Fatima, un chapitre du livre du Message divin

Introduction au livre intitulé Fâtima la Resplendissante, une exception cachée
Par l’Imâm Moussa Sadr, dimanche 22 septembre 1968
Traduction par le Dr Julien Pélissier
Au Nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux

Premièrement, Fâtima al-Zahrâ [1]
« Certes, Dieu se courrouce en raison de la colère de Fâtima et se réjouit de son contentement » ; « Fâtima est une partie de moi, quiconque la blessera m’aura blessé et quiconque l’aimera m’aura aimé » ; « Fâtima est mon cœur et l’âme entre mes côtes » ; « Fâtima est la maîtresse des femmes du Monde ». Ces témoignages et d’autres, similaires, abondent dans les recueils de hadiths et les biographies consacrées au Messager de Dieu, Mohammad, qui ne s’exprime pas par passion ni sous l’influence des liens familiaux ou matrimoniaux, et qu’aucune réprimande de quiconque ne peut toucher en Dieu.
Les positions, la parole, les actes et le silence du Prophète de l’islam, bref son existence tout entière – lui qui s’était fondu en son apostolat et en qui les gens trouvèrent un modèle à suivre, dans les palpitations de son cœur, les regards portés par ses yeux, le toucher de sa main, les enjambées de sa démarche, le reflet de sa pensée – était devenue enseignement religieux, prescriptions divines, éclairs de guidance et voies de salut. Or, les insignes du Sceau des Prophètes sur la poitrine de Fâtima la Resplendissante deviennent plus éclatants avec le passage du temps, avec le progrès des sociétés et à mesure que l’on médite le fondement de l’islam enfoui dans cette narration prophétique adressée à son égard : « Ô Fâtima ! Œuvre pour ton propre compte, car sans l’ombre d’un doute, je ne te serais d’aucun secours une fois en présence de Dieu… ». Fâtima la Resplendissante est l’idéal féminin conforme à la volonté divine, un fragment de cet islam incarné par Mohammad, un modèle de vie pour la femme musulmane et pour l’être humain croyant en tout lieu et en tout temps. La connaissance de Fâtima constitue certainement un chapitre du livre du message divin, si bien que l’étude de sa vie s’apparente à une tentative pour comprendre l’islam et représente une inspiration précieuse pour l’humanité contemporaine.

Deuxièmement : en compagnie de l’auteur
Envahi par ce sentiment, j’écoutais le professeur émérite et génial homme de lettres, Solaymân Kettaneh, dans son ermitage de Baskinta [2] situé sur le versant [ouest] du Mont Sannine [3], lire son précieux ouvrage intitulé Fâtima la Resplendissante, une exception cachée. Je l’écoutais et voyais devant moi d’admirables tableaux, qui révélaient clairement son bon goût et le sublime de son art. Pendant de longues heures, j’ai parcouru avec lui le monde vaste et lumineux de Fâtima, éprouvant un sentiment de grandeur et d’élévation, jouissant de la vision et du discernement, fier dans ma raison et mon cœur devant ce patrimoine glorieux et engagé. Devant la manifestation de la beauté divine en Fâtima, reflétée dans la pensée et le cœur de cet honnête homme, ces heures furent un plaisir de la vie. J’en revins à l’introduction du livre et je l’entendis poursuivre en lisant ceci : « C’est pourquoi je vais écrire Fâtima la Resplendissante, en évitant autant que possible la préposition « sur », utilisée dans les biographies, et je vais éviter également la narration, car la plume se trouvant entre mes doigts n’a pas tant à analyser la proportion de fer et de souffre dans la tige d’une fleur qu’à en peindre la couleur et frémir sous l’emprise du parfum qui s’en dégage ».
Je lui dis : « As-tu réservé ton exposé original sur Fâtima à ceux qui la connaissent déjà et sont informés de sa vie grâce aux biographies et aux récits existants, l’interdisant de ce fait à ceux qui veulent en faire la connaissance ? Pourquoi ne pas tracer le chemin qui mène au soleil et à la source de vie, afin que notre société, en lisant le livre, puisse éduquer une femme et un homme dignes de Fâtima ? » Je lui dis : « Ces fresques magnifiques vont certainement étonner et attirer l’esprit des gens décontenancés, embarrassés par les recherches, les théories et les expériences menées sur la femme [4], de sorte que la femme est devenue le plus grand problème de la société traditionnelle et moderne ; or cet étonnement et cet attrait les pousseront à chercher les éléments constitutifs de ces tableaux, fer et souffre, et ouvriront l’accès à ces maisons dont Dieu a autorisé la célébration [5] . Les chercheurs contemporains des caractéristiques de la civilisation moderne l’appellent « civilisation de la sexualité », ce qui révèle l’importance prise par la question de la vision portée sur la femme et les erreurs monumentales dont nous souffrons à cause des errements de la civilisation au sujet de la femme. Les opinions des écrivains, des psychologues et du matérialisme dominant tout, jusqu’à l’existence de la femme, ont assombri les pistes et les ont inondées de passions, anéantissant le vrai, généralisant l’incertitude et pulvérisant l’humanité de la femme sous le poids des expériences anciennes et modernes.
Aussi ressentons-nous aujourd’hui plus que jamais le besoin d’une présentation concise de la vie de Fâtima la Resplendissante, afin d’en faire un guide dont la biographie nous inspirerait la voie de la perfection et de la réforme ». Je lui dis tout cela. Je l’entendis dire alors d’une voix assurée et avec le sentiment du devoir accompli : « C’est pourquoi je t’ai laissé le soin d’écrire l’introduction au livre et de t’acquitter de cette obligation, de sorte que la boucle soit bouclée et que l’ouvrage soit complet ». Je ressentis une grande gêne face à cet objectif élevé et quant au procédé. Aussi lui rapportai-je la parole du vénéré Imâm ’Abd al-Hussayn Sharaf al-Din dans son éloge du livre intitulé L’Imâm ’Ali, voix de la justice humaine, adressée à son auteur, brillant écrivain : « Prête-moi ton crayon pour que je loue ton œuvre ». C’est l’expression employée par celui dont les livres et les essais rayonnent au firmament de l’écriture, un homme de science et de traités : qu’en serait-il alors de mon piètre crayon et de ma marchandise de peu de valeur ? Malgré tout, je m’inspirerai de Fâtima la Resplendissante pour cette modeste tentative et remplirai autant que possible mon devoir en implorant du Seigneur de m’accorder ainsi qu’au respectable lecteur, la grâce d’une analyse juste et de l’inspiration.

Troisièmement : la femme
En réalité, découvrir la position de l’islam sur la femme de nos jours n’est pas exempt de difficultés, car les écrits religieux islamiques semblent d’emblée divers et contradictoires ; la difficulté augmente également du fait que certaines coutumes persistant chez les peuples islamiques se sont mêlées aux enseignements islamiques authentiques, donnant l’impression au chercheur d’appartenir toutes à l’islam.
Si nous considérons les opinions des orientalistes, même ceux de bonne foi parmi eux, et si nous étudions également ce qu’ont écrit certains auteurs musulmans, nous constatons que ces difficultés de l’étude ont rendu obscure et ignorée la véritable position de l’islam sur la femme, de sorte que la plupart ont adopté des opinions éloignées de la vérité et que certains ont jugé la femme opprimée en islam.
