principes de l'Islam qui est l'élément unificateur de tous les musulmans. C'est pourquoi ces oulémas savants se sont soulevés pour défendre l'Islam. Ils se sont réunis pour la première fois à Istanbul, puis dans la ville sainte de Nadjaf en présence des grands dignitaires religieux chiites et les grands oulémas d'autres écoles islamiques. L'objectif de ces réunions était de renforcer l'unité parmi tous les musulmans du monde. Les participants se sont mis d'accord sur le fait que désormais ils devaient s'unir tous pour résister efficacement face aux pressions des pays chrétiens. »
Il est à préciser que ces associations étaient très sensibles en ce qui concernait la situation générale du monde de l'Islam, surtout au combat contre les colonialistes européens. Elles réagissaient avec vigueur aux évolutions et aux événements qui se produisaient dans le domaine de la lutte contre la domination colonialiste. L'un de ces événements était la guerre de la Grèce contre l'empire ottoman. Les Grecs étaient soutenus lors de cette guerre par la grande Bretagne. A cette occasion, les Associations religieuses ont publié des communiqués pour souhaiter la victoire des Turcs face à leurs adversaires grecs. A titre d'exemple, nous pouvons rappeler ici un communiqué de l'Association de la liberté islamique. Dans ce communiqué il est dit : « Chers compatriotes ! Vous connaissez tous le déclin du monde de l'Islam et la division des musulmans pendant ces derniers siècles. Tout le monde en connaît la raison et tout le monde sait que ce déclin est le résultat des actes des traîtres et des ennemis de l'Islam. Mais aujourd'hui, les victoires glorieuses des troupes turques ont rempli de joie les cœurs des musulmans du monde entier et ont offert au monde de l'Islam une nouvelle gloire et un nouvel honneur. »
L'Association du Mouvement de l'Islam a publié à son tour une déclaration à l'occasion des victoires militaires des Turcs pour féliciter ces victoires aux musulmans.
L'Association de l'Unité de l'Islam a organisé une cérémonie de fête à cette occasion et a invité l'ambassadeur de l'empire ottoman à participer à cette cérémonie. Au cours de cette fête, Amjad al-Vaezine a prononcé un long discours à propos de la fraternité et l'unité du monde de l'Islam et a mis l'accent sur l'importance et la nécessité du renforcement des liens d'amitié parmi les musulmans pour hisser partout le drapeau de l'Islam et de la solidarité des musulmans du monde entier.
A cette époque-là, un événement important et décisif a eu lieu dans le monde de l'Islam : les chiites se sont soulevés en Irak contre le colonialisme britannique. Ce mouvement a été dirigé par les grands oulémas chiites, et les colonialistes britanniques ont exilé les oulémas révolutionnaires en Iran. Cet événement a eu une répercussion très vaste en Iran et dans le cœur et l'esprit des Iraniens. Cet événement a attisé chez les Iraniens le feu des sentiments anti-colonialistes et surtout anti-britanniques. Le soulèvement des oulémas chiites en Irak contre le colonialisme britannique constitue en réalité un tournant très important dans l'histoire des activités des dignitaires religieux chiites dans la société iranienne. En réalité, la domination colonialiste des Britannique en Irak, les activités des gouverneurs d'Irak, qui étaient des mercenaires à la solde des colonialistes, et les dangers qui menaçaient l'école théologique de la ville sainte de Nadjaf avaient tiré la sonnette d'alarme pour la société religieuse de l'Iran. En effet, le soulèvement des oulémas chiites en Irak contre le danger de la domination britannique, et la répression des oulémas chiites par les Britanniques et leurs alliés locaux, avaient créé une situation particulière pour l'école théologique chiite de Nadjaf, situation qui était très différente de celle de l'époque de la souveraineté des Ottomans en Irak.
A l'époque de la souveraineté de l'empire ottoman en Irak, l'école théologique de la ville sainte de Nadjaf se trouvait dans une situation qui privilégiait son indépendance, sa sécurité et sa sûreté. C'est la raison pour laquelle, les oulémas chiites de Nadjaf avaient à cette époque-là la possibilité de prendre des positions claires et transparentes par rapport aux activités des rois et du pouvoir politique en Iran. Ainsi, les oulémas de Nadjaf ont pu jouer d'abord un rôle déterminant dans l'événement historique du boycott et de l'interdiction de l'achat et de la consommation du tabac, ensuite un rôle de premier plan dans le mouvement constitutionaliste de l'Iran. Il paraît qu'à cette époque-là, les personnalités religieuses et politiques en Iran estimaient que les événements qui se produisaient en Irak prouvaient une sorte de vengeance des colonialistes britanniques par rapport aux oulémas chiites. Dans ce contexte particulier, les événements de l'Irak qui ont eu lieu après les événements intérieurs de l'Iran étaient considérés comme une politique visant à mépriser et réprimer les partisans du mouvement de la libération à l'intérieur de l'Iran. C'est pourquoi à l'époque du soulèvement de 1920 en Irak et l'exil des oulémas chiites des écoles de théologie irakiennes vers l'Iran, les forces religieuses à l'intérieur de l'Iran ont condamné cette politique colonialiste en Mésopotamie. L'Association de la Religion sacrée à Téhéran a publié une déclaration détaillée à cette occasion pour décrire les différents aspects de ces événements. Dans cette déclaration, nous pouvons lire : « Nous informons tous nos frères coreligionnaires et tous les amis de l'Islam que les événements importants de la Mésopotamie constituent un grand malheur pour l'ensemble du monde de l'Islam. Ces derniers temps, les opérations destructrices du gouvernement britannique se sont intensifiées pour anéantir l'indépendance des musulmans. Ces démarches deviennent de plus