Quel est le critère qui permet de distinguer le Tawhîd (l’unicité) du chirk (l’associationnisme)?
Réponse:
La plus importante question en ce qui concerne le Tawhîd (le monothéisme) et le chirk (le polythéisme), est de connaître le critère qui les distingue, car si cette question essentielle n’est pas réglée au préalable, les questions qui la touchent ne seront pas non plus résolues. Nous présenterons la question du Tawhîd et du chirk dans plusieurs contextes mais d’une manière succincte:
1. Le Tawhîd (le monothéisme) dans l’essence
Le Tawhîd dans l’essence déclare que:
a) Dieu, selon l’expression des théologiens est «L’Être nécessaire». L’Être suprême est Un et n’a pas d’égal ni de pareil: Ceci est le Tawhîd dont Dieu fait mention dans le Noble Coran en diverses circonstances, lorsqu’Il dit:
﴿ لَيْسَ كَمِثْلِهِ شَيِءٌ ﴾
«Rien n’est semblable à Lui!» Sourate «Chourâ» 42:11.
﴿ وَلَمْ يَكُنْ لَهُ كُفُوًا أَحَدٌ ﴾
«Nul n’est égal à Lui!» Sourate «Ikhlâs» 112:4.
Ce Tawhîd, interprété dans le sens d'une unicité numérique: Dieu est Un et il n’y a pas deux dieux, ne convient pas au degré divin.
b) L’essence de Dieu est simple et non composée, car si un existant est composé de parties internes ou externes, il aura besoin de ses propres parties, or le «besoin» indique la «possibilité», et la possibilité est attachée à la nécessité d’une cause et ne s’accorde en aucun cas avec le degré de l’Être nécessaire et suprême.
2. Le Tawhîd dans le pouvoir créateur
Le Tawhîd dans le pouvoir créateur fait partie des degrés du Tawhîd qui sont acceptés par l’intelligence et enseignés par la Tradition prophétique.
Du point de vue de l’intelligence, tout ce qui est autre que Dieu entre dans un ordre de possibilités, dépourvu de perfection et de beauté absolue. Toute chose a été tirée de la source d’abondance: Dieu, Celui qui est riche par essence. Ainsi, tout ce que nous voyons dans le monde, comme manifestation de la perfection et de la beauté, vient en totalité de «Lui».
De nombreux versets coraniques énoncent le Tawhîd (l’unicité) dans le pouvoir créateur. Nous en exposons l’un d’entre eux à titre d’exemple:
﴿ قُلِ اللَّهُ خَالِقُ كُلِّ شَيْءٍ وَهُوَ الْوَاحِدُ الْقَهَّارُ ﴾
«Dis: «Dieu est Le Créateur de toute chose, Il est L’Unique, Le Dominateur suprême».
Sourate «Ra’d» 13:16.
Par conséquent, le Tawhîd dans le pouvoir créateur ne peut, de manière générale, constituer une cause de divergences entre les théologiens, mais le Tawhîd dans la création est l’objet de deux interprétations que nous rappelons ici:
a) Tout ordre de causalité parmi les existants aboutit à la cause première, la «Cause de toutes les causes». En vérité, Dieu est le Créateur absolu qui se passe de cause et l’effet de ce qui est autre que Dieu dans ses propres causes, est une manifestation de Sa volonté, de Sa permission et de Son désir. A propos de cet avis, il existe un consensus sur la causalité qui existe dans le monde, et sur laquelle la science a levé le voile. Mais l’ordre, dans sa totalité, dépend de Dieu, c’est Lui qui l’a rendu apparent et qui est l'origine de la causalité des causes et de l’effet des effets.
b) Dans le monde, seul un créateur existe: Dieu. Dieu est la cause première de tous les phénomènes naturels et la puissance humaine n’a pas d’effet sur Son action.
Par conséquent, dans le monde, nous n’avons qu’une seule cause qui se substitue à tout ce que la science présente comme causes naturelles.
Cette interprétation du Tawhîd (l’unicité) dans le pouvoir créateur est celle d’un groupe de savants connus, mais certaines personnalités comme l’imâm al-Haramayn(1), et plus récemment le Cheikh Mohammad Abdoh, dans son essai sur le Tawhîd (l’unicité), l'ont désavoué et opté pour la première interprétation.
3. Le Tawhîd dans l'organisation de la création
L’acte de création étant propre à Dieu, l’ordre de l’existence vient également de Lui. Dans le monde, un seul planificateur existe et la même preuve démontrant le Tawhîd dans le pouvoir créateur, démontre aussi le Tawhîd dans l'organisation de l'univers.