La vérité est qu’il existe chez les musulmans deux types de patrimoine : des enseignements religieux coutumiers et des habitudes héritées du passé qui ne figurent pas dans le corpus religieux. Et l’on doit précisément s’efforcer de les distinguer. Et puis ce corpus religieux islamique est à son tour de deux sortes : la première aborde la situation de la femme à un moment donné de l’Histoire ; la seconde sorte est constituée par des enseignements fondamentaux immuables. Pour clarifier cela, j’attire l’attention du chercheur sur la terminologie des logiciens et des usulites [6], lesquels distinguent pour chaque information (selon leur terminologie, chaque question) la question réelle de la question extérieure [7]
 : la première s’intéresse aux règles constantes s’appliquant à l’objet en tout temps et en tout lieu, alors que la seconde s’intéresse à l’objet tel qu’il se présentait au temps de la promulgation de la règle et explore sa situation uniquement dans ce contexte. Afin de découvrir la vérité de la position islamique sur la femme, il nous faut mettre les versets coraniques au fondement de la recherche sur la femme et les considérer comme le cadre des enseignements réels, et non pas extérieurs, au sujet de la femme ; c’est alors seulement que nous pourrons distinguer les coutumes des règles et identifier les règles constantes en les démêlant des opinions temporaires.

Avis du Coran sur la femme
Le saint Coran, contrairement à l’ensemble des opinions philosophiques, doctrinales et coutumières qui prévalaient avant et pendant sa Révélation, et contrairement à beaucoup d’opinions et de coutumes tardives, définit la femme et la considère équivalente à l’homme dans les faits et dans l’essence [8]. Puis il déclare qu’elle participe essentiellement à la constitution de l’enfant, qu’elle n’est pas un passage vers la procréation de l’homme ni un champ pour sa semence [9]. Et Dieu a fait du prophète Mohammad un témoin cautionnant cette position, sa descendance se poursuivant à travers Fâtima, en dépit de ceux qui l’avaient surnommé l’amputé (abtar [10]]) après le décès d’Ibrâhim, le fils qu’il avait eu de Marya la Copte, en l’an 2 de l’Hégire [11]. Et le saint Coran insiste sur cette égalité dans de nombreux versets en répétant l’expression « les uns des autres » [12]
, puis il décrète des lois pour le respect de la personne de la femme et de sa famille, et pour le respect matériel [13], spirituel [14], économique [15] et politique [16] de son travail ; il affirme son respect de la parenté lors d’une succession [17] et sa reconnaissance de l’ensemble de ses droits dans toutes les affaires de la vie [18]. De plus, nous ne trouvons dans aucun verset coranique ce qui interdirait à la femme de gérer ses biens, même après le mariage [19] ou permettrait de lui imposer un mariage sans son contentement [20]. Et les versets qui associent la femme à l’homme dans l’explication des règles, dans les hommages, dans les admonestations ou les leçons sont très nombreux, sans baisser son rang, ni la mépriser ou la considérer moins importante que l’homme [21].
Concernant la vie conjugale, afin de protéger l’épouse, d’éviter que la vie commune des époux ne débouche sur une impasse et de permettre de trancher dans des questions relevant de leurs affaires communes, [le Coran] a accordé un rang supérieur à l’homme par rapport à son épouse, et à aucune autre femme – cela après avoir affirmé l’identité des droits et des devoirs entre eux dans le noble verset [22]. Ce rang, c’est celui que le Coran a évoqué en un autre endroit [23]. Et qui a approfondi l’étude du saint Coran trouve que les différences qu’il consacre entre l’homme et la femme affirment une égalité substantielle et accorde également à tous deux une importance juste. Car la disparité des règles, des devoirs et des droits naît de la disparité entre eux dans les compétences, les spécialisations et, souvent, les dispositions spécifiques. Ainsi la femme est-elle adaptée, de par sa constitution corporelle et spirituelle, à la maternité et à l’éducation des enfants et cette mission a été considérée comme l’institution la plus importante en islam en vertu du hadîth [24]. Non moins importante que toute autre mission vitale, dans la mesure où elle forme l’individu qui est le pilier des sociétés, cette mission s’accorde à la nature de la femme ; en vertu de quoi l’islam lui recommande d’assumer cette vocation sans toutefois le lui imposer [25] . En guise de compensation, il double la quote-part de l’homme par rapport à celle de la femme dans l’héritage afin que se réalise la justice et afin que, selon l’expression coranique, le capital "ne soit pas attribué à ceux d’entre vous qui sont riches." Et l’islam fonde les dispositions légales restantes sur la base de cette spécificité et de cette pratique, en acceptant le témoignage de la femme dans le cadre de son travail et de sa compétence notamment. Quant à la question du voile en islam, elle ne vise pas à dévaloriser ou enfermer la femme, ni à la glorifier exagérément, comme il était de coutume chez certains peuples, mais c’est plutôt une arme en faveur de la femme et un barrage à la suprématie de la féminité en elle, afin d’éviter que cet aspect ne domine toutes ses autres compétences. Cette intention est claire dans les versets coraniques qui interdisent la sujétion dans le discours, ou le piétinement dans la démarche ou le maquillage et l’étalage de ses atours [26]. En réalité, l’ostentation des charmes de la femme aboutit à la suprématie de la féminité sur son existence, et la transforme en simple œuvre d’art. C’est là un mépris de la femme et une récusation de ses compétences, un abrégement de sa durée de vie, de son temps et de ses chances ; en particulier, cela conduit à la priver, et à priver la société, de son talent pour la maternité.
Ce sont là les principales grandes lignes de la position de l’islam vis-à-vis de la femme, à partir desquelles nous pouvons reconnaître les coutumes et les distinguer des dispositions légales, de même qu’il nous devient possible de discerner celles des narrations qui décrivent la situation de la femme à une étape historique particulière. Et le Messager de Dieu a fourni un effort infini pour améliorer la situation des femmes de son époque, qui portait les traces de la persécution et des préjugés d’un long passé, et pour la valoriser aux yeux des gens, en considérant que « les filles sont la meilleure progéniture », que « le meilleur des hommes est celui qui se comporte le mieux envers sa femme », que « la femme lui est aussi agréable en ce monde que la prière » et que « les femmes sont un dépôt confié par lui à sa Nation ». Et il me semble que les propos rapportés de l’Imâm ’Ali au sujet de la femme lui ont valu d’être considéré par certains chercheurs, orientalistes et autres, comme un ennemi de la femme, tel ce propos : « La femme est tout entière un mal, et le plus malin en elle est qu’elle est nécessaire » ; ou cet autre propos : « Les femmes sont un bégaiement et un point faible, alors dissimulez ce bégaiement dans le silence et ce point faible dans les demeures », entre autres… Ces citations, en supposant qu’elles soient bien de l’Imâm ’Ali, ne sont autres que les « questions extérieures » de la terminologie usulite décrivant la situation de la femme à une époque historique particulière.
En outre, on trouve chez l’Imâm des formules et des sagesses qui correspondent parfaitement à ce que nous avons déduit du saint Coran. Il essaie parfois de donner une explication pénétrante des propos répandus parmi les gens sur les femmes, si bien que quand il entend le fameux proverbe : « Certes, les femmes ont une raison défaillante, une quote-part d’héritage incomplète et une faible foi », il le commente en accord avec ce que nous avons observé des enseignements coraniques sur la différence portant sur l’héritage, le témoignage et l’acquittement de certains devoirs dans des situations particulières ; on rencontre dans cette méthode une posture pédagogique éminente qui se retrouve dans la vie du Prophète, des Imâms et de Fâtima la Resplendissante.