en plus graves et profèrent de grands dangers matériels et immatériels pour les musulmans. Dès le premier jour de l'occupation militaire des terres saintes de la Mésopotamie, les colonialistes britanniques ont infligé aux oulémas musulmans les oppressions, les tortures et les emprisonnements. De nombreuses fois, les militaires britanniques ont pilonné les villes saintes qui sont les foyers de la science et de la religion. Après avoir commis tant de crimes odieux, les colonialistes britanniques ont installé un gouvernement fantoche composé d'éléments arabes et ils ont fait monter sur le trône un individu qui s'est rangé pendant plusieurs années aux côtés des colonialistes britanniques pour se battre contre l'Islam et les musulmans. A l'heure actuelle, ils sont en train d'appliquer leur projet consistant à détruire la vie et l'indépendance de la Mésopotamie. Pour réaliser ce dessein, les colonialistes britanniques sont en train de conclure un accord avec ce gouverneur fantoche qu'ils ont fait monter sur le trône eux-mêmes. Leur objectif est de créer hâtivement un soi-disant conseil composé d'éléments choisis par eux-mêmes pour que ce conseil approuve ledit accord. Ils veulent se servir de ce bout de papier pour détruire la vie de la population musulmane et infliger leur domination éternelle aux musulmans. »
Les auteurs de cette déclaration ont demandé finalement au gouvernement iranien de protester vivement contre les crimes et les injustices que colonialistes britanniques avaient commis. Ils s'adressent ensuite à l'ensemble des musulmans pour leur dire : « Selon votre devoir et obligation religieuse et pour empêcher le piétinement de l'esprit de la religion par les occupants britanniques, préparez-vous pour défendre le peuple opprimé mais courageux de la Mésopotamie. Dites haut et fort que vous êtes prêt pour soutenir l'Islam et que vous êtes prêts à accomplir votre devoir. » L'Association de la Religion sacrée à Téhéran a organisé un rassemblement lors duquel le cheikh Bassir a prononcé un discours pour condamner l'accord que les colonialistes britanniques voulaient imposer aux Irakiens en Mésopotamie.
L'Association de la liberté islamique a publié à son tour un communiqué pour exprimer « son indignation quant aux opérations injustes du gouvernement britannique et l'expatriation des oulémas musulmans par les occupants ». En outre, cette association a envoyé ses représentants pour rencontrer les oulémas qui étaient exilés d'Irak. Au cours de cette rencontre, M. Borhan al-Motekalemine a pris la parole et il a vivement condamné les agressions inhumaines et injustes que les colonialistes britanniques avaient commises en Mésopotamie. Il a exprimé ensuite ses regrets quant à l'exil forcé des oulémas d'Irak vers l'Iran. Ensuite, au cours de cette rencontre, M. Seyed Mostafa Sarabi Khorasani, l'un des oulémas membres de l'Association de la liberté islamique a pris la parole pour exprimer à son tour sa colère et son indignation en ce qui concernait les actes injustes et les crimes que les colonialistes britanniques avaient infligés aux musulmans surtout aux habitants de la Mésopotamie. Seyed Mostafa Sarabi Khorasani a ajouté : « Tous les gens qui aiment leur pays, qu'ils soient savants, érudits, simples gens ou le Premier ministre, doivent exprimer leur colère contre ces événements. » Il a ensuite condamné ceux qui soutenaient les auteurs de ces actes inhumains par leurs écrits ou leurs paroles.
En réalité, les événements survenus en Irak et l'exil des oulémas chiites par les colonialistes britanniques avaient pris une telle importance que l'Association des oulémas de la ville de Damghan a envoyé un télégramme au Premier ministre iranien pour lui dire : « Les oulémas musulmans ont été exilés d'Irak il y a quelque temps. Nous ne connaissons pas encore les résultats tangibles des réactions du gouvernement iranien pour réparer ce grand dommage dangereux qui a été imposé à la vie des musulmans. Par conséquent, nous demandons expressément au gouvernement iranien d'annoncer le plus tôt possible les résultats de ses actions dans ce domaine, sinon nous serons obligés d'annoncer la fermeture des marchés pour protester contre cette inaction. »
En outre, l'Association des oulémas de la ville de Téhéran a réagi contre les événements de l'Irak et l'exil des oulémas vers l'Iran. Selon le « Journal Iran », les représentants de l'Association des oulémas de Téhéran ont eu plusieurs rencontres avec certains oulémas exilés d'Irak. L'une de ces rencontres a eu lieu le 1er Jamadi al-Thani 1339 de l'hégire (10 février 1921) à la mosquée Marvi à Téhéran. Les participants à cette rencontre se sont entretenus des démarches à adopter pour réagir contre les décisions des colonialistes britanniques.
En tout état de cause, la présence et les activités intenses des associations religieuses et politiques à l'époque du mouvement constitutionaliste ont eu une influence considérable dans la vie politique et sociale de l'Iran. Les actions efficaces de ces associations à l'égard des événements et des évolutions de l'époque ont rendu le terrain propice au réveil de la majorité de la société iranienne, en rendant la population iranienne de plus en plus sensible à l'égard de leurs valeurs religieuses et nationales. En outre, il faut souligner que le mouvement constitutionaliste avait créé une ouverture importante dans la société iranienne et avait libéré les forces sociales. Etant donné que les forces religieuses étaient les forces sociales les plus puissantes de la société, elles ont saisi toutes les occasions qui existaient à l'époque pour développer leur présence et leurs actions sur la scène sociale et politique, jusqu'à ce que le régime despotique de Reza Khan les ait réprimés et ait restreint leurs activités.

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