L’impact de la connaissance de Dieu sur l'homme

La connaissance réelle de Dieu exerce une influence multiple dans l’existence de l’homme. Cette influence se perçoit dans les domaines suivants :
Dans la psychologie et le comportement des hommes
La science a donné une actualité aux potentialités naturelles de l’être humain, leur a conféré une direction et un sens et a mis en mouvement leurs capacités innées endormies. Sur cette même base, la connaissance de l’Essence (1) , des Noms et Qualités ainsi que des Actes de Dieu joue un rôle déterminant dans l’activation de ces potentialités naturelles qui sont en relation avec Dieu, et aussi dans l’apparition d’états spirituels spéciaux dans la psychologie de l’homme. Et par cet intermédiaire, quand les conditions externes sont réunies, elle influe aussi sur le comportement individuel. De façon générale, ces états et ces sentiments présentent une fonction cognitive. Leur réalité relève d’ailleurs de l’ordre de la cognition et ils sont causés par la connaissance ou l’ignorance de l’homme. C’est la raison pour laquelle le Noble Coran réserve la crainte véritable de Dieu, à ceux et celles qui ont une connaissance et une science de Lui. « Seuls craignent Dieu, parmi Ses adorateurs, ceux qui connaissent » (Sourate Fâtir (Le Créateur) ; 35 : 28). L’Imâm 'Alî (as) a dit : « L’homme est l’ennemi de ce qu’il ignore ».
Il a également été rapporté de l’Imâm Impeccable (as) :
« Celui qui connaît Dieu le plus, craint Dieu le plus » (2)
N’omettons pas de dire que l’impact de la connaissance sur l’apparition d’états spécifiques est dépendant de la réunion d’un ensemble de conditions. On ne peut pas nier que la connaissance soit la cause de l’apparition d’états comme la peur, l’espoir ou la tristesse. Même lorsque cette peur se révèle être une peur dénuée de fondement, lorsqu’elle est causée par une corde que nous prenons un instant pour un serpent, par exemple.
A ce sujet, le Coran distingue deux catégories d’hommes : ceux qui sont dotés d’un cœur tendre ; ils reçoivent un effet de leur connaissance et de leur croyance. Pour cette raison, la crainte révérencielle et la peur du châtiment divin s’installent dans leur cœur, et leur comportement connaît une transformation dans le même sens. La connaissance agit directement sur leur comportement. Leur savoir leur est utile.
Le deuxième groupe est celui des hommes ayant un cœur dur comme la pierre. Ils sont atteints par la maladie de la dureté du cœur : ils ne subissent pas aisément l’influence de la connaissance et du savoir. Le cœur tendre se brise facilement et laisse échapper une source qui jaillit telle une fontaine et la limpidité des larmes en ruissellent. Le Coran rapporte avec éloge l’instant émouvant où des hommes se sont présentés devant le Prophète (s) pour lui demander de les équiper en montures afin de pouvoir participer au combat sacré, et qui ont pleuré à chaudes larmes quand ils apprirent qu’il ne restait plus une seule monture (cheval ou dromadaire) disponible.
« Non plus qu’à ceux qui vinrent te trouver pour que tu leur fournisses une monture ; tu leur dis : " Je ne trouve pas de quoi vous monter " ; ils s’en retournèrent les yeux débordants de larmes, bien tristes de ne pouvoir y subvenir. »
(Sourate Al-Tawba (Le Repentir) ou Barâ’a (Le Désaveu) ; 9 : 92)
Se lamenter et avoir le cœur brisé suite à la privation des plaisirs de ce monde résulte de l’ignorance et non de la connaissance. Cela ne fait qu’accroître l’ignorance déjà existante.
La dureté du cœur
Un cœur qui devient dur est un cœur malade. Un tel cœur est semblable à un arbre dont les racines sont pourries, dont l’environnement est devenu impropre à la croissance et qui en réalité s’est transformé en un bois sec sans âme.
« Quand tu les vois [les hypocrites], leur stature te séduit ; s’ils parlent et que tu y prêtes l’oreille, ils se révèlent des poutres en mal d’appui… »
(Sourate Al-Munâfiqûn (les Hypocrites) ; 63 : 4)
Cet état du cœur devient la cause de l’incapacité de la conscience à engendrer des états et des comportements spécifiques meilleurs. Ainsi lorsqu’on affirme que reconnaître la grandeur et la majesté de Dieu engendre chez l’homme les sentiments d’humilité et de contrition, cela n’est vrai que sous certaines conditions, par exemple qu’il n’y ait pas d’obstacles à cela. Le principal obstacle étant justement l’ignorance et pire, le refus d’accepter le savoir qui nous est offert par Dieu. Un ignorant ne comprendrait même pas ce qu’est la grandeur et ne s’émouvra donc pas. Celui dont le nez est bouché ne fuira pas d’un lieu puant et nauséabond. Sans la perception sensible aussi, qui est un moyen de connaissance, l’homme confondrait tout.
La connaissance dans les cœurs tendres
Le Noble Coran considère certains états psychiques et comportementaux comme des conséquences directes de la connaissance et de la foi en Dieu. En voici quelques exemples remarquables.