Quatrièmement : brève biographie
Fâtima est née cinq ans après le début de la Mission du Prophète béni c’est-à-dire huit ans avant l’Hégire. C’est le dernier enfant du Prophète avec Khadija. Elle est née à La Mecque, dans la demeure de la révélation et du jihâd, dans une atmosphère de patience, de persévérance et d’endurance face aux difficultés. Elle a grandi entourée des sentiments sincères et du pur amour réciproque entre le messager de la miséricorde et Khadija, dont le Prophète n’oubliera jamais les sentiments et la fidélité tout au long de sa vie. Elle émigra après le messager de Dieu depuis La Mecque vers Médine, avec les autres femmes de la famille du Prophète, sous la supervision de ’Ali bin Abi Tâleb. Ils se rassemblèrent dans un seul convoi d’émigrants à la station de Qoba près de Médine. Elle se maria avec ’Ali bin Abi Tâleb la deuxième année de l’Hégire (623 apr. J.-C.), alors qu’il avait vingt-trois ans et qu’elle en avait dix [27] .
Le Prophète a affirmé à ses compagnons que la préférence donnée à ’Ali sur les nombreux prétendants de Fâtima était une recommandation divine et découlait de l’insatisfaction manifestée par Fâtima vis-à-vis de tout autre prétendant que ’Ali. Elle ne fut consentante qu’envers ’Ali, malgré les multiples tentatives des femmes de Médine, qui déconseillaient à Fâtima de l’épouser, arguant de sa pauvreté, de sa participation continue au jihâd et de son intransigeance dans l’obéissance à Dieu. Elle vécut avec ’Ali huit années d’une vie exemplaire, devenue le symbole de la vie de couple, et lui donna Hassan, Hussein, Zaynab et Oumm Koulthoum, et Mohsen qu’elle perdit par une fausse couche suite au décès de son père lors des événements douloureux qui se produisirent à ce moment-là.
Elle décéda quelques mois seulement après son père et est enterrée en un lieu tenu secret, conformément à sa volonté, de même que la cérémonie d’inhumation et le convoi funèbre se firent secrètement, selon son désir. Des indices historiques et des narrations rapportées évoquent l’un des trois emplacements suivants pour sa tombe : le cimetière de Baqi’, son logement aujourd’hui contigu à la tombe du Prophète, enfin le splendide parterre situé entre la niche-mihrab du Prophète et son tombeau, que l’on peut aujourd’hui identifier par des colonnes spécifiques. Quant à son âge, il a atteint dix-huit ans et quelques mois et représente, malgré sa brièveté, un exemple complet et parfait de la vie de la femme, telle que Dieu la souhaite et que sa religion cherche à réaliser. En effet, les enseignements religieux ont besoin de personnes exemplaires qui les incarnent pleinement et en sont une réalisation complète, afin de les extirper d’une idéalisation hypothétique et de retirer aux gens tout faux prétexte une fois confrontés au Tout-Puissant.
Et quand le Messager de Dieu voulut faire une exécration réciproque – consistant à solliciter de Dieu la malédiction sur le menteur parmi une assemblée afin de manifester la véracité d’une partie prenante à une polémique –, cela constitua le dernier recours efficace d’apostolat de la part des prophètes pour faire triompher la religion authentique de Dieu ; il l’ordonna sur la base du verset béni [28] si bien que le grand Prophète dut exhiber les fils, les femmes et les personnes, qui représentent les hommes, les femmes et les enfants de l’islam ; c’est ainsi qu’il choisit ’Ali, Fâtima, ainsi que Hassan et Hossayn, affichant ainsi sa foi dans la vérité et dans le fait que ceux-ci en représentent parfaitement la religion. Ainsi nous revient-il, après cette courte revue biographique, d’étudier brièvement la personnalité de cette femme, Fâtima al-Zahrâ’, qui est l’exemple avéré de la femme musulmane.

Cinquièmement : « la mère de son père »
La jeune Fâtima essaie de participer à la lutte (jihâd) de son père et s’efforce sincèrement de compenser le vide sentimental dû à la perte de ses parents au début de sa vie ; ce vide indisposait le Prophète et se reflétait sur son cœur délicat assoiffé d’amour. Le Prophète avait besoin de l’affection et de l’attention maternelles dans sa vie, dans son entreprise pénible et harassante, dans son affrontement avec un environnement impitoyable ; et il trouvait cela chez Fâtima. L’histoire ne nous rapporte qu’un aperçu de ces attentions maternelles de Fâtima envers le Prophète, mais elle confirme le succès de la tentative de Fâtima pour apporter à Mohammad une plénitude affective et cela l’aida sans doute à supporter les grandes difficultés liées à la prophétie. L’histoire confirme cela en transmettant souvent de sa bouche : « Fâtima est la mère de son père ». Et l’on voit d’ailleurs qu’il se comporte avec Fâtima comme on le ferait avec une mère, lui baisant les mains, la visitant d’emblée une fois arrivée à Médine, commençant ses voyages et périples en allant la voir et en lui faisant ses adieux, comme s’il faisait le plein d’affection pour son voyage auprès de cette source pure. D’un autre côté, on trouve le sentiment paternel du Prophète parfaitement incarné dans sa relation à Fâtima. Quand il fut ordonné aux gens de s’adresser à Mohammad avec l’expression « Messager de Dieu » et que Fâtima se conforma à cet ordre, le Messager de Dieu l’en défendit et lui demanda de l’appeler « père ». Et l’on remarque dans la biographie du saint Prophète qu’il la visitait fréquemment dans ses moments de fatigue et de souffrance, ou quand il était blessé à la guerre, quand il avait faim, dans les moments d’indigence ou pendant la réception d’un invité. Fâtima la mère se présentait à lui, s’occupait de lui, le prenait dans son giron, pansait ses plaies et atténuait ses souffrances ; puis Fâtima la fille se présentait à lui, le servant, lui obéissant et lui préparant ce dont il avait besoin. C’est ainsi que l’on observe son rôle insigne dans la vie du Messager de Dieu.

