Le récit pathétique et passionnant de la conversion d’un jeune Français : Vincent L.
Bismillâh-ir-Rahmân-ir-Rahîm
Introduction
En avril 2006, j’ai passé une journée avec M. Abbas al-Bostani.
Nous avons conversé sur divers sujets. Cependant, la discussion s’est étendue sur la façon dont je me suis converti à l’Islam et ensuite sur le passage du Sunnisme au Chîisme.
Ce rapport verbal fut très long ; j’ai rarement énuméré ces faits dans les détails à autrui, même à mes proches! Il faut dire qu’ils ne me l’ont jamais demandé, d’autant plus qu’ils connaissaient brièvement mon passé et qu’ils préféraient ce que je suis devenu, même s’ils ne comprennent pas vraiment pourquoi l’Islam !
Je vis, depuis plus de six ans, à une centaine de kilomètres de Paris, dans une petite ville, où les frères, de là-bas, sont très peu au courant des raisons qui m’ont emmené à la conversion et surtout la façon dont j’ai accepté le courant de pensée des «Ahl-Bayt » (que la paix et les prières soient sur eux.)
La pensée est étrange ! Comment en quelques heures, j’ai pu discuter, dans les détails, avec notre frère Abbas Bostani, alors que les Musulmans de ma ville, n’en connaissent que des fragments.
Pour ma part, je crois en savoir la raison. Un disciple de l’Imam Ja’far (que la paix soit sur lui) le questionna sur la façon de reconnaître un médisant. Il a répondu : questionne ton cœur ? Si en présence d’un individu, tu ressens dans ton cœur de l’aisance et de la sincérité, sache que vous êtes en bonne entente mais si tu ressens une sensation différente alors, sache que l’un de vous cache quelque chose.
Si en quelques heures, j’ai pu répondre à ces requêtes, cela était sûrement dû à la sérénité. Pourquoi ? Allah est le Savant.
Sur ces échanges verbaux, M. Bostani m’a demandé de rédiger un livre sur ce que j’ai vécu.
Si ce livre réussit, il sera d’abord dédié, à Celui qui fut la cause de ma conversion : Allah
Pourquoi nous a t-il choisi d’être ses serviteurs ?
Qu’avons-nous d’exceptionnel que les autres n’ont pas ?
Allah l’a voulu et louange à Lui seul.
Il est, aussi, dédicacé à ceux qui sont bien plus supérieurs aux êtres humains réunis : les ‘Ahl-Bayt’ (que la paix et les prières soient sur eux.)
La majorité des musulmans ne connaissent que des mensonges sur le shi’isme.
Dans un ‘Hadith’ sur la fin des temps, il y a un passage où le Prophète (que la paix et les prières soient sur lui et sur sa famille) prédit : vous aurez des ‘ Ulémas’ qui seront les pires des gens.
Et le Noble Coran nous demande :
« Ne dissimulez pas la vérité en la revêtant du mensonge. Ne cachez pas la vérité, alors que vous savez » (2. 42)
De nos jours, cela est vrai, des ‘Ulémas’ nous traitent de négateurs (rafidhi) alors que c’est bien eux qui renient la vérité.
Le Prophète a déclaré un jour que quiconque avait un atome d’orgueil dans le cœur, ne sentira jamais l’odeur du Paradis. Les compagnons qui étaient présents lui dirent : O Prophète ! Nous allons tous aller en enfer. Le messager leur demanda pourquoi, ils ont répondu : parce que nous aimons porter de beaux habits, de beaux souliers, posséder une belle maison etc.…et lorsque nous avons cela, nous ressentons dans notre for intérieur, une sensation de fierté et d’élévation. Le Prophète leurs répondit : Ceci n’est pas de l’orgueil, remercier Allah pour ces bienfaits. Non l’orgueil c’est le fait de ne pas accepter la vérité fusse-t-elle sortie de la bouche de quelqu’un de plus jeune que vous ou de plus âgé que vous.
Qu’est ce qu’un résistant et un terroriste ?
Je proviens d’une famille normande, mes grands-parents ont du émigrer en Normandie à cause de la pénétration allemande dans l’Est de la France, ils ont du fuir leur propre région pour survivre.
Ce fait historique appelle une anecdote et une observation.
Lors du conflit entre la Serbie et le Kosovo, certains Français n’étaient pas du tout d’accord que l’Etat Français accepte, sur leur sol, des Kosovars. Ma grand-mère, qui fut au courant de ce discours illogique et anti-humaniste, me raconta que lors de la deuxième guerre mondiale, en pleine nuit, en laissant ses affaires dans sa chambre, elle et mes arrière-grands-parents ont dû s’enfuir de leurs maisons qu’ils avaient construites de leurs propre mains. Elle n’était alors âgée que de 14 ans, elle n’est plus jamais revenue dans sa région par la suite ; des larmes s’écoulaient sur ses joues. Pour elle, ces émigrés (les Musulmans du Kosovo comme tous ceux de l’époque de la deuxième guerre mondiale) qui ont dû s’enfuir ressentent ce drame car ils l’ont vécu. Mais, malheureusement, les Français sont de plus en plus individualiste, et ont malheureusement vite oublié leur passé !
Ont-ils demandé à leurs grands-parents ce qu’est la guerre, la fuite, la résistance, la défense de leur patrimoine ? Aujourd’hui, la majorité la mémoire courte ou fait semblant d’oublier !
Lorsque les Allemands perquisitionnaient une partie du territoire français en l’annexant au leur, l’armée française s’enfonça vers le centre de la France, pour laisser place à la Résistance. Afin de s’honorer, ils prirent la place de l’armée, ils accomplissaient des embuscades, détruisaient leurs casernes, les entrepôts, les infrastructures et superstructures... etc.
Du côté adverse, les généraux Allemands appelaient cela des actes terroristes ! Tous les Français d’aujourd’hui ne sont pas d’accord avec ce terme qui les insulte. La France fut construite par nos ascendants, nos arrière-grands-parents et grands-parents. Ils coulèrent de la sueur pour construire ce pays. Nos résistants sont loin d’être des terroristes !
Mais, pourquoi, maintenant les palestiniens seraient-ils des terroristes au lieu d’être de courageux résistants ? Les médias refusent qu’on nomme les résistants français terroristes mais délibérément, ils retournent leur veste et oublient leur passé, insultant ainsi nos parents, grands-parents et arrière-grands-parents, en qualifiant d’autres résistants de terroristes !!
Pourquoi traitent-ils les palestiniens de cette façon ?
Pourquoi ne font-ils pas la même chose avec nos ascendants ?
Les Palestiniens défendent leur territoire, leur patrimoine et leur dignité au même titre que nos ascendants, dans la résistance française.
Il y a t-il une différence entre eux ?
Ne reprennent-ils pas ce qu’on leur a spolié sans avoir demandé leurs avis ?
Qui sont les agresseurs ? L’idéologie sioniste ? Ou celle du nazisme ?
Pourquoi mes arrière-grands-parents ne seraient-ils pas des terroristes au même titre que les Palestiniens alors qu’ils ont, tous deux, combattu pour la même cause : reprendre ce qui leur appartient ?