•La contrition (ikhbât)
Par contrition, on entend le sentiment d’humilité devant la grandeur divine. C’est un état qui survient lorsqu’on a ouvert l’œil sur la réalité de l’immensité de la puissance de Dieu et de Son indépendance totale envers Ses créatures. Pour comprendre la grandeur divine, on peut commencer par en rechercher la signification dans l’observation des aspects matériels de l’univers. Puis en écartant les aspects matériels, en les ramenant à leur cause et à leur signification, on finit par en attribuer la grandeur à l’action de Dieu.
Plus les hommes comprendront par leur intelligence les preuves les plus évidentes et les plus profondes de la grandeur divine, plus ils les débarrasseront aisément de leurs caractéristiques matérielles, et plus leurs esprits bénéficieront d’une perception plus authentique de Dieu.
C’est pour cette raison que lorsque le Prophète (s) fut interrogé par un homme au sujet de la majesté de Dieu, il lui répondit en commençant par évoquer l’immensité du monde, puis il poursuivit : « Comparé au deuxième ciel, ce monde que tu vois avec ses cieux et ses étoiles est semblable à une bague que l’on aurait jetée dans un désert. Le deuxième ciel aussi entretient la même relation vis-à-vis du troisième ciel. Il en va ainsi de suite jusqu’au dernier ciel et, au-delà de lui, tous les cieux rassemblés sont dans le même rapport envers le Piédestal (al-Kursî) et le Piédestal est dans le même rapport avec le Trône (al-‘Arsh). » Quand nous réalisons l’immensité de l’univers, il est plus aisé de se faire une idée de la grandeur incommensurable du Créateur, et c’est là qu’un sentiment de modestie, de contrition et de crainte voit le jour en l’homme.
Définissant les humbles (mukhbitûn), le Coran dit : « Votre dieu est un Dieu unique. Soumettez-vous à Lui. Fais-en l’annonce aux humbles dont le cœur, au seul rappel de Dieu, frémit, à ceux qui accomplissent la prière, témoignent de patience à l’épreuve, et qui font dépense sur Notre attribution. »
(Sourate Al-Hajj, (Le pèlerinage) ; 22 : versets 34 et 35 (3) )
La contrition est évoquée aussi dans la sourate 11, Hûd (nom d’un prophète), au verset 23 :
« Tandis que ceux qui auront cru, effectué les œuvres salutaires, ressenti contrition devant leur Seigneur, ceux-là seront les compagnons du Jardin, ils y seront éternels. »
•L’Amour (mahabbat)
De la même façon que la connaissance de la grandeur de Dieu joue un rôle direct dans l’apparition du sentiment de contrition en l’homme, connaître les attributs divins de beauté et de perfection, savoir que toute beauté et tout bien sont de Lui et que tout ce qui relève de l’amour est en Lui, seront cause de la naissance du sentiment d’amour pour cet Etre digne d’adoration.
L’amour est un état qui survient dans le cœur d’un être conscient concernant ce qui est compatible avec son existence et en harmonie avec ses désirs. On peut dire que l’amour est une attirance de nature cognitive, comparable dans sa forme à l’attraction qui s’exerce par exemple entre un morceau de fer et un aimant.
L’amour possède plusieurs niveaux : un niveau formel et ordinaire qui naît de l’existence d’une harmonie, d’une correspondance entre l’apparence et les qualités visuelles de l’aimé avec les désirs et les souhaits de l’âme.
Les degrés supérieurs de l’amour sont en relation avec les perfections suprasensibles et non visuelles. L’homme aime par nature la vertu et la perfection et il attache son cœur à toute personne jouissant des perfections comme la science, la vaillance, la générosité et autres. Cela aussi est une sorte d’amour qui relève d’une beauté immatérielle, abstraite et non tangible, mais perceptible par l’intelligence humaine.
On entend ici par beauté cette qualité qui plait au cœur et qui, lorsqu’elle est perçue par l’homme, créé en lui un relâchement de l’âme, le rendant heureux et jubilant. La qualité de beauté trouve ainsi toujours sa signification dans le lien (qu’elle crée) avec un individu particulier qui la perçoit, et en considération des affinités qu’elle présente avec les désirs de cet individu.
Il faut savoir que les beautés spirituelles ne sont pas des choses relatives, mais des perfections réelles et objectives, que nous les saisissions ou non, que nous les voulions ou non ; elles possèdent leurs valeurs réelles dans le système de la création. Plus l’homme accordera son attention à la connaissance de ces choses, plus grands seront son amour et son inclination pour elles - l’inverse étant également vrai.
La discussion au sujet de l’amour pour Dieu est vaste et présente des dimensions diverses qui dépassent le propos de cet écrit. Dans un certain nombre de versets, le Noble Coran a évoqué l’amour des hommes pour Dieu en tant que sujet louable et précieux.
« Ô les croyants ! Quiconque parmi vous apostasie de sa religion... Dieu va faire venir un peuple qu’Il aime et qui L’aime, modeste envers les croyants et fier et puissant envers les mécréants, qui lutte dans le sentier de Dieu, ne craignant le blâme d’aucun blâmeur. » (Sourate Al-Mâ’ida, (La table servie) ; 5 : 54).
