Les apatrides d’Arabie souffrent de marginalisation

Descendants pour la plupart de bédouins, les apatrides d'Arabie saoudite vivent en marge de la société, sans pièces
d'identité, dans l'incapacité de faire enregistrer leur mariage ou même d'ouvrir un compte en banque.

« Notre vie est comme gelée. Nous n'avons accès ni aux services de l'administration ni aux soins médicaux", affirme Abou Ibrahim, l'un de ces "Bidoun" (sans nationalité) dans ce riche pays pétrolier.

"Il y a une discrimination dans ce pays", se plaint ce quinquagénaire assis à même le sol dans sa modeste maison du quartier d'Al Nazim à Ryad. La voix couverte par le ronronnement d'un vieux climatiseur, il énumère les avantages des citoyens saoudiens.

Les ancêtres d'Abou Ibrahim circulaient librement à travers la péninsule arabique mais quand l'Etat saoudien a pris naissance au siècle dernier, ils se sont retrouvés prisonniers des nouvelles frontières.

Beaucoup n'ont jamais eu la nationalité des nouveaux Etats créés, probablement parce que ces groupes, essentiellement nomades, ne l'ont tout simplement pas demandée.

Selon les estimations de l'ONU, il reste environ 70.000 apatrides aujourd'hui en Arabie Saoudite, après la décision il y a 13 ans des autorités de naturaliser les apatrides des grandes tribus, comme les Chammar et Anza.

"Les apatrides vivent dans la misère", souligne le défenseur saoudien des droits de l'Homme Walid Aboulkheir.
   Parmi eux, il y a aussi des personnes d'origine yéménite, déchues de la nationalité saoudienne en représailles au soutien du Yémen à l'Irak de Saddam Hussein lors de son invasion du Koweït en 1990.

C'est d'ailleurs un apatride d'origine yéménite, vendeur ambulant de fruits et de légumes recherché par la police, qui en mai dernier s'est immolé par le feu à Ryad.

Moussa Ahmad Al-Harissi voulait protester contre la saisie par la police de sa marchandise avariée, qu'il vendait à la sauvette sur un marché, selon des militants des droits de l'Homme.

   Une "carte noire"
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   Dans les années 1970, les autorités avaient recensé les apatrides et leur avaient distribué une "carte noire" comportant un numéro d'identification national. Ces cartes doivent être renouvelées tous les cinq ans à Hafr
al-Baten, à 490 km au nord-est de Ryad.

Sans ce numéro tout leur est interdit. "Mes enfants ont terminé leurs études supérieures mais ils sont au chômage et mes filles ne peuvent pas se marier légalement sans numéro d'identification national", se plaint Abdallah, 60 ans.

"Nous n'avons pas accès aux services de l'administration parce que nous n'avons pas de numéro d'identification", souligne-t-il préférant garder l'anonymat.

Et selon Ahmed al-Anzi, conseiller juridique, l'informatisation des services de l'Etat complique encore les choses et une personne sans numéro n'a aucune existence administrative.
Un apatride est quelqu'un qui vit "derrière des parois en verre. Il observe le monde bouger mais ne peut rien faire", estime Anzi.

   Mais même avec une "carte noire", la vie d'un apatride reste une course d'obstacles, relève l'un d'entre eux, Nasser al-Chammari soulignant qu'il est difficile de sortir du pays, interdit d'être propriétaire ou même de posséder plus d'une seule voiture.

Et quand il s'agit de renouveler la carte, il faut parfois attendre des mois pendant lesquels les apatrides ne peuvent pas accéder à leurs comptes en banque ni même conduire, selon lui.

Le Koweït voisin compte officiellement quelque 106.000, apatrides qui revendiquent le droit à la nationalité koweïtienne. Les autorités ont estimé que seuls 34.000 avaient le droit d'y accéder et ont affirmé que les autres
avaient une nationalité d'origine.

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