Nous vivons dans une ère de désinformation !
Ma jeunesse
Pour en revenir, à mon début, mes parents se sont connus en Normandie, ils se sont mariés très vite. C’était la coutume, la mentalité de cette époque avait du mal à accepter qu’une fille soit mère hors mariage. J’ai grandi là-bas, en campagne, je fus élevé avec des parents et un entourage catholique. J’ai suivi pendant un moment quelques cours de catéchisme. Mais, j’ai vite arrêté cela, néanmoins, j’allais tous les dimanches à la messe.
Suite aux différents problèmes sociaux, nous avons dû vivre en ville. Pour la première fois de ma vie, je suis passé du réveil du coq au bruit incessant des voitures et du quartier. C’est à partir de là, que je me suis fait de mauvaises fréquentations. Mon parcours social et civique fut nul, et par manque de motivation, je sombrai dans la délinquance juvénile.
Pour ceux qui vivent en quartier, leur avenir est très limité. Si papa et maman viennent de tel quartier chic ou d’une somptueuse résidence, vous entrez dans une catégorie favorisée. Le parcours scolaire est sélectif. On chouchoute en fonction de l’apparence sociale mais lorsque l’on s’appelle Qader, Karim, Fatima, les chances d’intégration diminuent.
Cette désintégration n’est pas due à ces noms et leur personnalité, elle est exclusivement due à l’éducation française, au marché du travail et surtout à la manière dont on vous perçoit en tant qu’arabe et dans quelles classes l’on vous estime ?
J’ai vécu, cela, mes parents étaient des ouvriers, l’on remarquait cette odeur sélective.
J’espère, qu’un jour, les mentalités dans l’éducation et le sociale changeront !
Par de mauvaises fréquentations, je sombrai dans la délinquance, le pire c’est que l’on ne s’en rend pas compte ! Mes parents divorcèrent, le coupable fut mon père, il nous a abandonnés (il ne voulait pas payer la pension alimentaire) alors que j’avais huit ans, nous étions quatre frères dont deux étaient plus petits que moi, six ans et cinq ans. C’est ma mère qui a subi le plus de contraintes. Pauvre femme ! Elle a dû se remettre à travailler, c’était ma grand-mère qui nous gardait !
Après plusieurs années, sans père (j’ai appris qu’il est mort et enterré en Corse), ayant des ressources très restreintes et de mauvais copains vivant dans un quartier sensible, je sombrai en fonction des lois sociologiques dans la délinquance, la drogue et l’alcool. Pendant toutes ces années, j’avais tout oublié de ma campagne.
Puis, un jour, l’eau déborda du vase, à l’âge de dix huit ans, je fus incarcéré dans une maison d’arrêt. Cette période fut le démarreur d’un environnement qui me forma négativement. Les formes négatives sont très diverses, les plus importantes furent les nouvelles rencontres, une nouvelle mentalité et l’intégration à la vie active (elle n’existait pas.)
Imaginez une prison où les détenus se sentent coupables par la faute d’une société qui les a rejetés ? Pensez à ces personnes pointant du doigt la société française comme étant la cause de leur parcours. Certes, ils sont coupables, je ne les innocente pas mais indirectement le gouvernement français est aussi coupable d’abandon. Pour preuves : pourquoi, à leur sortie, les récidives se succèdent-elles ? Pourquoi ai-je fait trois ans et demi sur une période de cinq ans ?
C’est là que vient un autre phénomène négatif de la prison : la réinsertion. Je peux dire qu’il n’y a aucun programme complet pour orienter ces ex-exclus vers l’intégration et le travail.
J’ai eu quelques surprises dans cette voie : ayant un B.E.P agricole, j’ai obtenu le droit d’entrer à la mairie de Paris en tant qu’élagueur bûcheron. Quelques semaines après les examens positifs, j’ai reçu chez moi un refus d’incorporer mon futur poste. En fouillant mon passé judiciaire, je fus interdit d’entrer dans la fonction publique. Où est l’intégration face à des lois incompréhensibles pour le commun des mortels et pour lesquelles les personnes qui sont chargées de les interpréter et de les appliquer ont l’esprit fermé et obtus.
Ce fait s’est passé six ans après ma dernière incarcération, mais comment cela se passe t-il pour celui qui vient de sortir de prison ? Y a-t-il une structure qui les entoure ?
Par Allah, il n’y a rien ! Le seul suivi est le pointage au commissariat ou devant un éducateur. Or la plupart de tels éducateurs délaissent souvent leurs fonctions.
Il y a un manque de motivation des pouvoirs publics. Comment les libérés perçoivent-ils les choses ? Leur donne-t-on de l’importance, une chance ?
Dans la plupart des cas, ils replongent fautes de motivation et de justice sociale.
La psychiatrie
Pendant mes années d’errances, parmi les pires moments de ma vie que j’ai supportés, c’est mon séjour en psychiatrie, j’y suis resté plus d’un an. C’était un juge d’instruction qui m’y avait placé, l’on appelle cela un placement d’office. J’aurais préféré accomplir trois ans derrière les barreaux qu’une année dans ce centre. C’était un univers à part, calfeutré dans la ville. Certes, j’étais plus libre mais pas pour longtemps ! Je fus drogué de force, enfermé et humilié... etc.
Je vais passer en revue ce passage :
En sortant du tribunal soi-disant libre, pour des vols, il m’avait jugé irresponsable de mes actes le moment des faits (lors des infractions, j’étais sous l’emprise de stupéfiants !). Croyant partir par la grande porte, avec de temps en temps des rendez-vous chez un médecin, je fus soustrait par la petite porte vers la prison. De là-bas, je devais attendre une ambulance ! Le soir arrive, l’on m’ouvre la porte avec derrière celle-ci, un arsenal de surveillants, je n’ai fait que quelque pas dans la coursive que j’aperçois un brancard avec autour : un médecin psychiatre, une infirmière et un infirmier en civile (une armoire à glace.) Gentiment, ils m’ont demandé de m’y allonger, puis, je fus attaché. Direction en ambulance vers un centre pour malades mentaux.
Mon séjour, dans ce centre, se terminera plus d’un an après. L’inconvénient, à ma sortie, c’est que je n’étais plus le même. L’univers psychiatrique est une honte !
Ma première nuit, je ne l’oublierai jamais, après être passé devant un médecin qui, soi-disant te connaît mieux que toi, me prescrivit sur papier quelques comprimés. Par la suite, j’intégrai un pavillon, les surveillants de nuit me donnèrent à manger et des comprimés que je devais prendre devant eux. Dans cette salle, il y avait des hommes, des femmes, même un enfant ! Ils étaient assis, regardaient la télévision tranquillement mais ils avaient tous le regard vide. Cela m’a fait peur.