« Et pourtant il s’en trouve parmi les hommes pour, en place de Dieu, adopter de Ses égaux (prétendus) et les aimer d’un même amour… - (Non) ceux qui croient aiment Dieu intensément ! » (Sourate Al-Baqara (La vache) ; 2 : 165)
« Dis : ‘’ Si vos pères, vos fils, vos frères, vos épouses, votre clan, des biens que vous vous seriez acquis, un négoce que vous craindriez de compromettre, plaisantes demeures, si tout cela vous était plus cher que Dieu et Son Envoyé et l’effort sur Son chemin, alors morfondez-vous jusqu’à ce que Dieu fasse intervenir Son décret’’… » (Sourate Al-Tawba, (Le repentir) ; 9 : 24).
« Dis : ‘’Si vous aimez Dieu, suivez-moi pour que Dieu vous aime et vous pardonne vos péchés’’. - Dieu est Tout pardon, Miséricordieux. - Dis : ‘’Obéissez à Dieu et à Son Envoyé’’. S’ils se dérobent… Dieu n’aime pas les dénégateurs. »
(Sourate Âl ‘Imrân, (La famille de ‘Imrân) ; 3 : versets 31 et 32).
En méditant ces versets, nous apprendront que :
•Contrairement aux assertions de certains qui prétendent que l’amour ne peut nullement se rapporter à Dieu selon l’argument qu’Il est un Être non perceptible, le point de vue du Coran est que l’amour de l’homme pour Dieu est possible et réalisable.
•L’amour de l’homme pour Dieu a beaucoup de valeur et il est nécessaire et recommandé de s’efforcer de l’obtenir.
•Le minimum d’amour que l’homme doit éprouver pour Dieu consiste en ce qu’il L’aime plus que tout autre être. La perfection de l’amour de l’homme pour Dieu consiste à rompre progressivement avec tout ce qui est autre que Dieu, pour que son amour Lui soit exclusivement réservé.
•Pour parvenir à cette étape, il faut que la connaissance de Dieu devienne aussi profonde et aussi pénétrante que possible, et l’on devra aussi de tout son être comprendre l’unité divine. Pour éclaircir ce point, il faut ajouter que l’amour divin peut prendre trois formes dans le cœur de l’homme :
Premièrement : L’amour pour Dieu sous la forme d’une force motrice inconsciente qui, du fond de la nature primordiale, prend la direction de l’âme humaine. Bien que l’homme en soit inconscient, cet amour, comme la connaissance innée de Dieu, est une réalité vers laquelle l’homme est entrainé à son insu et dont il bénéficie des effets, mais sans en avoir une claire conscience de son existence dans son être.
Deuxièmement : L’amour pour Dieu que l’on retrouve chez tous les croyants qui en bénéficient plus ou moins. Les croyants aiment Dieu pour les bienfaits qu’Il leur a prodigués et pour les souffrances qu’Il leur a épargnées. En réfléchissant un peu, on comprendra qu’en réalité ce n’est pas Dieu qui est aimé, mais les bienfaits, et en méditant un peu plus sur ces bienfaits, on verra qu’il ne s’agit que des simples désirs de l’homme qui sont attribués à Dieu indirectement. En réalité, un tel homme aime la continuité de la vie avec ses perfections et il aime aussi Dieu, car il a reconnu et admis que Dieu est la cause de la subsistance de la vie, et qu’Il est le donateur des perfections. Même ceux qui adorent Dieu afin de mériter d’entrer au Paradis et d’éviter les souffrances de l’Enfer, n’aiment en réalité que leur propre bonheur et ne cherchent qu’à l’obtenir. Leur attention à Dieu et leur amour pour Lui viennent en seconde position. Ce genre d’amour qui est méritoire aux yeux de certains croyants est un péché aux yeux d’autres croyants plus rapprochés de Dieu. Tant que l’homme se reconnaitra comme un être autonome, il ne trouvera pas d’échappatoire à son égotisme et à l’amour de soi et il n’aimera Dieu que de cette sorte d’amour.
Troisièmement : L’étape parfaite de l’amour pour Dieu sera acquise par l’homme dès l’instant où il réalisera l’unité essentielle de son être et qu’il pourra voir de son œil intérieur qu’il n’y a rien d’autre que l’Essence de Dieu et qu’hormis Lui, il n’existe aucune créature indépendante dans toute l’étendue de l’Être. C’est seulement dans cette étape qu’un amour authentique pour l’Essence de Dieu transcendant verra le jour dans les profondeurs de l’âme humaine, et que tous les autres amours ne seront plus que des rameaux de cet amour pour Dieu. A ce point de sa passion pour Dieu, l’homme perdra jusqu’au contrôle de ce sentiment amoureux, car désormais doté de cette contemplation nouvelle, il se verra lui-même comme un acte parmi les actes de Dieu et une manifestation de Lui.
•Il existe deux voies pour l’acquisition de l’amour de Dieu : la première est générale, plus aisée, la seconde l’est moins.
•Méditer sur les bienfaits innombrables de Dieu. L’homme aime naturellement celui qui lui fait du bien, et plus ce bienfait sera considérable, plus sa propension pour lui gagnera en force. Si nous pensons que c’est Dieu qui nous a pourvus du meilleur bienfait qui soit - à savoir l’existence elle-même - , qui nous préserve du danger tout au long de notre vie,  qui réunit pour nous tout ce dont nous avons besoin et qu’en réalité les bienfaits que nous dispensent nos amis et nos proches ne sont que des effets de Sa grâce et de Sa bienfaisance, c’est à Lui que nous donnerons notre cœur et c’est Lui que nous aimerons plus que tout autre être.