Sixièmement : l’épouse de ’Ali
’Ali a dit : « Je me rendis (un jour) auprès du Messager de Dieu. Quand il me vit, il sourit et dit : « Quel bon vent t’amène, ô père de Hassan ?! ». Je lui rappelai mon intimité, ma précocité à accepter l’islam, mon appui pour lui et ma lutte (jihâd). Il me dit : « Ȏ ’Ali ! Tu as dit vrai ! Et tu es encore meilleur que ce que tu viens d’évoquer ! ». Je lui dis alors : « Ȏ Messager de Dieu ! Marie-moi à Fâtima ! » Il répondit : « Ȏ ’Ali ! D’autres hommes l’ont évoquée avant toi ; je le lui ai évoqué et j’ai observé le désaccord sur son visage ; mais attends que je revienne vers toi ». Il alla voir Fâtima, laquelle lui prit la tunique, lui retira les sandales, lui apporta de l’eau, lui fit les ablutions de ses mains, lui lava les pieds puis s’assit. Il lui dit alors : « Ȏ Fâtima ! ». Elle lui répondit : « A ton service ! A ton service ! Que veux-tu, ô Messager de Dieu ? ». Il dit : « De ’Ali bin Abi Tâleb, tu sais très certainement la proximité avec moi, la vertu et la soumission à Dieu. Aussi ai-je demandé à mon Seigneur de te marier à la meilleure de Ses créatures et à celle qu’Il aimait le plus ! Or ’Ali m’a parlé de toi : qu’en penses-tu ? ». Elle se tut sans détourner la tête et il ne vit aucun signe de désaccord sur son visage. Il se leva alors et dit : « Dieu est le plus Grand ! Son silence vaut acquiescement ! »
Puis Gabriel vint à lui et lui dit : « Ȏ Mohammad ! Marie-la à ’Ali bin Abi Tâleb, car Dieu la lui a consentie et le lui a consenti ! » ’Ali dit : « Le Messager de Dieu me maria (à Fâtima) puis il vint près de moi, me prit par la main et dit : « Lève-toi au nom de Dieu et dis : à la grâce de Dieu et Dieu l’a voulu ainsi et il n’est de pouvoir qu’en Dieu et je m’en remets à Dieu ! » Puis il m’entraina pour me placer auprès d’elle et dit : « Ȏ mon Dieu ! Ces deux-là sont Tes deux créatures que j’aime le plus ! Alors aime-les et bénis leur progéniture et place un de tes protecteurs au-dessus d’eux ! Car je les place, eux et leur progéniture, sous ta protection contre le Satan maudit ! C’est avec cette simplicité que se déroula la cérémonie de mariage : ’Ali offrit son bouclier en douaire, qu’il vendit pour équiper la maison ; il acheta du parfum et une tunique à hauteur de sept dirhams, un long voile pour quatre dirhams, du velours noir de Khaybar, un lit cerclé d’osier, deux matelas de jute égyptienne rembourrés l’un avec de la fibre et l’autre avec de la toison de mouton, quatre coussins de cuir rouge de Taëf rembourrés de paille odorante, un châle de laine, un paillasson, une meule manuelle, une casserole en cuivre, une outre en cuir rouge, un vase en bois pour le lait, une carafe à eau, une bassine, une jarre verte et des cruches en terre cuite. C’est ainsi que la maison fut équipée et le douaire perçu.
Fâtima emménagea dans la maison de ’Ali, composée d’une seule pièce qui appartenait à Oumm Salma, l’épouse du Prophète ; ’Ali escalada alors une butte située un peu plus loin et lança l’appel suivant : « Répondez à l’invitation au festin de mariage de Fâtima » ; ce que les gens firent en participant à la joie de la famille du Prophète.
Fâtima commença sa nouvelle vie dans la maison de ’Ali où elle s’acquittait de ses obligations domestiques, moulait le grain, confectionnait la pâte, préparait le pain, alors que ’Ali l’aidait dans les tâches ménagères. Il balayait parfois la maison, trayait la chèvre, ramassait du bois, allait puiser de l’eau. Le Messager de Dieu avait réparti les travaux domestiques entre eux : à ’Ali revenait ce qui se faisait à l’extérieur de la maison et à Fâtima ce qui se faisait à l’intérieur. Elle lui donna des enfants, s’occupa de leur éducation et de leurs besoins jusqu’à tomber malade suite à la somme des choses à faire, car elle était seule à les accomplir, par égard pour la pauvreté et la générosité de ’Ali. ہ la demande de son mari, elle s’adressa au Messager de Dieu : peut-être l’aiderait-il à embaucher une servante à laquelle elle attribuerait certaines tâches. Elle entendit les excuses de son père, qui lui rappela la pauvreté des gens, le grand nombre d’indigents et de compagnons pauvres, sans domicile et n’ayant pas le nécessaire pour se nourrir. Quelque temps plus tard, comme la situation de la Nation s’était améliorée, le Prophète répondit favorablement à la requête en lui envoyant une servante ; elle répartit alors les tâches domestiques entre la servante et elle : à chacune un jour sur deux, sans distinction entre elles. ہ la fin de sa vie, elle résuma d’une phrase son éthique maritale, qu’elle adressa à ’Ali comme une excuse et un adieu : « Ȏ cousin ! Tu ne m’as jamais connue menteuse ni traîtresse ; et je ne t’ai jamais contrarié depuis que je vis avec toi ! » Elle décéda ensuite rassurée quand elle entendit ’Ali lui dire : « ہ Dieu ne plaise ! Tu connais mieux Dieu, tu es plus bienfaisante, plus pieuse et plus généreuse, et ta crainte de Dieu est bien plus grande que je puisse te reprocher de me contrarier ! Et il me coûte de me séparer de toi ». Voici les textes que j’ai condensés ici et qui me dispensent de plus ample recherche et clarification sur la vie domestique de Fâtima.

Septièmement : la recherche du savoir
Malgré leur haute importance, Fâtima ne se contentait pas des connaissances et de la culture inculquées par la demeure de la Révélation (bayt al-wahi), ni ne se limitait à l’éclairage scientifique procuré par les étoiles de science qui l’entouraient de toute part. Non ! Fâtima voulait travailler à son apprentissage et n’épargnait aucun effort pour obtenir cet honneur. C’est pourquoi nous la voyions absorber les sciences et la connaissance par tout moyen, en toute occasion et de différentes manières, pendant ses entretiens avec le Messager de Dieu et avec ’Ali, cette porte de la cité de la science. Le plus admirable de ces moyens consistait à envoyer continuellement ses deux fils, Hassan et Hussein, depuis leur enfance, chez le Prophète, puis à les interroger à leur retour sur les questions, les réponses et la Révélation là-bas. De cette façon, elle veillait à son progrès intellectuel continu tout en encourageant ses deux fils et en les éduquant pratiquement pour une assimilation complète des connaissances et des sciences, de manière à être capables de les transmettre.
Cet effort continu pour s’instruire, tout en consacrant du temps et de l’énergie à l’acquittement de ses obligations domestiques et de ses devoirs généraux, fit d’elle l’un des plus grands rapporteurs de hadîths et porteurs de la pure Tradition (sunna). Entre les mains de sa descendance, les Imâms infaillibles, se trouvait un gros livre d’elle, intitulé le Livre de Fâtima, qu’ils citaient beaucoup et dont ils parlaient avec fierté.
J’ai décidé de me borner ici à citer le fameux discours qu’elle prononça brillamment à la mosquée après le décès du Messager de Dieu, en présence des plus éminents de ses compagnons, car il offre une idée éclatante de la profondeur de sa pensée islamique, de l’étendue de sa culture, de la force de son raisonnement et de l’éloquence de son verbe, en plus d’être en soi la voix de la vérité – son expression pleine et entière – et c’est bien cela le grand jihâd :
« Louange à Dieu pour ce dont Il nous a fait grâce, à Lui la reconnaissance de ce qu’Il nous a inspiré et louons-Le pour tous les bienfaits dont il nous a fait grâce, pour la riche abondance qu’il a mise à notre disposition depuis le premier jour, pour les innombrables dons qu’il nous a offerts et pour tous les présents dont il n’a cesse de nous faire don depuis toujours.
Tous ces bienfaits sont innombrables et en dehors de tout compte, du fait de leur étalement au fil du temps qui passe, ils ne sont pas compensables. Et leur infinité est inconcevable par l’esprit des hommes.
Dieu a demandé à ses serviteurs de le louer afin qu’il continue de leur prodiguer ses grâces, et toujours en abondance. Il a invité ses Créatures à le louer pour qu’il les comble de ses grâces. Il les a encouragés à faire tout pour obtenir la meilleure de ses grâces.