Je suis parti me coucher et lorsque je me suis réveillé le matin, je ressentais qu’un train circulait sur mon crâne, j’avais affreusement mal à la tête, la bouche pâteuse, ayant des courbatures. Je suis sorti de ma chambre, il y avait des bruits incroyables dans le pavillon, les gens criaient, ils faisaient des gestes bizarres et inexpliqués en marchant. Je n’avais jamais ressenti cette sensation de malaise, j’ai tout de suite compris que cela était dû aux médicaments de la veille. En marchant, dans ce bâtiment, je suis arrivé dans une petite salle où les pensionnaires déjeunaient, je me suis assis en attendant qu’un infirmier me demande ce que je voulais. En regardant la façon dont ils mangeaient, la saleté sur les tables et surtout l’odeur de l’urine (ils urinaient dans leurs pyjamas), je me suis dit qu’il fallait que je parte de cet endroit, je n’ai rien à voir avec ces gens. Après le bonjour, un infirmier me tendit les mêmes médicaments de la veille ! J’ai dit que je n’en voulais plus, que je désirais voir un médecin et que j’avais faim. Je n’étais pas du tout d’accord avec ce système, en refusant encore une fois de prendre ce traitement sans savoir à l’avance ce que contiennent ces produits, des blouses blanches apparurent de derrière moi. Ils essayaient de me persuader de les prendre volontairement (ou de me forcer de les prendre par la persuasion).
A plusieurs reprises, lors du prolongement de mon séjour, ils m’injectèrent de force leurs saletés (des neuroleptiques.)
Les psychiatres sont très têtus ! Plus j’argumentais par des réponses claires (mon problème fut la toxicomanie, j’avais seulement besoin d’un poste-cure) et par la logique (je n’avais rien à faire ici), moins il vous croit sensé.
Mon internement a durée plus d’un an, cela a été les pires moments de ma vie. J’ai vu des individus entrer pour de petits problèmes de cœur, ils en sont ressortis dépendants aux médicaments, plus faibles spirituellement et en manque.
J’ai passé en revue et brièvement cet épisode de ma vie, car il y a eu des inégalités écœurantes.
Avant de conclure je voudrais avoir une pensée pour un vieil homme et lui dédier ces quelques lignes. Pendant cet internement, il y a eu une arrivée, un vieil homme, il n’avait aucun problème psychologique, il était atteint d’un cancer. Je pense que. Soit il fut transféré d’un hôpital général à celui du centre car il était très têtu et rouspéteur envers le corps médical (ceci est très courant dans le domaine hospitalier lorsque l’on veut se débarrasser d’un ennui), soit il vivait chez ses enfants qui ne pouvaient se charger de lui ou n’avaient pas le temps de s’en occuper. Dans ce cas, l’on signe une demande par le placement d’un tiers (une personne de la famille). Par ces procédés légaux, j’ai vu des personnes âgées entrer parce que leurs enfants n’en voulaient plus chez eux ! Quelle belle reconnaissance ! J’ai même vu des parents signer des décharges pour des mineurs désobéissants et intenables ! Où va la France ?
Ce grand-père, tout au long de son séjour, se plaignait d’escarres aux fesses. Il les suppliait de l’allonger sur son lit car toutes les journées, il était sur un fauteuil roulant. Ces cris de lamentation ont durés des mois sans que cela n’interpelle les infirmiers psychiatriques. C’est moi, en douce, qui le ramenait dans sa chambre, le soulevait pour l’installer sur le côté dans son lit. Dès que les infirmiers, le voyait dans sa chambre, il le réinstallait sur son fauteuil et moi, j’étais puni à être enfermé dans la mienne pour la journée. Si je vous parle de ce vieil homme, c’est qu’il a passé ces derniers moments de sa vie à se plaindre de ses escarres jusqu’à en pleurer ! Un beau matin, il ne s’est plus réveillé, il était décédé. Les plus cruciaux moments de l’existence se situent avant la mort et ce pauvre homme, que personne ne venait voir, a agonisé des mois avant d’être visité par les anges !
Il y a énormément de familles françaises qui se débarrassent de leurs parents, arrivés à la vieillesse. Ils les envoient dans ces centres ou des maisons de retraite et vont leurs rendre visite, seulement la fin de semaine. L’on est loin des recommandations de l’Imam Zain Abidin sur le droit des parents [1]! Ces quelques lignes étaient pour lui.
Pendant mon hospitalisation, j’avais réussi à obtenir un rendez-vous avec une association de poste-cure, mon but était seulement de partir de ce système par cette association. C’était à l’époque où cette psychiatre (la future retraitée) était toujours en poste. Je fus accompagné par deux infirmiers (il était interdit que je sorte tout seul, même pour des courses !). Nous fûmes accueillis dans une salle. Lors de cet entretien, je redoublais d’efforts pour qu’ils me prennent. Mais ce que le responsable m’a dit restera toujours gravé dans ma mémoire, sans honte devant ces deux infirmiers, il leur a dit qu’ils devaient, avant toute investiture, diminuer les doses (j’étais normalement en sevrage dans ce centre ! ) car, sans m’en rendre compte, il avait en face de lui (moi) un légume. Il ne pouvait pas me prendre pour cela, sauf si le psychiatre prescrivait une importante diminution de mon traitement. Mon individualité ne prenait pas conscience de mon état, alors que pour d’autres j’étais devenu impressionnant. Par manque de tolérance, ce psychiatre ne fit rien. Cette personne, responsable de l’association, ne pouvait rien faire du point de vue juridique et médical pour influencer ce docteur.
Une seule personne a réussi à changer sa politique, c’était mon éducateur de la juge d’application des peines. Il me suivait depuis l’âge de dix-huit ans, il me connaissait très bien (j’avais à cette époque vingt-deux ans) et comme j’étais interné par décision judiciaire, il était là pour superviser l’évolution. Il n’est venu qu’une fois en un an et lorsqu’il m’a vu, il est resté bouche bée. Pour la première fois, je pouvais rester seul avec quelqu’un d’influant et qui pouvait changer les choses, nous eûmes une pièce à nous tous seuls. La première chose que je lui ai dit, fut qu’il fallait que je parte de cet endroit, les médicaments me causèrent énormément de dégâts. Il est allé voir un responsable, lui demandant sur-le-champ la psychiatre, laquelle rappliqua, et se présenta accompagnée d’infirmiers. L’éducateur leur avait dit très clairement : « je suis là pour faire un rapport au juge et le jeune homme qui est devant moi n’est plus le Vincent que je voyais dans mon bureau avant. Vous avez deux solutions, soit : vous lui réduisez sur-le-champ ces prises de médicaments pour qu’il obtienne un poste-cure ou je fais un rapport qui vous causera des problèmes. » C’était la seule fois où il prit ma défense ! Grâce à lui, l’entourage psychiatrique s’est rendu compte qu’il y avait une autorité au-dessus d’eux.
Enfin bref, après cette mauvaise période, je suis sorti grâce au remplaçant de ma psychiatre (ouf ! Elle était partie à la retraite), c’était un homme compréhensif : grâce à un faux certificat d’embauche écrit par un ami patron pécheur, j’ai pu sortir, mais dans quel état !
De retour en prison
Mon petit frère se suicida, il n’avait que dix-huit ans. C’est à partir de ce moment que j’ai dérivé vers la toxicomanie de tout genre, tout en prenant diverses substances médicamenteuses (je les connaissais presque toutes.) Spirituellement, j’étais réduit à l’état d’un coucou, ma mère m’avait chassé de chez elle, elle me reprochait son suicide. Moi, de mon côté cela allait de pire en pire. J’étais devenu plus agressif, invivable, même mes propres amis d’enfance m’esquivaient.