•Une connaissance profonde et une compréhension des perfections divines infinies et puis s’orienter, se concentrer et méditer autant qu’on le peut au sujet de ces perfections. L’homme n’éprouve de l’amour pour un être que lorsqu’il trouve en lui une perfection et qu’il concentre toute son attention sur cette perfection.
•Le principal obstacle à l’éclosion de l’amour de Dieu est l’inclination forte qu’a l’homme de se passer de Dieu. Comme l’homme n’est doté que d’un seul cœur, comme le dit le Coran :
« Dieu ne loge pas deux cœurs au-dedans de l’homme » (Sourate Al-Ahzâb (Les coalisés) ; 33 : 4), il faut d’abord bien réaliser qu’aucun être, excepté Dieu, ne possède par soi quelque indépendance que ce soit, et que toute beauté, toute perfection, où qu’elles soient, ne sont que des manifestations ou des reflets de la beauté et de la perfection de Dieu. C’est à cette condition que le cœur de l’homme deviendra exclusivement le lieu de l’amour de Dieu, et qu’aucun autre amour ne viendra s’interposer ou s’opposer à ce sentiment envers le Créateur.
C’est ainsi que l’homme n’attachera son cœur à aucun être par principe. Naturellement, il s’agit ici d’un degré qui est accordé aux « Amis de Dieu », awliyâ (saintes et saints) de par une bienveillance spéciale de Dieu : « C’est Toi qui as arraché les ‘’autres’’ des cœurs de Tes amis, afin qu’ils n’aiment que Toi » (Invocation de ‘Arafa (4) ). Bien sûr, beaucoup de croyants ne parviennent pas à ce seuil et gardent, à côté de l’amour de Dieu, d’autres attaches et d’autres inclinations dans leurs cœurs, mais comme nous l’avons vu dans le troisième point, tant que l’attachement à Dieu dominera chez les hommes et qu’ils donneront la priorité à l’obéissance à l’ordre divin sur leurs désirs, leur foi ne pourra pas être remise en cause.
•L’amour indépendant pour autre que Dieu crée tant de froideur et d’indifférence à l’égard de Dieu ! Cette répulsion s’explique en réalité comme une réaction de l’attachement excessif au monde, et au fait que la foi en Dieu est embrouillée par la réalisation des désirs de l’âme. C’est pourquoi ceux qui ne croient pas en l’Au-delà et qui n’ont d’attaches que matérielles et mondaines sont rendus anxieux par le rappel de Dieu et ne retrouvent la joie que si on revient à des sujets concernant le monde. Dieu dit :
« Et pourtant au Rappel de Dieu dans son unicité s’insurge le cœur de ceux qui ne croient pas aux choses dernières, alors que la mention d’autres que Lui les fait exulter » (Sourate Al-Zumar, (Les groupes) ; 39 : 45)
•Les effets psychiques et comportementaux de la connaissance de Dieu. Connaître les actes de Dieu qui sont des manifestations des qualités divines entraîne des effets spéciaux dans le cœur et la psychè et par voie de conséquence, dans le comportement de l’homme. Ces actes se présentent sous des formes diverses qui permettent l’acquisition de différentes notions telles que le fait pour Dieu de subvenir aux besoins des créatures (râziqiyat), la bonté (rahmâniyyat), le pardon (maghferat)… Ils permettent aussi de créer des liens avec les différents domaines de l’esprit humain et enfin, ils font apparaître en l’homme des états et des comportements particuliers, dont nous allons ici examiner certains d’entre eux.
Remerciement et grâce
De par sa nature, l’homme éprouve un sentiment spécial envers son tuteur légal, car c’est à lui qu’il revient d’être remercié et loué.
Mais quand l’homme porte son attention sur le fait que tout ce dont il bénéficie en fait de faveur, depuis l’existence jusqu’aux autres bénédictions innombrables (5) dont il jouit, provient entièrement de Dieu, Lui-même son Tuteur légal véritable, cette prise de conscience fera évidemment fructifier le sentiment inné en l’homme comme elle fera éclore le sens de gratitude et de louange à l’égard de Dieu. Cette conscience croîtra et se raffermira de plus en plus au fur et à mesure que cette connaissance s’enracinera.
Adoration et service divin
Parmi les autres effets de l’attention portée aux bienfaits de Dieu, il y a le désir d’augmenter les actes d’adoration de Dieu et ce, afin de répondre, d’une certaine façon, à son penchant naturel de remercier toujours davantage le Bienfaiteur. Ceux qui adorent Dieu pour ce motif sont à bien des degrés au-dessus de ceux qui, par espoir du Paradis ou par peur de l’Enfer, vouent une adoration au Seigneur. Sous un point de vue, on peut classer par ordre de degré de vertu et de qualité, les adorateurs de Dieu en quelques catégories, qui sont :
Premièrement : Ceux et celles qui, au fond d’eux-mêmes, ont appréhendé le sens de la beauté et de la majesté divine et qui pour cela, éprouvent un sentiment d’humilité et de crainte respectueuse indescriptible devant le Seigneur.