Et moi, je témoigne qu’il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu, l’Unique. Dieu est Unique, Il n’a pas d’associé et rien ne lui ressemble.
Une parole dont la sincérité assure la pleine compréhension, dont les cœurs constituent le point d’attache (et la cible) et dont la réflexion se reflète sur la pensée.
Dieu que nul ne peut voir de ses yeux, qu’aucune langue ne peut décrire et dont nul ne peut concevoir, par la sagesse et en pensée, la Sainte Essence a créé tous les êtres du monde existant sans qu’il n’ait jamais existé quoi que ce soit auparavant.
Il les a créés à son image par sa puissance et selon sa volonté sans avoir nul besoin de modèle ou de fabrication et sans que sa pure Essence ait eu un quelconque intérêt à les faire figurer.
Il ne voulait, par cela, que faire montre de sa sagesse, de sa capacité et de sa puissance, inviter les hommes à se soumettre à lui et leur présenter ainsi son pouvoir infini ; conseiller à ses Créatures de rester parmi Ses serviteurs et de procurer force à Son invitation, en récompensant l’obéissance et en punissant la désobéissance.
Et je témoigne que mon père, Mohammad (que la Paix soit sur lui et sa famille) est son serviteur et son Envoyé, qu’Il l’a élu avant de l’envoyer, et ceci avant même de le créer, Il l’a inscrit au nombre des candidats à ce grade et qu’Il l’a choisi avant même de savoir quel serait son message.
En ce jour où ses serviteurs étaient encore dans l’ombre, dans le monde invisible et cachés derrière le voile terrible de l’inexistence, alors qu’ils se trouvaient encore dans la genèse à la limite ultime de la non existence, Dieu avait déjà effectué tout ce travail parce qu’Il était conscient de ce que réservait l’avenir ; parce qu’Il dominait la situation et les événements du monde, Il savait pertinemment où le destin allait les mener.
Il l’a élu pour qu’il vienne compléter son message et faire appliquer son ordre, pour qu’il vienne jouer de son influence et exécuter définitivement le destin.
Dieu l’a élu puis a vu que les peuples s’étaient divisés en différentes religions : certains vénéraient le feu, certains se prosternaient devant les idoles et, bien qu’il avait été donné à leurs cœurs de connaître Dieu, ils persistaient à Le réfuter. Dieu a balayé les injustices par la lumière de Mohammad (que la Paix soit sur lui) qui a ôté le voile de l’injustice recouvrant les cœurs et qui a fait fuir les nuages noirs et obscurs obstruant leur regard. Il s’est soulevé afin de guider les gens, les a sauvés de l’égarement, de la perversion et de l’aveuglement, les a guidés vers la religion droite et les a invités sur la voie juste.
Puis, Dieu, librement et avec une douce amitié, a rappelé à Lui l’âme du Prophète, témoignant de sa volonté et de sa générosité, il a fini par le libérer de la peine de ce monde.
Pour le moment, il est parmi les anges bénéfiques, avec le plein assentiment de Dieu, Généreux, au côté du Maître dominateur et tout le respect dû à Dieu, Puissant.
Que le salut de Dieu soit sur mon père, Son Prophète et dépositaire de la Révélation, et élu approuvé de Dieu parmi les hommes.
Que la paix soit sur lui, ainsi que Sa miséricorde et Sa bénédiction.
Vous, serviteurs de Dieu, vous êtes responsables du Commandement et de l’Ordre de Dieu, vous êtes porteurs du Message de sa Religion et les gardiens de sa Révélation. Vous êtes les dépositaires de vous-mêmes au nom de Dieu et Ses légataires de ce qu’Il vous a laissé :
le "Livre parlant de Dieu" et le Coran authentique, une luminosité éclatante et une lumière étincelante.
Il nous a laissé un Livre dont les mots sont clairs, dont le fond est évident, dont la forme est des plus lumineuses et dont les partisans seront des plus glorieux.
Il nous a laissé un Livre qui mène ses partisans au Paradis et dont l’écoute apporte soutien sur le chemin du salut.
S’y trouvent les Preuves divines les plus évidentes ; il nous a été donné de recevoir le commentaire des ordres de Dieu et d’y lire le pourquoi des interdits.
Il nous est rendu possible d’analyser les arguments probants et suffisants qui nous ont été présentés. Dans ce Livre, ont été écrits tous les devoirs moraux qui sont les nôtres, tout ce qui est légal et tout ce qui nous est permis.
Dieu vous a accordé "la Foi" comme purification de l’association et il vous a donné "la Prière" pour effacer l’orgueil et la prétention en vous. Il a donné "la Zakât" pour purifier l’esprit et accroître la subsistance ; Il nous a donné "le jeûne" comme ciment pour la sincérité et "le Hajj" aussi pour renforcer le pouvoir de l’islam.
Dieu nous a accordé "Justice" pour homogénéiser les cœurs. Il nous a donné l’obéissance comme raison d’être du peuple de l’islam et l’Imâmat afin de lutter contre les divisions et la dispersion. Il nous a donné aussi "le jihâd" pour garantir la Gloire de l’islam ainsi que l’humiliation des infidèles et des hypocrites.
Il nous a donné "la Patience" et "la Résistance" afin de mériter la Récompense divine. Il nous a invités à commander "de faire le Bien" et nous enjoints à interdire de faire le mal pour nous permettre de corriger les peuples. Et Il nous a commandé "le Respect des parents", pour nous éviter la colère de Dieu.
Dieu nous a commandé de préserver les relations familiales afin de s’assurer longue vie et nous a commandé "la loi du Talion » pour éviter le meurtre.
Il nous a commandé « l’astreinte au vœu » pour susciter l’absolution des pêchés ; Il nous a interdit le frelatage pour éviter toute lésion contractuelle et nous a interdit la consommation de boissons alcoolisées pour empêcher toute souillure.
Il nous a proscrit l’accusation et les insultes pour échapper à la malédiction de Dieu ; Il nous a interdit le vol pour préserver la chasteté d’esprit et nous a interdit l’association pour achever notre sincérité envers Lui en tant que notre Maître.
Puisqu’il en est ainsi, craignez-Le et obéissez Lui autant qu’Il le mérite et faites en sorte de quitter ce monde en musulmans.
Obéissez à Dieu en ce qu’Il a vous prescrit et en ce qu’il vous a proscrit et or seuls les savants parmi Ses serviteurs, craignent Dieu.
Ȏ gens, sachez qu’en vérité je suis Fâtima, que mon père est Mohammad, que le salut et la paix de Dieu Soit sur lui et toute sa famille, et que ce que je dis, du début à la fin, n’est pas entaché d’erreur, ce que je fais, je ne le fais pas par quelque divagation :
Un Prophète est venu parmi vous et d’entre vous ; vos peines le peinent, ne désirant que vous guider, aimable et charitable à l’égard des croyants.
Si vous cherchiez à savoir qui il est, vous verriez qu’il était mon père et non le père d’aucune de vos femmes et qu’il était le généreux frère de mon cousin et non le frère d’aucun de vos hommes !
Vous verriez que sa descendance est une glorieuse descendance, que la paix de Dieu soit sur lui et sur sa famille !
Oui, il est venu et a bel et bien accompli sa mission : il a éclairé les gens à la lumière de la Vérité, il s’est détourné du chemin des athées desquels il a frappé la tête et a serré le cou, afin qu’ils délaissent l’athéisme et mettent les pieds sur le chemin du monothéisme.