Mon sort finira encore en prison, j’étais quand même soulagé car j’appréhendais que le juge signe une autre hospitalisation d’office. Curieusement ce que les gens pouvaient en déduire, c’est que ces détenus qui me connaissaient très bien, avaient en face d'eux un autre homme. La psychiatrie m’avait transformé, je ne prenais plus de substances médicamenteuses pour me droguer, mais pour un besoin, une fatalité. Aujourd’hui encore, je leur reproche d’avoir abusé de ma santé.
En entrant en prison, mes codétenus, qui me connaissait déjà avant, voyaient un autre homme, une sorte d’épave, d’après eux j’avais vieilli de quarante ans ! J’étais dans une cellule, avec un Turc et un Marocain, ce Turc avec qui j’avais fait connaissance auparavant, était triste de me voir dans cet état. Un jour, il m’avait dit qu’il serait comme mon grand frère et qu’il s’occuperait de moi. Vu le nombre de médicaments que j’absorbais par jour et le changement radical en seulement une année de psychiatrie, il me fit cesser cette saleté par la contrainte et le sport. C’était la première fois que je faisais une cure, ‘subhanallah’ (Gloire à Dieu), elle commença en prison ! J’étais tous les matins, en prise à des spasmes (des gestes incontrôlés) des bras et des jambes. J’ai eu peur de moi et de ce qu’il m’arrivait. Il était impossible que je boive un café en entier, la moitié finissait sur ma main ou sur la table. J’avais du mal à mettre une cigarette dans ma bouche, je tremblais tellement ! Je n’avais pas froid mais c’était mes nerfs que je ne contrôlais plus. Si je vous ai parlé, auparavant, de ce directeur de poste-cure et de mon éducateur, c’était seulement pour vous faire comprendre que je ne prenais pas conscience de la gravité de mon état. Pour mes codétenus, ils s’en apercevaient. Normalement, c’est à la médecine de guérir et de s’occuper de la santé des gens mais là curieusement ce sont ces exclus qui firent le travail à leur place. Ils ne m’ont pas demandé mon numéro de sécurité social, ma carte vitale ou la mutuelle, avant de me demander où est-ce que je souffrais, contrairement, maintenant, aux hôpitaux et chez les médecins !
Après plusieurs mois, je ne prenais que quelques cachets dans la journée, le matin pour arrêter les contractions brusques et involontaires d’un ou de plusieurs de mes muscles, ( un correcteur) et le soir, je prenais des somnifères. Il m’arrivait d’en prendre d’autres de temps en temps dans la journée
Un soir, lors d’une émission télévisée sur les femmes toxicomanes, l’une d’elles fut questionnée sur les méthodes adéquates pour se débarrasser de cette maladie. Elle a répondu qu’il y avait trois solutions :
- quitter la ville et les fréquentations d’où l’on vit
- avoir un entourage familial soudé et structuré, qui vous encercle et vous oriente vers une nouvelle habilitation,
- et l’autre c’est la foi.
Avec du recul, elle disait vrai, j’espère que pour elle, cela a marché aussi.
Par cette merveilleuse religion (l’Islam) qu’on allait me faire découvrir, et que l’on déforme tant, je suis devenu quelqu’un de fier de ce que je suis devenu. Ma conversion a eu lieu plusieurs mois après cette émission, mais sur le coup, je pensais que cette jeune fille déraillait ou était shootée et ce qu’elle disait sortait de la réalité.
Ma conversion
Lors de cette cure, l’agressivité me dominait à cause de mon état de manque et du décès de mon frère. C’est par cet état que je fus transféré dans un centre de détention en Picardie, elle était plus sécurisée que la maison d’arrêt.
Ce centre se composait de deux principaux bâtiments, séparés d’un long couloir, comme en forme de fémur. Sur ce couloir, il y avait l’infirmerie, la bibliothèque, le stade de foot et d’autres activités. Chaque bâtiment possédait sa cour de promenade, deux heures de marche par jour. Lors de mon arrivée, j’intégrais le bâtiment qui renfermait de prévenus composés de mineurs et de quelques condamnés. L’autre bâtiment était exclusivement réservé pour les condamnés à des peines de plus de cinq ans et les transférés disciplinaires, j’entrais dans cette catégorie. C’est dans ce bâtiment que j’allais rencontrer, par la suite des gens extraordinaires, qu’Allah les aime !
Pour chaque transfert, mon dossier pénal, médical et certains rapports me suivaient avec moi, c’est par cela que les chefs de détention voient à qui ils ont affaire. En tant qu’arrivant, l’on m’installa dans une cellule à deux. La procédure veut que l’on soit vu par le chef de détention et le médecin puis s’il l’on désire accomplir des démarches pour travailler (le quart du SMIC par mois) et pour certaines activités (le foot, la bibliothèque, la messe, l’ordinateur et même la préparation pour obtenir des diplômes.) A la différence d’une maison d’arrêt (pour les condamnés à des peines inférieures à cinq ans), les centres de détention fournissent aux détenus une large variété d’activités pour s’intégrer. J’espère qu’un jour, le ministère de l’intérieur supervisera ces mêmes programmes dans la majorité des maisons d’arrêts de France. Un mois s’est écoulé sans que je ne puisse intégrer l’autre bâtiment. J’étais toujours suivi par le psychiatre et le médecin.
J’avais appris, après le résultat d’un prélèvement sanguin, que je souffrais de l’hépatite C.
En raison de ce résultat, je fus convoqué chez le médecin, je partis m’installer dans la salle d’attente et là-bas j’ai vu une personne très étrange, je n’avais jamais un look aussi spécial. Il avait les cheveux presque rasés, une barbe d’au moins quinze centimètres et un trait noir foncé sur chaque sourcil. Normalement, en prison, tu essaies de discuter avec des personnes lorsque vous vous trouvez enfermés ensemble. Mais avec celui-là, je suis resté bloqué. Je me demandais pourquoi cet accoutrement ? Puis, c’est lui qui m’interpella, nous avons discuté de tout et de rien et il m’a posé une question, que jamais personne ne m’avait demandé auparavant : « est-ce que tu crois en Dieu ? »
Je lui ai répondu que j’allais tous les dimanches à l’aumônerie pour des besoins personnels, qu’il y a sûrement quelque chose là-haut mais dire vraiment que j’avais cette certitude, cela était du domaine du doute. Pour les français, les seuls moments où ils vont à l’église sont les mariages et les décès et pour se recueillir lorsque rien ne va pas. La spiritualité, en France commence et s’arrête là.