Deuxièmement : Ceux et celles qui ont allumé dans leurs cœurs le soleil de l’amour pour la joie de leur Bien-aimé et qui ont brisé leur égo pour poser la tête à Son seuil, en signe de soumission et de fidélité.
Troisièmement : Ceux et celles qui ont bien reconnu les bienfaits divins dont ils bénéficient, qui ont exprimé franchement leur gratitude et leur reconnaissance et qui pour cela rendent un culte éternel à Dieu.
Quatrièmement : Ceux et celles qui, pour parvenir au Paradis et ses délices ou éviter l’enfer et ses tourments, adorent Dieu et sans ce motif n’auraient jamais prêté aucune attention à Dieu. Dans les ouvrages de référence des traditions, nous trouvons de nombreuses allusions, dans les paroles des Imâms Impeccables (as) aux questions précédentes. Citons-en :
« Des gens ont adoré Dieu par désir : cela est l’adoration des marchands. Et des gens ont adoré Dieu par peur : cela est l’adoration des esclaves. Et des gens ont adoré Dieu par gratitude : cela est l’adoration des Libérés. » (6)
« Les adorateurs dévots sont de trois sortes : des gens adorant Dieu, exalté soit-Il, par peur : c’est l’adoration des esclaves. Et des gens adorant Dieu, Béni et Elevé soit-Il, par recherche de récompense : cela est l’adoration des Justes (abrâr). Enfin des gens adorant Dieu exalté soit-Il, par amour pour Lui : cela est l’adoration des Libérés (ahrâr) et c’est la meilleure adoration. » (7)
« J’ai en horreur d’adorer Dieu sans aucun autre but que Sa récompense comme un esclave cupide, qui travaille quand il convoite quelque chose et qui autrement ne travaille pas. Et j’ai aussi en horreur de ne L’adorer que par peur de Son châtiment et je serais alors semblable à un esclave retors qui travaille quand il a peur et qui cesse le travail quand rien ni personne ne lui fait peur. - On lui demanda : pour quelle raison alors effectues-tu les œuvres religieuses ? - Il répondit : Parce qu’Il en est digne de par les soutiens qu’Il m’apporte et Ses bénédictions. » (8)
Dieu est capable de retirer aux hommes toutes les bénédictions qu’Il leur a prodiguées dans ce monde et en plus de les priver de tous Ses bienfaits dans l’Au-delà. L’attention sur ce point particulier peut susciter beaucoup de frayeur en l’homme. D’un autre côté, Dieu est capable d’augmenter Ses bienfaits dans ce monde et dans l’Au-delà de combler l’homme de Ses bienfaits innombrables et éternels qui seraient bien au-dessus de toutes ses espérances. L’attention portée sur ce point particulier fait apparaître une espérance indescriptible dans l’homme. La crainte d’une privation possible dans l’avenir et l’espérance en un destin meilleur possèdent une racine dans la nature humaine et sont deux facteurs puissants pour préparer l’homme à l’effort et à la réforme de soi. C’est pourquoi le Noble Coran, tenant compte de leur rôle édificateur, met l’accent sur eux en plusieurs occasions.
Examen des versets concernant la crainte :
•La peur et l’appréhension peuvent causer une transformation profonde en l’homme, de telle sorte que l’homme devienne la meilleure créature de Dieu, et que Dieu soit satisfait de Lui et lui de Dieu. Dieu dit dans le Coran :
« Tandis que ceux qui croient, effectuent les œuvres salutaires, ceux-là sont le meilleur de la créature. Leur salaire réside en leur Seigneur : jardins d’Eden, de sous lesquels des ruisseaux coulent : ils y seront éternellement, à jamais. Dieu les aura en Son contentement, comme ils L’auront en le leur. Voilà qui ne concerne que les craignants du Seigneur.» (Sourate Al-Bayyina (La preuve) ; 98 : versets 7 et 8)
•Ceux qui craignent leur Seigneur en public et en privé recevront de Lui un pardon et une récompense immenses. Dieu dit :
« Tandis que ceux qui craignent leur Seigneur dans le mystère auront indulgence et salaire généreux… » (Sourate Al-Mulk, (Le royaume) ; 67 : 12).
•La présence de la peur et même de l’effroi est une des conditions de l’adhésion à l’appel des prophètes (as), ainsi que de la guidance divine et de l’efficacité des avertissements célestes. Dieu alterne les avertissements et les bonnes annonces, de sorte que seuls ceux qui ont la crainte de Dieu au cœur, qui redoutent pieusement la Résurrection et le Jugement dernier, sous la protection des lumières du Livre Céleste, distinguent la Vérité de l’erreur et s’ornent de la piété en tirant profit des conseils et des exhortations. Dieu dit à ce sujet :
« Oui, Nous avons conféré à Moïse et à Aaron le Critère (9) , une Lumière, un Rappel à l’intention de ceux qui se prémunissent, qui craignent leur Seigneur dans le mystère, et qu’émeut l’Heure dernière. » (Sourate Al-Anbiyâ, (Les prophètes) ; 21 : versets 48 et 49). On peut aussi utilement se référer, pour en savoir plus, aux sourates : Yâ Sîn : 36 au verset 11, Tâhâ : 20 aux versets 1 à 3, Al-Nâzi‘ât (Les anges qui arrachent les âmes) : 79 au verset 45, Fâtir (Le Créateur) : 35 au verset 18, et enfin la Sourate Al-A’lâ’ (Le Très-Haut) : 87 aux versets 9 à 11.