Il a toujours invité les gens sur le chemin de Dieu en toute sagesse et par une exhortation saine et agréable. Il a brisé les idoles et a déstabilisé les orgueilleux jusqu’à la destruction de leur idéologie si bien qu’ils tournèrent les talons, et que la vérité put se manifester dans tout son carat avant que l’aube ne prit la place de la nuit !
Le leader de la Religion prit la parole et fit cesser les murmures des satans. L’hypocrisie fut décapitée et les nœuds de l’incroyance et de la divergence se sont dénoués et vous avez ouvert votre cœur à la sincérité criant, proclamant "La Ilâha Illa Allah" (Il n’y a de dieu que Dieu) alors que vous étiez peu nombreux et bien pauvres !
Oui, à cette époque, vous étiez à deux doigts de tomber dans le précipice qui mène au feu de l’Enfer ; vous étiez comme une goutte d’eau pour l’assoiffé, comme une bouchée pour l’affamé, comme une flamme pour celui qui court à toute hâte à la recherche du feu et vous étiez écrasés sous les mains et les pieds !
Oui, à cette époque, vous buviez encore de l’eau souillée et croupie et vous vous nourrissiez encore de feuilles d’arbres ! Vous viviez dans le mépris et l’avilissement et vous étiez toujours envahis par la peur que votre ennemi puissant vienne vous voler et vous avaler !
Mais Dieu, le Très-Haut, vous a sauvés par les grâces de Mohammad (que la Paix soit sur lui).
Après avoir vu un tel avilissement, un tel mépris et une telle impuissance, il se dressa contre les puissants et se mit à lutter contre les loups arabes et les gens du Livre indociles de Nazareth, chaque fois qu’ils ont voulu allumer le feu de la guerre, Dieu s’est empressé de l’éteindre.
Chaque fois qu’apparaissait la corne des satans et que les athées avaient l’intention de fomenter quelque complot, mon père chargeait son frère ’Ali (Salut à lui) de s’y opposer et c’est ainsi que, par son intermédiaire, il réussissait à les dominer.
Il n’a jamais capitulé devant une mission dangereuse et ne s’en retournait que lorsque la tête de l’ennemi avait été fracassée et son nez baissé jusqu’à terre, s’exténuant en Dieu, s’efforçant à réaliser l’ordre de Dieu, proche du Messager de Dieu, le maître des saints de Dieu, besogneux et délivrant conseil, sérieux et persévérant, alors que vous étiez entourés de bienfaits, en toute sécurité et que vous attendiez nos revers de fortune, que vous suiviez les informations, que vous flanchiez lors des difficultés et que vous fuyiez les combats.
Mais, quand Dieu jugea que le temps était venu pour son Prophète d’aller rejoindre les autres Prophètes dans la demeure de ses élus, des hypocrisies secrètes et des traces de discorde apparurent parmi vous.
Le voile de la Religion fut tiré et les égarés se mirent à parler ; les inconnus qui avaient jusqu’alors sombré dans l’oubli redressèrent la tête et le cri du mensonge se leva : tous ces gens se mirent à œuvrer en montant sur la scène de votre Communauté !
Satan sortit la tête du trou où il s’était caché ; il vous invita à prendre parti pour lui et vous trouva disposés à accepter son invitation et prêts à être séduits par lui !
Puis, il vous a appelés à vous révolter et vous a trouvés lestes dans votre avancée. Il a allumé le feu de la colère et de la vengeance dans vos cœurs et alors des traces de colère apparurent sur vos visages ; voilà pourquoi vous faites porter votre marque à un chameau qui n’est pas le vôtre, pourquoi vous mettez le nez dans une assiette qui n’est pas la vôtre non plus et pourquoi vous êtes partis à la recherche de quelque chose qui n’est pas à vous et auquel vous ne pouvez pas prétendre.
Finalement, vous avez accepté de laisser usurper le gouvernement ! Cela ne s’est passé que peu de temps après la mort du Prophète, alors que les blessures de notre malheur étaient ouvertes et que celles de notre cœur n’étaient pas encore guéries, alors que nous n’avions pas encore enterré le Prophète (que la Paix soit sur lui).
Votre prétexte était : "Nous craignions que la bagarre ne commence", de quel piège devait-il s’agir pour que vous y tombassiez ?! C’est ainsi que l’Enfer a entouré les athées.
Que dire de vous ! Qu’êtes-vous en train de faire, honnêtement ? Et où allez-vous ? Alors que le Livre de Dieu, le Coran, vous a été donné : tout ce qui y est écrit est lumineux et tous ses signes sont reluisants, toutes les interdictions sont nettes et toutes ses ordonnances sont claires, mais vous y avez contrevenu avec désinvolture !
Vous êtes-vous détournés de tout ceci ou donnez-vous un autre ordre que celui-là ? Quel détestable substitut ont choisi les oppresseurs ! Sachez que l’action de quiconque choisit une autre doctrine que l’islam ne sera pas acceptée et au Jour de la Résurrection, sera du nombre des perdants.
Oui, vous avez placé la chamelle dominante sous vos ordres sans même attendre qu’elle soit apprivoisée et se rende à vous.
Vous avez subitement allumé le feu des manigances et vous l’avez attisé pour en faire grandir les flammes ; vous avez répondu à l’appel du Satan séducteur.
Vous vous êtes chargés d’éteindre la lumière éclatante de la doctrine divine et de faire disparaître la Sunnah de l’authentique Prophète de Dieu.
Feignant de vouloir manger la crème sur le lait, ils ont bu ce lait en cachette jusqu’à la dernière goutte.
Vous sembliez vous démener pour les autres alors qu’en réalité, vous preniez l’affaire à pleines mains.
Vous avez tout fait pour isoler sa famille et ses enfants ; d’ailleurs nous n’avons pu trouver d’autre solution que de patienter tel l’homme assis et menacé par un sabre placé sous la gorge et un autre pointé vers le cœur !
Et maintenant, vous prétendez que je n’hérite pas de mon père !
Cherchez-vous à appliquer les règles d’avant l’islam ? Et y a-t-il meilleure disposition que celle de Dieu pour un peuple convaincu ? Ne le savez-vous pas ? Certes, il vous apparaît aussi clairement que l’eau de roche que moi, je suis sa fille.
Ȏ vous, les musulmans ! Est-ce que dans le Livre de Dieu, tu hérites de ton père mais moi pas ? Tu avances quelque chose de bien étrange !?
Vous êtes-vous éloignés du Livre de Dieu intentionnellement en le lançant par derrière vos têtes, alors qu’il y est écrit :
"Soulaymân hérita de son père David [29]
Dans l’histoire de Yahyâ ibn Zakaryâ, il est dit aussi :
"Ȏ Dieu ! Offre-moi un enfant pour qu’il hérite de moi et de la famille de Jacob" [30]
Et il est dit encore ceci :
"Les proches peuvent hériter les uns des autres et sont, de ce fait, plus privilégiés que les étrangers" [31]
Et il dit encore :
""Dieu conseille que, pour vos enfants, la part des garçons soit le double de celle des filles" [32]
Et il est écrit aussi :
"Si quelqu’un laisse quelque chose en héritage derrière lui, il est raisonnable qu’il écrive un testament des plus méritoires, pour ses parents et ses proches ; c’est un devoir pour les pieux" [33]
Comment pouvez-vous prétendre que nulle quote-part ne me revient et que je n’hérite pas de mon père comme s’il n’y avait pas de parenté entre nous ?