Je ne connaissais rien du tout de cet homme, ni de sa religion alors que j’ai grandi dans des quartiers où il n’y avait que des musulmans ! J’ai passé plusieurs années, enfermé avec eux, sans que je ne connaisse les fondements de l’Islam. La seule connaissance qui m’était acquise d’eux avec certitude, c’est qu’il fallait que je m’en méfie, ils se mentaient entre eux, trichaient, aimaient les embrouilles, volaient etc... et par expérience, je les connaissais bien. Je ne sais pas pourquoi ils sont comme cela mais c’est ainsi ! Cet homme était très différent de ce que je voyais des Musulmans, il était calme, il ne prononçait aucune grossièreté dans ces phrases, il était très serein. Il m’avait très surpris par sa question. Il logeait dans l’autre bâtiment.
Le surveillant ouvrit la porte de la salle d’attente et m’appela pour mon entretien. Notre discussion s’arrêta là. Compte-tenu des années de toxicomanie, des prises de neuroleptiques, d’alcool... etc., le médecin ne me cacha pas la vérité. Se basant sur les résultats, si je continuais, il y a des chances que l’hépatite s’aggrave. L’hépatite C, est par définition une maladie virale. A ces mots, je n’avais rien à ajouter si ce n’est qu’en cessant certains aliments acides (le vinaigre, le soda) ou mon traitement peut-être, cela diminuerait le développement du virus. Il m’a répondu que non, mais pour le traitement, il fallait que je voie le psychiatre. Lors de notre entretien, il le diminua un tout petit peu mais m’engagea à faire attention si je diminue successivement le traitement ou l’arrêtait brusquement, il m’informa que ces médicaments n’avaient aucun effet négatif sur l’évolution de l’hépatite.
Plusieurs semaines se sont écoulées après ma rencontre avec ce Musulman, nous ne nous sommes plus revus. J’allais tous les dimanches à l’aumônerie, pendant ces matins, il y avait un violeur qui était toujours le premier à tout savoir, remettant en cause les paroles du prêtre. Il agaçait tout le monde, moi en particulier. La majorité des intervenants n’étaient que des violeurs, je les détestais, ils me sortaient des yeux. Pire encore, le prêtre nous promettait que nous irons tous au Paradis et que nous étions liés par la fraternité. J’avais du mal à accepter cela. Comment moi, qui n’ai fait que des délits mineurs, je serais classé au même rang qu’un violeur ? Et que lui irait avec moi au Paradis, sous prétexte qu’il croit au Christ.
Puis, un jour, le surveillant chef me dit que j’allais changer d’aile, il fallait que je prépare mes affaires, je déménageais donc dans l’autre bâtiment. Arrivé dans ma nouvelle aile, on m’avertit que mon voisin passait ces nuits à crier. J’appréhendais que ce soit ce violeur qui croyait tout connaître, j’avais du mal à me mettre d’accord avec lui pour seulement une matinée, j’imaginais le pire s’il était mon voisin. Le soir venu, des murmures s’élevaient dans la coursive. Je ne comprenais pas d’où cela venait mais en percevant bien les sons, certes cela venait de chez mon voisin. J’étais content car ça ne pouvait pas être celui de l’aumônerie. Par respect, j’ai diminué le son de ma télé (en cd, nous sommes seuls en cellule.) Le lendemain matin, sa porte s’ouvrit avant tout le monde car il partait travailler aux ateliers. La mienne ne s’ouvrait que quelques heures plus tard. L’œilleton de ma porte s’éleva, je me suis levé, demandant qui était derrière la porte, c’était le nouveau voisin. Je lui ai dit : « Que tu parles fort ou à voix basse, Dieu t’entend de toute façon. ». Il m’a répondu : « le chameau regarde toujours la bosse des autres, jamais la sienne, je n’ai rien dit lorsque tu as mis ta musique fort ce matin. ». Comme, je ne pouvais pas le voir, je lui ai demandé de reculer en écartant l’œilleton pour l’observer physiquement. ‘Mâ châ’Allâh !’, il y a des centaines de détenus dans ce centre et j’avais comme voisin le Musulman de la salle d’attente du médecin. J’étais heureux d’avoir un tel voisin au lieu de l’autre.
Je ne me rappelle pas trop de mes journées dans ce centre, mais ce Musulman était très différent du reste des détenus, il n'avait rien à voir avec cette majorité. Il était à l’écoute des gens, (contrairement à la notion du respect dû par la force en prison, lui, il n’avait pas besoin de cela (la force) on le respectait pour ce qu’il était.) Il me faisait des plats, me donnait de l’alimentation sans que je lui demande, il était le resto du cœur de notre aile ! J’ai essayé de faire d’autres connaissances puis en cherchant, j’ai rencontré des gens de ma ville qui avaient été comme moi dans l’ancienne maison d’arrêt. Je jonglais mes fréquentations entre lui (lorsqu’il ne travaillait pas) et les autres.
Puis un jour, une triste nouvelle me parvient : mon grand-père décéda d’un cancer du cerveau. Je n’ai même pas pu avoir une permission exceptionnelle pour l’enterrement. Ces permissions sont acceptées seulement pour les parents les enfants décédés.
Lorsque mon voisin l’apprit et me vit triste, au bord des larmes, il m’a dit : « un Musulman ne pleure jamais lorsqu’un de ses proches décède car il sait qu’il est entré au paradis alors que pour celui qui se lamente sur un mort, c’est parce qu’il sera entré en enfer. ».
Ces mots m’ont détruit et l’aumônerie ne m’intéressait plus. Tout seul, je me demande où est- ce que je pourrais aller, qu’est-ce que j’allais faire de ma vie, je n’avais subi que des problèmes. C’est par cette remise en cause et ce dégoût que j’ai demandé à mon voisin, s’il pouvait m’apprendre la prière. Il était très heureux de ma demande. Je m’en souviens encore, comme si c’était hier, nous étions seuls dans sa cellule et il m’aida phonétiquement à la prononciation de la ‘Shahadatayn’[2] : «J’atteste qu’il n’y a de Dieu qu’Allah et Muhammad est son Messager ».
Puis, il me présenta à ses frères, qui se trouvaient dans une autre aile. L’heure de la prière n’était pas encore arrivée, un des frères m’aida pour l’ablution rituelle, il me lava lui-même les pieds ! Mon for intérieur me dissuadait de renoncer, de rentrer dans mon aile. L’âme est très puissante, mais j’ai voulu savoir ce que signifiaient leurs prières, de quelle façon était la procédure et surtout je n’en avais plus rien à faire de la vie ! La façon de faire la prière est nettement mieux que pour les Chrétiens, lesquels passent leurs messes assis au lieu d’accomplir certaines postures en signe de soumission. De plus, il n’y avait pas ces querelles intestines comme celles du dimanche matin pour la messe. Malheureusement, j’allais rencontrer ces querelles au sein même des Musulmans et de l’Islam à l’extérieur de cette prison.
Mon grand-père venait de décéder alors que j’effectuais la prière avec eux, le plus étrange dans cette affaire, c’est qu’après le ‘taslim’[3], j’avais le sourire.
Après que les Musulmans furent sortis de la cellule (la salle de prières), j’accompagnais celui qui m’avait lavé les pieds dans sa cellule et me dit : « Tu as le choix, soit tu continues et tu t’apercevras que c’est une très belle religion, ou tu fais comme les autres qui s’initient puis qui lâchent au bout de quelques jours, quelques mois ou après leurs sorties.» J’ai hésité à lui répondre car ce qu’il avait dit était véridique. Il ne connaissait rien de moi et de mon passé, mais nous avons tous eu des moments très critiques dans notre vie, c’est pour cela que nous étions incarcérés. Je lui ai brièvement répondu que si cette religion pouvait me donner un plus dans ma vie, pourquoi pas !