•La crainte est aussi un facteur de diligence dans l’action et du travail dans l’urgence pour faire du bien. Dieu dit : « Tandis que ceux qu’émeut la crainte de leur Seigneur, qui croient aux signes de leur Seigneur, qui n’associent nul autre à leur Seigneur, qui donnent ce qu’ils peuvent donner sans que leur cœur dépouille la crainte du retour à leur Seigneur. C’est de leur part hâter les biens (véritables) et y arriver avant tous les autres. » (Sourate Al-Mu’minûn (Les croyants) ; 23 : versets 57 à 61).
•Il ne faut éprouver de la peur que devant Dieu et pour Dieu et de rien d’autre. Dieu dit : « Craindre les hommes, alors que Dieu a tellement plus de droit à ta crainte… » (Sourate Al-Ahzâb (Les coalisés) ; 33 : 37)
On peut aussi consulter les versets des sourates suivantes : Al-Mâ’ida (la table servie), 4 : versets 3 et 24, Sourate Al-Ahzâb (Les coalisés) ; 33 : 39 , Sourate Al-Baqara (La vache) ; 2 : 150 , et Sourate Al-Tawba (Le repentir) ; 9 : 13.
•Seul peut tirer les leçons des évènements du passé celui qui a goûté et expérimenté la crainte de son Seigneur. Dieu dit à propos de Pharaon :
« Aussi Dieu le saisit-Il d’une peine exemplaire dans la vie dernière comme dans la première, en quoi réside une leçon pour ceux qui craignent Dieu. » (Sourate Al-Nâzi’ât (Les anges qui arrachent les âmes) ; 79 : versets 25 et 26). Il a été dit que dans le Coran, différents termes servant à désigner cet état particulier des croyants face au Seigneur ont été employés. Bien que chacun possède son acception spécifique qu’il conviendrait d’étudier à leur tour, ils possèdent tous en commun de véhiculer la notion de peur, de crainte. C’est parce que le Coran utilise les ressources de la langue arabe pour désigner des nuances de la peur selon les contextes où elle survient. Voici certains de ces termes signalés en italique, suivis de l’indication des lieux de leurs occurrences : khashyat et rahbat : Sourate Al-Baqara (La vache) ; 2 : 40 , Sourate Al-Nahl (Les abeilles) ; 16 :51 , Sourate Al-A‘râf (Les limbes) ; 7 : 154 , et Al-Anbiyâ’ (Les prophètes) ; 21 : 90 , ishfâq (Sourate Al-Anbiyâ (Les prophètes) ; 21 : versets 28 et 49 , Al-Mu’minûn (Les croyants) ; 23 : 57 , et Al-Shûrâ (La consultation) ; 42 : 18 , et wajal (Sourate Al-Anfâl (Le butin) ; 8 : 2 , Al-Hajj (Le pèlerinage) ; 22 : 35 , et Al-Mu’minûn (Les croyants) ; 23 : 60.)
L’Espérance
Lorsque nous nous imaginons que, dans un avenir proche, une bénédiction sera notre lot, nous sommes pénétrés par un sentiment de douceur que l’on appelle espoir ou espérance. Dans plusieurs versets coraniques, il est fait mention de cet espoir :
•Espérance en Dieu (Sourates Al-Ahzâb (Les coalisés) ; 33 : 21 , Al-Mumtahina, (L'éprouvée) ; 60 : 6)
•Espérer rencontrer Dieu (Sourates Al-Kahf (La caverne) ; 18 : 110 , et Al-‘Ankabût (L’araignée) ; 29 : 5)
•Espérer le jour du Jugement dernier (Sourates Al-‘Ankabût ; 29 : 36, et Al-Ahzâb (Les coalisés) ; 33 : 21)
•Espérance dans la bonté du Seigneur (Sourates Al-Zumar (Les groupes) ; 39 : 9, Al-Baqara (La cache) ; 2 : 218)
•Espérer le (jour) des Comptes (Sourate Al-Naba’ (L’annonce) ; 78 : 27).
De l’étude des versets coraniques, il ressort que :
- Le signe évident de l’espoir en Dieu et au jour de la Résurrection consiste à agir en bien et à ne pas associer des divinités à Dieu. Dieu dit :
« Dis : Je ne suis qu’un humain comme vous, mais à qui la révélation vient que votre dieu est Dieu l’Unique. Qui espère rencontrer son Seigneur, qu’il effectue l’œuvre salutaire, et n’associe personne à son Seigneur dans l’adoration. » (Sourate Al-Kahf (La caverne) ; 18 : 110). Ceux qui n’ont pas d’espoir dans la rencontre de Dieu se sont attachés au monde, en sont satisfaits et heureux et sont dans l’indifférence envers Dieu et Ses signes. Ils effectuent des œuvres laides et détestables, se révoltent et se montrent récalcitrants, cherchent des prétextes et font des demandes déplacées. Dieu dit à leur propos :
« Quant à ceux qui n’appréhendent pas Notre rencontre, se satisfont de la vie d’ici-bas, y trouvent leur quiétude, restent indifférents, eux, à Nos signes, de ceux-là le Feu sera le refuge, par cela même qu’ils se seront acquis. » (Sourate Yûnus (Jonas) ; 10 : versets 7 et 8) (10) .