Dieu a-t-il fait descendre un verset spécialement sur vous qui ferait de mon père une exception ?
Peut-être direz-vous que les parents adhérents à différentes religions ne peuvent hériter les uns des autres et que moi, je n’ai pas la même religion que mon père ?! N’appartenons-nous pas, moi et mon père, à la même religion ?
A moins que vous connaissiez mieux le Coran que mon père et mon cousin ?
Libre à vous ! Cet héritage est tel un cheval harnaché prêt à partir pour lequel tu seras interrogé le Jour de la Résurrection ! Et quel meilleur juge que Dieu ! Le chef est Mohammad et le rendez-vous est fixé à la Résurrection ! Une fois l’Heure arrivée, les égarés courront à leur perte et le regret ne vous sera alors d’aucun secours !
Tout événement est noté et vous saurez bientôt que le châtié est en proie à l’humiliation et qu’il sera condamné à perpétuité !
Ȏ assemblée d’hommes braves ! Ȏ vous, mains fortes de la Communauté et francs-tireurs de l’islam ! Pourquoi cette faiblesse face à l’injustice qui m’est faite, en dépit de mon droit et de la Tradition ?
L’Envoyé de Dieu (que la Paix soit sur lui), mon père, ne disait-il pas : « Le respect du droit d’un individu passe par le respect de celui de son enfant » ?!
Comme les temps ont vite changé et à quelle vitesse vous êtes-vous détournés du chemin ?! Pourtant, vous pouvez me procurer ce que je requiers et avez suffisamment de pouvoir pour faire en sorte que mon droit me soit rendu.
Ou bien dites-vous que Mohammad (que la Paix soit sur lui) n’est plus ? Certes son camp s’est affaibli, il n’y a plus guère d’espoir de rétablissement, la terre s’est remplie d’injustices suite à son absence, le soleil et la lune se sont éclipsés, les étoiles sont devenues étincelantes suite à ce malheur ; les espoirs se sont mués en désespoir, les montagnes se sont mises à trembler et la dignité et la pudeur sont bafouées ! Avec sa mort ont disparu toute révérence et toute retenue !
Je jure devant Dieu que sa mort est un grand événement, le plus grand malheur et une perte inestimable mais n’oubliez pas que le Coran glorieux, qui nous avait prévenus du départ du saint Prophète (paix sur lui et sa famille), reste lui parmi nous.
Lisez-le, matin et soir, à voix haute, en psalmodiant ou encore à voix basse ; lisez-le en jouant avec les sons dans votre oreille.
Tous les prophètes qui l’ont précédé ont suivi pareil itinéraire car la mort est un ordre divin inévitable : "Mohammad n’est qu’un prophète ; des prophètes ont vécu avant lui. Retourneriez-vous sur vos pas, s’il mourait, ou s’il était tué ? Celui qui retourne sur ses pas ne nuit en rien à Dieu ; mais Dieu récompense ceux qui sont reconnaissants" [34].
Comme c’est étrange, ô fils de Qilah. Comment se fait-il que mon droit ait été bafoué sous vos yeux et que vous ayez clairement entendu et vu ce qui était en train de se passer, que vous ayez été tenus au courant des faits dans vos réunions et lors de vos assemblées : comment se fait-il que, tout en étant parfaitement informés de mon appel à l’aide, malgré votre nombre, votre équipement, vos armes et vos armures, vous n’ayez pas répondu à l’écho de mon cri de secours ? Or, vous êtes décrits comme étant des combattants, connus pour faire le bien et animés de bonté.
Alors que vous êtes la meilleure de toutes les tribus et les meilleurs de tous les hommes ! Vous avez combattu contre les infidèles arabes et vous avez enduré difficultés et peines à cette fin.
Vous avez arraché les cornes aux rebelles, vous avez fait rentrer les griffes des plus vaillants combattants et c’était vous qui avanciez toujours à nos côtés, qui aviez pris place dans nos rangs, qui vous soumettiez à nos ordres et qui ne pensiez qu’à nous obéir de sorte que le moulin de l’islam tournait autour de l’axe de notre famille et que le lait s’est accru dans le sein de la mère des temps, que les cris de l’athéisme se sont éteints dans les gorges, que les flammes du mensonge se sont tues, que le feu de l’infidélité a cessé de brûler, que l’appel au désordre s’est amenuisé et que le système religieux s’est affermi.
Pourquoi aujourd’hui vous trouve-t-on léthargiques après toutes les recommandations du Coran et du Prophète (que la Paix soit sur lui) ? Pourquoi voulez-vous celer les vérités après qu’elles vous aient été proclamées ? Pourquoi faillissez-vous à vos engagements et avez-vous dévié vers le polythéisme après avoir choisi le chemin de la foi ? Malheur à un peuple qui a renié sa foi et qui s’est efforcé d’expulser le Messager de ses rangs ! Craindrez-vous ceux qui vous ont provoqué en premier alors que Dieu est plus digne d’être craint si vous avez la foi !?
Pour sûr, je vois bien de mes yeux que vous vous êtes mis à aimer votre confort et avez pris goût au pantouflage. Vous avez isolé et éloigné celui qui est le plus méritant et le plus apte à gouverner et gérer les affaires des musulmans ; puis vous vous êtes laissés aller à la tranquillité et à la conformité dans un coin retiré ; et vous avez fui devant la difficulté et la pression des responsabilités qui sont les vôtres pour aller vous réfugier dans l’indifférence.
Oui, tout ce que vous aviez de foi et de conscience en vous, vous les avez vomis ; avec peine, vous avez fait remonter à la gorge cette eau délicieuse que vous aviez bue ! "Or, si vous êtes incrédules ... Ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre appartient à Dieu. Dieu se suffit à Lui-même ; Il est Digne de louanges." [35]
N’est-il pas que j’ai dit ce que j’ai dit en sachant pertinemment la bassesse qui s’est emparée de vous, la perfidie qui a envahi vos cœurs,
mais ce discours n’est que la catharsis d’une âme meurtrie, l’émanation du for intérieur, l’effusion d’une frustration et la démonstration du bien-fondé de ma cause !
Puisqu’il en est ainsi, ce chameau dominant le troupeau, ce Fadak [36]], je vous le laisse ; il est à vous ! Attachez-vous y fortement et ne le lâchez surtout pas mais soyez certains que ça n’est pas montés sur ce chameau que vous irez bien loin : son dos est blessé et sa patte traîne !
Il porte l’emprunte de la malhonnêteté ! Il est marqué par le sceau de la colère de Dieu ! Le déshonneur l’accompagne pour l’éternité et il est voué à nourrir les flammes du feu de l’enfer qui dévorent jusqu’aux entrailles ! Que faites-vous donc aujourd’hui sous le regard de Dieu ?