Il m’écrivit les piliers fondamentaux de la foi ainsi que les actes d’adoration, il me prêta un livre pour apprendre l’ablution et la prière. Ce frère m’a surtout demandé de bien réfléchir sur ce que je voulais entreprendre.
C’était l’heure de la fermeture des portes, je repartis dans mon aile. J’ai passé la nuit à méditer tout en écoutant mon voisin, nous nous parlâmes par la fenêtre, il me réconforta. Je pris la décision de me lancer dans cette voie et d’être sincère envers moi. Pour la première fois de ma vie, je pouvais clôturer les pages noires de mon passé pour m’en servir dans la reconstruction d’un nouvel avenir. Le diable (mon âme), bien sur, me questionna : qu’est ce que tu es en train de faire ? Crois-tu que cela t’apportera quelque chose de gratifiant ? Les jours qui passèrent, je pratiquais la prière avec eux. Les détenus qui venaient de ma région (certains étaient Musulmans non pratiquants) furent au courant de ma conversion, ils étaient très heureux. Il y en a un qui m’avait dit : « c’est une belle religion, Vincent, mais c’est dur d’être pur. »
Tous les soirs, l’infirmière venait avec un surveillant me donner mon traitement. Mon « frère » entendait, bien sûr, l’infirmière à ma porte. Le lendemain, il me demanda de cesser cette souillure pour mon âme. Je lui ai répondu que je prenais ces substances depuis l’âge de 19 ans et que depuis cette période, il était impossible pour moi d’arrêter cela, j’avais 24 ans. Il m’a répondu : « demande à Allah. ». Moi, dont la vraie foi n’avait pas pénétré ma personnalité, j’ai ressenti sa réponse très bête et incohérente ! Moi, qui venais de faire l’attestation de foi, qui pratiquais à peine, comment Allah que je ressentais à peine dans mon cœur, pouvait-il m’aider ? (Qu’Allah me pardonne par ces mots !). Je n’arrivais pas à comprendre cela. J’ai quand même arrêté de prendre certains médicaments, sans que le médecin et l’infirmière ne le sachent. J’avais passé trois nuits blanches. Pendant ces nuits, j’avais demandé à Allah: « Si Tu existes vraiment, aide-moi car tout seul je ne pourrais rien faire. ». A la place de tuer le temps en regardant la télé, j’apprenais certaines Sourates pour les prières, ces glorifications et ces invocations (je ne pouvais les faire tout seul car je ne parlais pas arabe.) Je faisais des va-et-vient dans mes 20 mètres carrés en essayant d’entrer ceci dans ma tête, ce n’était pas évident pour moi car je devais assimiler en français ce que je prononçais en arabe (et surtout maîtriser la prononciation). Puis la troisième matinée, je fus tellement fatigué que je me suis écroulé sur mon lit. J’ai senti que je j’ai été libéré. Et depuis cette époque je n’ai plus jamais repris de médicaments. J’ai réellement pris conscience de Son Existence ce jour-ci. Par la suite, je passais mes nuits, la tête a travers les barreaux, en train de méditer sur ce qui m’entourait. C’est vraiment une extase de ressentir que nous ne sommes pas tout seuls !
Je commençais à prier avec les frères et soudainement de nouveaux ennemis apparaissaient alors qu’avant, ils étaient corrects avec moi : les surveillants et les chefs de détention. Je ne leur avais rien fait, mais du jour au lendemain, ils sont devenus différents, pour tout vous dire, moi aussi.
Plusieurs questions me trottinaient, donc les plus importantes furent le ‘hijab’ et les Talibans, à cette époque le culte des Talibans fut très médiatisé. Je voulais quelques réponses mais ils (les frères) m’ont répondu de ne pas me précipiter car par la suite, j’aurais des éléments de réponses.
Ces journées passées avec eux furent inoubliables, je fus un des premiers à sortir de prison. Je voyais la vie différente, les plus surpris furent ma famille. Ils appréhendaient mon avenir dans le terrorisme alors que moi, je pensais cela d’une autre façon. Je n’ai pas voulu prolonger ce passage, j’ai omis de mentionner des anecdotes afin de ne pas alourdir ce livre. Mais il y a un point qui est déterminant dans la vie carcérale des Musulmans pratiquants. L’autorité carcérale ne fait aucun effort pour améliorer une certaine liberté de culte, contrairement aux Juifs et aux Chrétiens, nous n’avons pas le droit à un « Aumônier » Musulman, ni à une salle pour les vendredis (jours sacrés en Islam). Il faudrait que l’Etat français fasse attention à cela, les Musulmans qui pratiquent ne connaissent que très peu de choses de l’Islam. Par la faute des chaînes de télévision (le terrorisme, les Talibans, Ben Laden, etc.), le manque d’imams dans les prisons et ajoutez à cette « confiture », une société qui les a abandonnés socialement dès leur adolescence. Cela créait des individus trop stricts et durs envers autrui et l’Occident. Dans d’autres prisons, c’est pire ! Ils n’ont pas le droit de se réunir à plus de quatre, le Coran est interdit ou bloqué à la fouille (au vestiaire) et les permissions de sorties pour un travail sont rejetées. Même les Musulmans qui ne pratiquent pas devinrent pire que des jaloux, j’ai eu plus de problèmes avec eux, qu’avec la majorité des autres détenus.
Ma sortie en 1999
Une nouvelle naissance était devant moi. C’était très éprouvant et dur de se retenir devant les attraits de cette société.
Je me suis installé en Picardie, j’avais raillé de ma mémoire la Normandie, je n’y allais que pour voir ma mère et mes frères. Après ma libération, je suis parti quelques jours chez ma mère. Les seules fois où je sortais, c’était pour aller à la mosquée. Lorsqu’elle sut que je partais là-bas, elle eut peur et me dit « tu vas te faire tuer là-bas» et j’ai souris.
Ceci est le résultat des médias sur les consciences françaises. La désinformation est tellement flagrante et décevante que l’on est forcé d’expliquer la réalité de l’Islam devant des personnes qui ne vous croient pas.
Comment pouvons-nous revaloriser l’Islam face à cette volonté de désinformation ?
Aujourd’hui, nous tous, avons ce problème d’information face à la désinformation.
De retour en Picardie, je m’étais fait des amis intéressants. J’ai appris qu’après le Saint Coran, ce qu’il y avait de plus authentique était le ‘Sahih Bokhari’ et ‘Muslim’. J’ai acheté ces encyclopédies, mais à ma grande surprise, je m’apercevais que leur contenu ne pénétrait pas mon cœur, ils ne m’attiraient pas.
Mais à partir de là, je n’ai pas voulu m’interroger plus longtemps, le seul fait de suivre la ‘Sunnah’ du Prophète (P) me suffisait.