Le Noble Coran, dans de nombreux versets, présente Dieu en tant qu’unique planificateur du monde et dit:
﴿ قُلْ أَغَيْرَ اللَّهِ أَبْغِي رَبًّا وَهُوَ رَبُّ كُلِّ شَيْءٍ ﴾
«Dis: «Chercherai-je un autre Seigneur que Dieu? Il est le Seigneur de toute chose».
Sourate «An‘âm». 6:164.
Les deux interprétations qui ont été citées à propos du Tawhîd dans le pouvoir créateur, sont débattues également au sujet du Tawhîd dans l'organisation de l'univers, et à notre avis, l’objet du Tawhîd dans la planification, signifie aussi que le monopole de la planification revient à Dieu.
Dans l’ordre de l’existence, des planifications subordonnées ne peuvent apparaitre que sur la volonté et avec la permission de Dieu.
Le Noble Coran fait référence à ces «administrateurs» dépendants de Dieu:
﴿ فَالْمُدَبِّرَاتِ أَمْرًا ﴾
«(Par ceux qui avancent les premiers) pour diriger les affaires».
Sourate «Nâzi‘ât» 79:5.
4. Le Tawhîd dans la souveraineté
Le Tawhîd dans la souveraineté signifie que le pouvoir est un droit de Dieu et que Lui seul, est le maître des créatures, comme le dit le Noble Coran:
﴿ إِنِ الْحُكْمُ إِلَّا لِلَّهِ ﴾
«Le jugement n’appartient qu’à Dieu».
Sourate «Yûsûf» 12:40.
Par conséquent, tout autre pouvoir n'apparaît que par Sa volonté, quand des gens honnêtes prennent la direction des affaires de la communauté et guident les gens à la félicité et à la perfection, comme le dit le Noble Coran:
﴿ يَا دَاوُودُ إِنَّا جَعَلْنَاكَ خَلِيفَةً فِي الْأَرْضِ فَاحْكُمْ بَيْنَ النَّاسِ بِالْحَقِّ ﴾
«Dâwûd! Nous avons fait de toi un lieu-tenant sur terre; juge les hommes selon la justice».
Sourate «Sâd». 38:26.
5. Le Tawhîd dans l’obéissance
Le Tawhîd dans l’obéissance signifie que Celui qui est obéi par essence, celui que l’on suit nécessairement est Dieu l’Immense.
Par conséquent, la nécessité d’obéir à d'autres que Dieu comme le Prophète –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille–, l’Imâm, le juge, le père et la mère, découle de Son ordre et de Sa volonté.
6. Le Tawhîd dans la législation
Le Tawhîd dans la législation signifie que le droit de légiférer vient uniquement de Dieu. Sur cette base, notre Livre céleste considère comme un motif de kofr, d'athéisme, de péché et d’injustice, tout décret sortant du cadre de la loi divine, lorsqu’il dit:
﴿ وَمَنْ لَمْ يَحْكُمْ بِمَا أَنْزَلَ اللَّهُ فَأُولَئِكَ هُمُ الْكَافِرُونَ ﴾
«Les incrédules sont ceux qui ne jugent pas d’après ce que Dieu a révélé».
Sourate «Mâ’ida» 5:44.
﴿ وَمَنْ لَمْ يَحْكُمْ بِمَا أَنْزَلَ اللَّهُ فَأُولَئِكَ هُمُ الْفَاسِقُونَ ﴾
«Les pervers sont ceux qui ne jugent pas d’après ce que Dieu a révélé».
Sourate «Mâ’ida» 5:47.
﴿ وَمَنْ لَمْ يَحْكُمْ بِمَا أَنْزَلَ اللَّهُ فَأُولَئِكَ هُمُ الظَّالِمُونَ ﴾
«Les injustes sont ceux qui ne jugent pas d’après ce que Dieu a révélé».
Sourate «Mâ’ida» 5:45.
7. Le Tawhîd dans l’adoration
Le débat le plus important à propos du Tawhîd est celui du Tawhîd dans l’adoration et le sens de l’adoration (‘ibâda), car tous les musulmans convergent sur cette question et reconnaissent que l’adoration est réservée à Dieu et que l’on ne peut adorer autre que Lui, comme le dit le Noble Coran :
﴿ إِيَّاكَ نَعْبُدُ وَإِيَّاكَ نَسْتَعِينُ ﴾
«C’est Toi que nous adorons, c’est Toi dont nous implorons le secours».
Sourate «Hamd» 1:5.
Les saints versets Coraniques précisent que ce point est commun à tous les Prophètes et à que tous les ambassadeurs divins ont été envoyés dans ce but. Le Noble Coran dit à ce sujet:
﴿ وَلَقَدْ بَعَثْنَا فِي كُلِّ أُمَّةٍ رَسُولًا أَنِ اُعْبُدُوا اللَّهَ وَاجْتَنِبُوا الطَّاغُوتَ ﴾
«Oui, Nous avons envoyé un prophète à chaque communauté: «Adorez Dieu! Fuyez les Taghût!»