- La cause de l’absence d’espérance en la rencontre de Dieu est l’absence d’attention à Dieu et à Ses signes (Sourate Yûnus ; 10 : versets 7 et 8), et comme l’inattention provient de la connaissance imparfaite, acquérir une connaissance vraie est une condition nécessaire et préalable pour recouvrer l’espoir.
- De l’ensemble des versets relatifs à l’espoir, il ressort que l’espoir est à l’origine de tous les efforts utiles et fructueux de l’homme, et il est la source de l’amendement des affaires de la création dans la société ainsi que la cause qui fait mériter aux hommes le bonheur éternel. Tout comme il est aussi vrai que le désespoir, la détresse à l’égard de Dieu et au Jour de la Résurrection sont la racine de toutes les corruptions sur terre, des actions viles et des malheurs. Dans certains versets, l’espoir (rajâ’) est pris dans son sens strict d’attente que se réalise ou que survienne quelque chose, que ce soit au bénéfice de l’homme ou à son détriment. Et dans toutes les occurrences de « l’espérance au jour de la résurrection », le mot semble prendre une signification de l’attente absolue. Au sujet des versets faisant mention de l’attente de la rencontre avec le Seigneur, deux possibilités se présentent : l’une est que l’intention en soit que la rencontre avec Dieu est un degré de la proximité divine qui ne s’obtient et n’est à la portée que des saints et saintes (awliyâ’) et l’autre, que l’intention en soit le face à face absolu de la rencontre avec Dieu qui se produira pour tout le monde et chacun individuellement. Dans ce dernier cas, le sens de « l’espoir de la rencontre avec Dieu » serait l’attente absolue de cet évènement qui se fonde sur la foi dans la résurrection finale et surtout l’idée que l’on s’en soucie.
Quelques remarques :
•Si l’homme croyant est persuadé au fond de lui-même que le bien et le mal le concernant dépendent uniquement de la volonté de Dieu, il devrait dans ce cas ne craindre que Dieu et ne s’attacher qu’à Lui, et par conséquent, son espoir et sa crainte seront tous les deux suspendus à Lui.
•La crainte de Dieu et l’espoir en Lui servent à celui qui désire la perfection comme deux qualités indispensables. Ne pas les avoir constitue une lacune dans les vertus humaines. La crainte et l’espoir sont en réalité deux ailes dont on se sert pour voler vers les sommets de la perfection, sans lesquelles l’homme n’arriverait nulle part.
•La crainte et l’espérance doivent être équilibrées. Cette remarque peut se déduire des versets où les deux termes apparaissent côte à côte. Dieu dit :
« Celui qui a le souci de la vie dernière, aspire à la miséricorde de son Seigneur… » (Sourate Al-Zumar (Les groupes) ; 39 : 9), et Il dit aussi : « Ceux qui détachent leurs flancs de leur couche pour invoquer leur Seigneur dans la crainte et l’appétence, sur Notre attribution font dépense. » (Sourate Al-Sajda, (La prosternation) ; 32 : 16).
Dans les recueils de traditions, l’Imâm Impeccable (as) a dit : « Le serviteur de Dieu croyant n’est pas autre que celui qui possède dans son cœur deux lumières : l’une est la lumière de la crainte et l’autre la lumière de l’espoir, et s’il souhaitait évaluer chacune d’elle séparément, aucune ne l’emporterait sur l’autre. »
•Ce qui s’oppose à la peur est d’une part, le sentiment de sécurité devant le châtiment de Dieu et d’autre part, l’impertinence (de se livrer à tous les péchés sans crainte de Dieu). Et ce qui s’oppose diamétralement à l’espoir est la déception, le désespoir de la bonté divine qui font partie tous les deux des péchés capitaux. La crainte et l’espérance sont deux choses existantes et aucune d’elles ne se trouve aux antipodes de l’autre, ni son contraire. En dépit de cela, elles interagissent l’une sur l’autre. Si la peur dépasse la limite raisonnable et nécessaire, elle affaiblira l’espoir dans le cœur de l’homme et inversement. C’est la raison pour laquelle l’Imâm Ja'far al-Sâdiq (as) a dit : « Espère en Dieu dans la proportion qui ne te rende pas impertinent au point de ne plus Lui obéir, et sois dans la crainte de Dieu dans la proportion qui ne te fasse pas désespérer de sa miséricorde. »
L’humilité (khushû‘)
Le sens de l’humilité est approximativement concomitant du sens de la peur et de la crainte et signifie quelque chose comme orgueil brisé. En français, l’humilité est de la même famille que le mot humus qui désigne le terreau. Etre humble a donc le sens imagé très oriental de réaliser que nous ne sommes que de la poussière, que nous retournerons à la terre, qui que nous soyons. Le cœur devient flexible et ne se laisse plus dominer par l’orgueil, comparé à la dureté du cœur de pierre et l’absence de réaction émotive du cœur. Le Noble Coran incite et encourage les croyants à l’humilité et à la modestie devant les Paroles divines, les signes divins, les Livres célestes révélés, la Vérité et la Réalité. Il attend d’eux qu’ils aient des comportements en totale adéquation avec ses enseignements divins. Il blâme les hommes aux cœurs endurcis qui ont reçu la Torah mais qui ne l’ont pas appliquée dans leur vie, leurs cœurs devenant encore plus durs, s’adonnant à la prévarication et à la scélératesse. « N’est-il pas l’heure pour les croyants que leur cœur s’humilie au Rappel de Dieu et à cette part du Vrai qui est descendue, et qu’ils n’imitent pas ceux qui précédemment reçurent l’Ecrit ? Le délai leur parut long, leurs cœurs s’endurcirent, et beaucoup d'entre eux sont pervers. » (Sourate Al-Hadîd (Le fer) ; 57 : 16).