Je fréquentais aussi la mosquée de ma ville. Les Musulmans étaient, à cette époque, surpris de voir un français prier avec eux, comme si je venais d’une autre planète !
Mais, j’ai très vite été déçu d’eux, louange à Allah. Il y avait parmi eux, un Musulman, du nom d’Abdel Qader, la plupart des Musulmans ne l’aimaient pas alors qu’il avait un bon comportement. Je me suis toujours demandé pourquoi les gens le détestaient et parlaient derrière son dos. J’ai appris, par la suite, qu’il était un adepte des Ahl-ul-Bayt (p), les membres de la famille du Prophète (P), un Chiite. Il faisait les prières avec nous, travaillait souvent pour la construction de la mosquée mais curieusement les Musulmans ne l’aimaient pas !
Mais si étonnant que cela puisse paraître, les Musulmans priaient de façons différentes : certains gigotaient leurs doigts sur le genou, lors du ‘tachahud’[4]. D’autres finissaient le ‘taslim’[5] en faisant un signe de croix avec leurs têtes (en remontant le menton pour le diriger sur la droite puis redescendre le menton légèrement pour recommencer sur la gauche), certains croisaient les bras alors que d’autres les étendaient le long de leurs corps.
Un jour, j’ai posé la question suivante à un frère : Pourquoi devrions-nous tourner le doigt lorsque nous sommes assis pour la ‘taslim’ ; il m’a répondu que le diable s’asseyait sur ce doigt et en le faisant bouger, il tombait ! D’autres m’ont dit qu’en faisant cela, tu étourdis les yeux du diable ! Lors d’une prière, le Chîite me voyant agiter mon doigt, me demande sa signification. Je lui ai répondu par les réponses des frères. En Hurlant de rire, il m’a lancé au visage : « Tu es magnifique ! Cela fait que quelques mois que tu es Musulman et grâce à ton doigt, tu arrives à étourdir le diable alors qu’il a égaré des millions d’êtres humains qui étaient plus intelligents que toi, bravo mon frère ! »
De mon côté, j’étais toujours en train de lire les deux encyclopédies susmentionnées. Puis un jour, il (le Chîite) me demanda de jeter ces livres pour m’intéresser à l’histoire.
Plus les autres Musulmans m’avertissaient sur son compte, plus je m’intéressais à lui.
Donc, j’ai acheté les « chroniques d’Ibn Jarir Tabari », édition Simbad.
C’est à partir de ces chroniques que je me suis remis en question, cela faisait plus de six mois que j’étais libéré et je constate que l’histoire du Pouvoir califal est plein de pages noires. Le pire dans tout cela, c’est que j’ai découvert dans des références historiques dignes de foi que parmi les Compagnons du Prophète (P) et les Suivants[6] qui commirent des péchés très graves sont mentionnés dans la plupart des chaînes de transmetteurs du ‘Sahih Boukhari’ et ‘Muslim’.
Allons-nous, nous référer à des hommes qui sont dignes d’êtres incarcérés à vie dans les prisons que j’ai côtoyées ?
Ils ont fait pire que certaines personnes que j’ai connues !!!
Cela m’a semblé très étrange ! Inquiet de la part de ces deux compilateurs (Bukhari et Muslim), j’ai même vu des ‘Hadiths’ d’Obeidallah Ibn Ziad !
Allah nous a ordonné de lire, et c’était vraiment à partir de ce moment que j’ai commencé mon recherche.
L’investigation
En prison, nous étions tous de confession Sunnite, nous suivions un ‘Hadith’ qui déclare que nous devrions suivre la ‘Sunnah’, je me suis donc orienté fatalement vers le Sunnisme en croyant que Sunnisme signifie suivre la Sunnah (la tradition) du Prophète (P). C’était cette conception que j’ai acquise en prison et à ma sortie.
Comme la ‘Sunnah’ de notre Prophète est généralement investie par les ‘Sahih Bukhari’ et ‘Muslim’, il m’était normal de connaître ces ouvrages car leur contenu correspond à la deuxième source fondamentale de l’Islam pour tous les Musulmans. Sans elle, l’Islam est incompréhensible.
Je demande à mes frères Sunnites d’étudier ces ouvrages et de s’efforcer lire attentivement leurs sources. Malheureusement, très souvent on ne connaît les ‘Sahih’ que par les noms, non par leur contenu ; j’ai même entendu des frères me dire que ‘Bukhari’ fut un compagnon ! Je ne prétends pas les connaître, moi-même, comme un savant, mais j’essaie seulement de relever ce qui me semble contradictoire ou illogique.
Dans le livre de la révélation, ‘Al Bukhari’ et ‘Muslim’ citent un ‘Hadith’ d’Aicha sur la façon dont le Prophète (que la paix et les prières soient sur lui et sur sa famille) recevait la révélation. Ce qui m’a étonné fut qu’Aicha se maria avec le Prophète à l’âge de neuf ans, ils ont célébré ce mariage à Médine. Néanmoins, en faisant quelques calculs, Aicha n’était pas encore conçue à l’époque de la première révélation. Les révélations descendues à la Mecque durèrent treize années. Les historiens, ainsi que les traditionalistes mentionnent qu’Aicha avait neuf ans lors du mariage avec le Prophète à Médine. Comment une personne qui n’existait pas encore pouvait-elle participer aux faits historiques relatés ? Il n’y avait à ce moment que deux croyants, Khadija (qu’Allah l’agrée) et Ali Ibn Abu Talib (que la paix soit sur lui.).
Dans le livre des ablutions, les mêmes références citent des ‘Hadiths’ très controversés. Il est relaté des récits contradictoires où l’on pouvait se laver une fois, deux ou trois fois chaque membre. Certains ‘hadiths’ mentionnent, même qu’on peut se laver trois fois la tête et deux fois les bras jusqu’aux coudes ou laver trois fois la tête et les bras ou encore une fois chaque membre!
L’ablution que j’ai apprise en prison fut la suivante : Trois fois le nez et la bouche puis l’on se lave le visage et les deux avant-bras trois fois, par la suite l’on glisse les deux mains en partant du front de la tête jusque derrière les oreilles pour revenir finir vers le dessus du front, après, je devais nettoyer les oreilles, puis laver les pieds trois fois. C’est ce que j’ai appris.
Si vraiment ceci est la ‘Sunnah’ de notre Prophète telle qu’elle est mentionnée dans le Livre le plus authentique de l’Islam après le Coran, pourquoi, n’y a-t-il aucun ‘Hadith’ qui ne mentionne le nettoyage des oreilles ? J’ai regardé partout et je n’ai jamais trouvé une preuve que le Saint Prophète ait nettoyé les siennes. D’où cela vient-il ? Dans quel livre ce détail existe-t-il ? Aujourd’hui même je n’ai pas réussi à le trouver !!
Il y a aussi des paroles honteuses et déshonorantes que l’on a attribué au Saint Prophète, dans ce même livre, le saint Prophète déféquait sur les toits des maisons, dehors, sur les poubelles et devant les compagnons où il faisait le ‘ghusl’ lors de la conquête de la Mecque devant ces disciples, c’était Fatima qui le cachait avec un drap! C’est une honte ! Moi-même, je ne me permettrais pas d’agir ainsi, le Saint Prophète était largement plus pudique que moi.