Sourate «Nahl». 16:36.
Par conséquent, l'adoration uniquement réservée à Dieu, est un principe incontestable et une condition indispensable du Monothéisme.
Quel est le critère qui distingue l’adoration ?
Est-ce que, par exemple, embrasser la main de son professeur, de ses parents, des savants ou toute autre marque de respect vis-à-vis de ceux qui ont des droits sur nous, sont des actes d'adoration?
L’adoration peut-elle être prise dans le sens d’humilité et de profond respect ou au contraire, existe-t-il un élément dans l’essence de l’acte, de sorte que sans lui, aucune manifestation d’humilité, jusqu’à la prosternation, ne puisse avoir le sens d’adoration.
Quel est cet élément qui confère à l’humilité et aux marques de profond respect, un sens d’adoration?
De faux exemples d’adoration
Certains auteurs ont interprété l’adoration dans le sens d’humilité ou d’humilité excessive, mais se sont fourvoyés dans l'interprétation des versets coraniques:
﴿ وَإِذْ قُلْنَا لِلْمَلَائِكَةِ اسْجُدُوا لِآَدَمَ ﴾
«Lorsque Nous avons dit aux anges: «Prosternez-vous devant Âdam!».
Sourate «Baqar» 2:34.
La prosternation devant Adam –les bénédictions de Dieu soient sur lui– avait la même forme que la prosternation devant Dieu, alors que la première était un signe d’humilité et la deuxième un signe d’adoration.
Pourquoi ces deux prosternations ont-elles deux sens différents?
Le Coran dit:
﴿ وَرَفَعَ أَبَوَيْهِ عَلَى الْعَرْشِ وَخَرُّوا لَهُ سُجَّدًا وَقَالَ يَا أَبَتِ هَذَا تَأْوِيلُ رُؤْيَايَ مِنْ قَبْلُ قَدْ جَعَلَهَا رَبِّي حَقًّا ﴾
«Il fit monter son père et sa mère sur le trône et ils tombèrent [tous, (son père, sa mère et ses frères) prosternés. Il dit: «Père! Voici l’explication de mon ancienne vision: Mon Seigneur l’a réalisée».
Sourate «Yûsûf» 12:100.
Le coran rappelle l’allusion de Yûsuf –les bénédictions de Dieu soient sur lui–, au rêve qu’il avait fait où onze étoiles accompagnées du soleil et de la lune, se prosternaient devant lui:
﴿ إنِّي رَأَيْتُ أَحَدَ عَشَرَ كَوْكَبًا وَالشَّمْسَ وَالْقَمَرَ رَأَيْتُهُمْ لِي سَاجِدِينَ ﴾
«J’ai vu onze étoiles, le soleil et la lune se prosterner devant moi».
Sourate «Yûsûf» 12:4.
Yûsuf –les bénédictions de Dieu soient sur lui– considère la prosternation de ses proches comme la réalisation de sa vision, et que les onze étoiles étaient ses onze frères et le soleil et la lune, son père et sa mère.
Non seulement les frères de Yûsuf –les bénédictions de Dieu soient sur lui– se sont prosternés devant lui, mais aussi leur père, le prophète Ya‘qûb –les bénédictions de Dieu soient sur lui–.
Pourquoi cette prosternation qui est la manifestation ultime de l’humilité et de la modestie, n’a-t-elle pas un sens d’adoration?
L’excuse pire que le péché!
Le groupe dont nous avons parlé, en guise de réponse, dit que ces manifestations d’humilité, ne sont pas du chirk (du polythéisme) car c'est Dieu qui l'a ordonné. Cette réponse paraît très maladroite, comment Dieu pourrrait-il ordonner un acte qui est considéré comme une manifestation du polythéisme?
Le Noble Coran dit:
﴿ قُلْ إِنَّ اللَّهَ لَا يَأْمُرُ بِالْفَحْشَاءِ أَتَقُولُونَ عَلَى اللَّهِ مَا لَا تَعْلَمُونَ ﴾
«Dis: «Dieu ne vous ordonne pas l’abomination. Direz-vous sur Dieu ce que vous ne savez pas?»
Sourate «A‘râf» 7:28.
Fondamentalement, un ordre de Dieu ne modifie pas l’essence d'un acte. Si la prosternation signifie l'adoration de quelqu'un, et si Dieu l’ordonne, la conclusion est que Son ordre est un ordre d’adoration.