On peut conclure de ce verset que l’acquisition de la qualité de l’humilité dépend dans une certaine mesure de la volonté des hommes. On peut donc faire naître en soi cette qualité en accomplissant certaines œuvres et en réunissant certaines autres conditions préalables. Pour plus de lecture à ce sujet, on pourra consulter aussi les contenus des versets coraniques évoquant cet état louable aux sourates suivantes : Al-Ahzâb (Les coalisés) ; 33 : 35 , Al-Baqara (La vache) ; 2 : 46 , Al-Zumar (Les groupes) ; 39 : versets 22 à 27, Maryam (Marie) ; 19 : 58 , Al-Isrâ (Le voyage nocturne) ; 17 : versets 107 à 109.
La contrition et le renoncement
La contrition ou remords (tazarro‘) et la reddition ou soumission après résistance (istikâna) sont des états qui surviennent suite à la peur et l’effroi. Tazarro’ signifie étymologiquement (se) sous-estimer et (se) mépriser à force de regret, et il se manifeste par les pleurs et les lamentations. Même si aujourd’hui encore il continue à être employé dans cette acception, il désigne aussi la cause à l’origine de cet état qui consiste dans le fait de se voir faible et insignifiant devant la puissance des évènements et des difficultés de la vie et qui amènent les hommes à supplier le secours divin. La privation, la maladie, les inondations, les tremblements de terre et autres calamités ramènent l’homme à sa vérité, à se voir en face, hors de son image d’orgueilleux et d’indifférent à Dieu, et cet état de remords remonte à la surface. C’est pour cette raison que selon le Coran, pour faire manifester cet état louable, Dieu a soumis aux épreuves les anciennes communautés par les difficultés. Mais beaucoup d’entre elles avaient le cœur trop endurci pour manifester la moindre émotion et ne pouvaient se réveiller de leur orgueil. Il dit dans le Coran :
« Oui, Nous avons envoyé (Notre message) à des communautés d’avant toi ; et c’est pourquoi Nous les saisîmes par le malheur et la calamité, dans l’attente de leur contrition. Ah ! si, quand les toucha Notre rigueur, elles avaient témoigné de contrition ! Mais leur cœur s’endurcit. Satan leur parait leurs actes... » (Sourate Al-An’âm, (Les bestiaux) ; 6 : versets 42 et 43).
Il s’agit là d’une pédagogie divine éminemment efficace fondée sur les mises à l’épreuve successives des peuples, des individus et des civilisations. Ces épreuves sont autant de chances à saisir par l’homme pour gravir les échelons de la perfection.
« Oui, l’homme fut créé impressionnable : pusillanime dès que le mal le touche, inabordable dès que le touche le bien ! » (Sourate Al-Ma‘ârij, (Les voies d'ascension) ; 70 : versets 19 à 21).

Notes :
1 Il s’agit ici de la connaissance de l’Essence divine, par la voie négative, à savoir connaître ce qu’Elle n’est pas. La connaissance par la voie positive n’est possible dans une certaine mesure que pour les Noms, les qualités et les actes, l’Essence étant inconnaissable.
2 Bihâr al-Anwâr, volume 5, p. 393, note 64.
3 Voir aussi le verset 54
4 Invocation attribuée à l’Imâm Hossein (as) prononcée à ‘Arafa, l'une des étapes du rite du pèlerinage à La Mecque, au mois lunaire de Zûl-hijja.
5 Dieu dit dans la Sourate Ibrahîm (Abraham) 14 au verset 34 : « Si vous dénombriez les bienfaits de Dieu, vous n’en feriez pas le compte... »
6 Bihâr al-Anwâr, volume 78, glose 69.
7 Bihâr al-Anwâr, volume 70, p. 255.
8 Bihâr al-Anwâr, volume 70, p. 210.
9 Le mot Critère traduit le mot Arabe furqân dont la racine contient le sens de séparation, de distinction. Al-Furqân (Le Critère) est le Coran envisagé sous sa révélation historique en partie aux prophètes antérieurs (Moïse et Jésus, par exemple) avant sa révélation entière et en bloc à l’Envoyé d’Allah et de prendre le nom de Qor’ân (transcrit en français Coran) qui vient d’une racine signifiant aussi rassembler un tout. Avec la révélation du Coran, plus aucun Livre ne descendra du Ciel.
10 On peut consulter dans la même sourate les versets 11 et 15, et dans la sourate al-Furqân (Le Critère) ; verset 25 : 21.

Ajouter un commentaire