Le Prophète n’a t-il pas dit que la pudeur fait partie de la foi !
C’est un des aspects contradictoire et humiliant de ce chapitre du ‘Sahih Bukhari’. Il y en d’autres, mais l’ablution est tellement importante qu’elle fait partie de la prière, sans elle l’autre n’est pas acceptée. J’étais dans une impasse, que dois-je faire ? Abdel Qader, lui s’essuyait les pieds. Lorsque je l’ai vu faire, je suis devenu plus étonné qu’avant. D’un côté, le ‘Sahih Bukhari’ se contredit, à mon sens, sur un des actes d’adoration et ce frère s’essuie les pieds au lieu des les laver !
J’ai accepté une religion par envie, renaissance et rapprochement et je remarque des divergences. J’ai discuté de cela, à mes frères Sunnites qui m’ont affirmé que cela n’était pas grave, que le Prophète pouvait fort bien avoir accompli différentes ablutions !! Mais dans l’ensemble, l’incohérence de leurs réponses me semblait similaire à ces ‘Hadiths’.
La source principale est le Coran, je devais donc me fier à ce Livre Saint.
Comme je ne comprenais pas l’arabe, je devais me fier à la traduction, j’avais, à cette époque, le Coran traduit du Docteur Hamidoullah, édité en Arabie saoudite. La traduction du Verset du ‘wudu’ (Sourate 5, Verset 6), disait clairement « et lavez vos pieds jusqu’aux chevilles. » A partir de ça, il m’était obligatoire de les laver. Mais, comme je vis le frère Chîite essuyer ses pieds, la curiosité me poussa à lui demander pourquoi il s’essuyait les pieds au lieu de les laver ; et il me répondit que ceci était marqué dans le Coran.
Effectivement, contrairement, à la traduction française d’Hamidoullah, le Coran exprimait l’essuyage des pieds. J’ai donc acheté deux gros dictionnaires arabe-français de Biberstein Kazimirski. Certes le verbe arabe ‘masaha’ signifie bien essuyer. Mais, pourquoi changer ce verbe par un autre, sous prétexte qu’il y a des ‘Hadiths’ qui se contredisent ?
Si ces ‘Hadiths’ sont vrais, le Prophète désobéirait-il au Coran ?
Alors que le prophète a déclaré : « toute chose doit être rapporté au Coran et à la ‘Sunnah’ et tout ‘Hadith’ qui n’est pas conforme au Coran, est un mensonge »
Plusieurs Versets déclarent :
« Dis : j’ai reçu l’ordre d’être le premier à me soumettre, ne soyez pas au nombre des polythéistes, dis : oui, je crains, si je désobéis à mon Seigneur, le châtiment d’un jour terrible» ( Coran : 6/14-15)
« Ils disent, quand tu ne leur apportes pas un signe : n’as-tu pas choisi d’agir ainsi ? » Dis : « Je ne fais que suivre ce qui m’a été révélé par mon Seigneur. » ( Coran : 7/ 203)
Dis : « il ne m’appartient pas de le (Coran) changer de mon propre chef, je ne fais que me conformer à ce qui m’a été révélé ; oui je crains, si je désobéis à mon Seigneur, le châtiment d’un jour terrible » (Coran : 10/15)
Donc, par tous ces Versets, le Prophète est censé obéir et se soumettre strictement au Coran.
Mais pourquoi, il y a t-il tant de ‘Hadiths’ qui s’opposent à l’essuyage des pieds ?
Comment ce fait-il que les Musulmans ne suivent pas cette ordonnance divine ?
De par tous ces Versets, il est logique que le Prophète applique le Verset du ‘wudu’. A savoir, laver le visage, les avant-bras et s‘essuyer le cuir chevelu et les pieds jusqu’aux chevilles.
Ceci dit, je n’ai pas pu m’empêcher de me demander comment peut-on affirmer que ces compilations sont considérés comme absolument authentiques, alors qu’une partie des Hadith qu’elles renferment me semblent contradictoires avec les Versets du Coran !!!
D’autre part, lors de mes recherches sur l’histoire de notre religion, j’ai été surpris par le comportement de certains compagnons du Prophète Muhammad (P) et je me demande comment peut-on les considérer dès lors dignes de foi et absolument crédibles dans la transmission du Hadith ?!
Pendant treize ans, il travailla pour que seulement 73 compagnons s’émigrent à Médine, il y avait aussi des compagnons en Ethiopie. Puis, sur 10 années, il resta à Médine, faisant un travail plus important : l’édification d’un Etat Islamique. Sur ces 23 années d’effort jusqu’au retour vers Allah, 125 000 Musulmans apparurent dans les rangs des compagnons.
Que s’est-il passé pour qu’autant de personnes se convertissent en très peu de temps? Alors que la période médinoise fut plus courte que celle de la Mecque !
L’histoire, le Coran et les ‘Hadiths’ nous éclaircissent sur ce phénomène.
La première Sourate médinoise est ‘Al-Baqara’, dans celle-ci, 13 Versets descendirent pour nous mettre en garde sur ces nouveaux convertis.
Certains hommes disent : « nous croyons en Dieu et au jour dernier » mais ils ne croient pas. Ils essayent de tromper Dieu et les croyants mais ils se trompent eux-mêmes et ils n’en ont pas conscience. Leur cœur est malade, Dieu aggrave cette maladie. Un châtiment sera le prix de leur mensonge… etc. (Coran : 2/8 à 20)
Dans une autre Sourate Médnoise, il est mentionné :
Tel, parmi les hommes, adore Dieu en hésitant. Si un bien lui arrive, il en jouit tranquillement. Si une tentation l’atteint, il se détourne (Coran : 22/11)
Nous avons institué un rite pour chaque communauté, ses membres l’observent. Qu’il ne discute donc pas avec toi l’ordre reçu ! Invoque ton Seigneur ! Tu es sur une voie droite. S’il discute avec toi, dit : « Dieu sait parfaitement ce que vous faites, Dieu jugera entre vous le jour de la résurrection et il tranchera vos différents. »(Coran : 22/ 67 à 69)
Lorsque nos Versets leur sont lus, comme étant de preuves évidentes, tu discernes la réprobation sur les visages des incrédules, peu s’en faut qu’ils se précipitent sur ceux qui leurs lisent nos Versets ( Coran : 22/ 72)
Il y d’innombrables Versets descendus à Médine qui clarifient clairement que dans sa communauté les fidèles étaient loin d’être des saints !
A suivre
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[1]« La Charte des Droits » de l’Imam Ali Ibn al-Hussain, dit Zayn-ul-‘Äbidine,le 4e imam d’Ahl-ul-Bayt (il est l’arrière-petit-fils du Prophète -P-).
[2] Attestation de foi des musulmans, formule par laquelle on entre en Islam.
[3] La dernière partie de la Prière musulmane.
[4] Une des séquences de la Prière rituelle.
[5] La dernière séquence de la Prière rituelle.
[6] Les Compagnons des Compagnons, ou compagnons de la deuxième génération.
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