Les difficultés et le sens réel de l’adoration
Jusqu’ici nous avons vu que l’interdiction d’adorer autre que Dieu, était commune à tous les monothéistes du monde. D’un autre côté, la prosternation des anges devant Âdam –les bénédictions de Dieu soient sur lui– et de Ya‘qûb –les bénédictions de Dieu soient sur lui– et des fils de Ya‘qûb, devant Yûsûf –les bénédictions de Dieu soient sur lui– ne sont pas considérées comme des actes d'adoration.
Comment un seul acte peut-il prendre des sens différents?
Les versets du Coran montrent que l’adoration est un sentiment d'humilité vis à vis d’un être, considéré comme dieu, et auquel on attribue des actes divins.
Ainsi, la croyance en Dieu et en Sa capacité d'accomplir des actes divins constitue la base élémentaire qui, accompagnée d’humilité, prend un sens d’adoration.
Les polythéistes dans le monde, manifestent une humilité vis à vis d’existants qu’ils considèrent comme créés par Dieu et à qui ils confèrent un droit d’intercession, en limitant l'acte divin au pardon des péchés.
Un groupe de polythéistes de Bâbil (Babylon) adorait des corps célestes et les considérait comme étant des dieux, non créateurs, mais à qui avaient été "confié" le plan et la réalisation des objectifs du monde et des hommes. L’histoire de Ibrâhîm –les bénédictions de Dieu soient sur lui–, raconte ses discussions avec ceux qui n’ont jamais considéré le soleil, la lune et les étoiles comme le Dieu créateur, mais comme des créatures à qui la Divinité, le Créateur du monde, avait délégué Ses pouvoirs.
Les versets coraniques qui présentent les discussions de Ibrâhîm –les bénédictions de Dieu soient sur lui– avec les polythéistes de Bâbil (Babylon) insistent sur le mot rabb (2)qui signifie Seigneur et Administrateur.
Les Arabes disent du maître de maison: rabb al-bayt et au maître des terres: rabb al-dhay‘a, car la gestion de la maison et des cultures sont à sa charge.
Le Noble Coran, en présentant Dieu comme l’unique administrateur du monde, s'oppose aux polythéistes et invite à l’adoration d’un Dieu unique:
﴿ إِنَّ اللَّهَ رَبِّي وَرَبُّكُمْ فَاعْبُدُوهُ هَذَا صِرَاطٌ مُسْتَقِيمٌ ﴾
«Dieu est, en vérité, mon Seigneur et votre Seigneur: servez-Le: c’est là le chemin droit».
Sourate «Âl-i ‘Imrân» 3:51.
﴿ ذَلِكُمُ اللَّهُ رَبُّكُمْ لَا إِلَهَ إِلَّا هُوَ خَالِقُ كُلِّ شَيْءٍ فَاعْبُدُوهُ ﴾
«Tel est Dieu, votre Seigneur. Il n’y a de Dieu que Lui, le Créateur de toute chose. Adorez-Le!»
Sourate «An‘âm» 6:102.
Il dit dans la sourate «Dokhân»:
﴿ لَا إِلَهَ إِلَّا هُوَ يُحْيِي وَيُمِيتُ رَبُّكُمْ وَرَبُّ آَبَائِكُمُ الْأَوَّلِينَ ﴾
«Il n’y a de Dieu que Lui. Il donne la vie et Il donne la mort. Il est votre Seigneur et le Seigneur de vos premiers ancêtres».
Sourate «Dokhân» 44:8.
Le Noble Coran, rapporte les paroles de ‘Isâ –les bénédictions de Dieu soient sur lui–:
﴿ وَقَالَ الْمَسِيحُ يَا بَنِي إِسْرَائِيلَ اعْبُدُوا اللَّهَ رَبِّي وَرَبَّكُمْ ﴾
«Le Messie dit: «fils d’Isrâ’îl! Adorez Dieu, mon Seigneur et votre Seigneur».
Sourate «Ma’ida» 5:72.
Cela montre clairement que toute forme d’humilité, dépouillée de toute croyance en un dieu à qui sont attribués des actes divins, ne peut être considérée comme une adoration, quel que soit le degré de cette humilité.
Par conséquent, l’humilité du fils vis à vis de son père et de sa mère et l’humilité de la communauté face au Prophète –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille– ne sont pas des actes d'adoration.
Les autres thèmes comme la recherche de la bénédiction des Amis de Dieu, embrasser leur tombeau, les portes et les murs de leur sanctuaire, la recherche de l’intercession des rapprochés du Seuil divin, l’appel aux serviteurs pieux de Dieu, les cérémonies lors des anniversaires des naissances ou des décès des Amis de Dieu, que certains considèrent comme des manifestations d’adoration et d’associationnisme sont des actes qui n'ont rien à voir avec l’adoration.
Notes
1- Milal wa Nihal (Chahrestânî), Vol.1
2- Sourate «An‘âm» 6:76 à 78.
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