"Les injustes connaîtront bientôt le destin vers lequel ils se tournent." [37]
Et moi, je suis la fille d’un avertisseur qui vous a mis en garde contre un terrible châtiment : alors agissez (comme il vous plaira), nous agirons (selon notre devoir divin) et attendez-vous (à la suite), nous l’attendons aussi ! »
Quant aux doutes émis sur l’imputation de ce discours à Fâtima la Resplendissante, ils sont comparables aux allégations courantes lancées à l’encontre du livre La voie de l’Eloquence [38]] et naissent généralement d’une perplexité infondée, souffrant de l’absence de documents et des méthodes critiques du hadîth et de l’histoire. Or, ce discours a été rapporté par des dizaines de documents fiables et on le trouve dans les livres des compagnons les plus anciens. Il fait aussi partie des textes cités par les savants de la famille d’Abi Tâleb, lesquels l’enseignaient à leurs enfants si l’on en croit l’ouvrage Eloquence de femmes d’Abi al-Fadhl Ahmad bin Abi Tâhir. Les livres d’histoire, les sources de rapporteurs et les livres de jurisprudence en donnent des citations depuis les premiers siècles selon leur besoin de documentation et de témoignage. Or, ce discours contient un réquisitoire très vif sur l’usurpation de « Fadak », qui est une toute autre affaire. Mais la vérité est que Fadak était un moyen destiné à servir d’autres objectifs qui en dépassaient l’aspect purement matériel. Son usurpation s’inscrivait dans une politique d’isolement et de paupérisation à l’encontre de ’Ali bin Abi Tâleb, le mari de Fâtima, après le décès du Prophète. Cet objectif apparaît d’ailleurs clairement dans une discussion qui eut lieu entre ’Omar bin ’Abd al-’Aziz, un calife omeyyade arrivé ultérieurement au pouvoir et certains descendants de Fâtima au sujet de la démarcation géographique de Fadak, suite à sa volonté affichée de le leur rendre.
Quant à la requête insistante et à la protestation de cette manière publique et vigoureuse, elles sont un genre de condamnation devant l’opinion publique et l’histoire, pour préserver la vérité manifeste, alors même que la déviation provient du plus haut responsable de l’Etat.

Huitièmement : le jihâd ininterrompu
Dans les lignes de cette introduction, le lecteur a pu remarquer des exemples du jihâd de Fâtima dans la maison de son père, dans la sienne et lors de ses prises de position en faveur ou contre certains événements publics, voire même au sujet de son testament, puisque, de l’empressement pour son inhumation et de l’anonymat de sa tombe, elle a fait deux preuves démontrant sa contestation de la situation générale.
Fâtima a participé en première ligne avec les femmes musulmanes pendant les guerres engagées par les musulmans pour défendre leur foi, leur dignité et leur liberté. Elle a rempli le rôle incombant à toute femme combattante de cette époque : le pansement des blessures, le lavage des vêtements, le soin apporté aux blessés et la préparation de tous les moyens de survie dans la guerre. Mais Fâtima a joué également un rôle évident et difficile dans le soutien à la vérité et la sauvegarde du legs du Prophète quand elle rendait secrètement visite aux compagnons du Prophète et les encourageait à se ranger aux côtés de ’Ali bin Abi Tâleb. Elle se rangea elle-même à ses côtés de façon exemplaire et déterminée, selon le rapport des historiens, pendant les jours les plus sombres de sa vie, affirmant ainsi que le front interne dans la vie de ’Ali était solide et ne connaissait pas de faiblesse. Et on la voit laisser à son guide et mari l’évaluation des circonstances et le choix des positions : il décide, planifie puis il ordonne et il est obéi. La biographie de Fâtima indique qu’elle rendait visite tous les samedis matins au cimetière des martyrs, notamment à la tombe de Hamza, et demandait leur pardon à Dieu. Commencer ainsi les tâches hebdomadaires exprime le degré de l’hommage rendu par Fâtima au jihâd et au martyre, et révèle clairement son éthique de vie, qui commence avec le jihâd et se réclame du jihâd et du sacrifice jusqu’au martyre.

Neuvièmement : Fâtima dans l’abside-mihrab
Hassan bin ’Ali a dit : « J’ai observé ma mère Fâtima, se trouvant dans son abside les veilles de vendredis, continuellement en état de génuflexion et de prosternation, jusqu’à la levée des lueurs de l’aube. Et je l’ai entendue implorer Dieu pour les croyants et croyantes, en les nommant avec d’abondantes oraisons, sans jamais prier pour elle-même ». Selon sa biographie également, Fâtima consacrait la dernière heure du vendredi à la prière. De même, durant la dernière décade du mois béni de Ramadan, elle veillait la nuit et poussait les gens de son foyer à passer la nuit à l’adoration et à la prière. Il lui arrivait de se plaindre de la tuméfaction de ses chevilles en raison de la durée de son adoration pieuse et nocturne du Seigneur. Or, Fâtima a-t-elle jamais quitté l’abside de sa vie ? Sa vie était-elle autre chose qu’une permanente prosternation ? En effet, à la maison, elle adore Dieu en excellant dans l’entretien de son mari et dans l’éducation de ses enfants puisque « la mosquée d’une femme est sa maison ». Quand elle s’adonne au service de la collectivité, elle obéit à Dieu et L’adore au travers de Sa création et de Ses créatures qui forment ensemble la famille divine. Or Sa créature la plus aimée est celle qui est la plus utile à Sa famille : au gré du réconfort qu’elle offrait aux pauvres, aux besogneux et aux malheureux, elle ne faisait en fait qu’adorer Dieu, elle et sa famille, au sens où l’entend cette citation du saint Coran : "et ils offrent la nourriture, bien qu’y étant attachés, au pauvre, à l’orphelin et au prisonnier" [39] et "les préfèrent à eux-mêmes, même s’il y a pénurie chez eux" [40]
 ; et en disant : "C’est pour le visage d’Allah que nous vous nourrissons : nous ne voulons de vous ni récompense, ni gratitude" [41]
, leur objectif est sur leur langue et dans leur cœur. C’est là une page de sa vie et une génuflexion de sa prière.

Dixièmement : l’abondance
Ibrahim, le dernier des trois fils du Prophète, mourut la deuxième année de l’Hégire, laissant le Prophète dépourvu d’héritier, selon le discours préislamique. Les profiteurs hypocrites prirent plaisir à imaginer la disparition du message du Prophète avec sa mort. Car à leurs yeux, le message était un moyen et une propriété, et c’était uniquement à l’enfant mâle que revenait habituellement la continuité de la personnalité de son père, la préservation de sa gloire et de son souvenir : or, Mohammad avait perdu ses enfants mâles à la soixantaine. Mais la révélation divine mit en exergue leur erreur et la fausseté de leur raisonnement en annonçant : "Nous t’avons certes, accordé l’Abondance. Accomplis la prière pour ton Seigneur et sacrifie. Celui qui te hait sera certes, sans postérité." [42] Le message demeure et l’islam perdure, car la gloire de Mohammad est liée à celle de Dieu et son évocation remplit l’éternité. Ses descendants sont les protecteurs du message et les plus fins connaisseurs de la voie de la guidance alors que le profiteur hypocrite est au contraire dépourvu d’héritier.
Aussi Fâtima est-elle l’incarnation de cette abondance car la descendance du Prophète provient d’elle, et ses fils sont les Imâms infaillibles, le second des deux poids que Mohammad confia à sa Nation et qu’il associa l’un à l’autre, le premier étant le saint Coran qu’ils protègent et pour lequel ils se sacrifient. Ces deux poids, le livre et la sainte famille, sont la continuation de Mohammad et de son message ainsi qu’un moyen de préservation de la bonne marche de la Nation sur la ligne droite, sans déviation et sans égarement. C’est là l’éminente position de Fâtima, dont la langue du Messager de Dieu s’est faite l’écho en différents endroits en disant : « Ma descendance est de la filiation de ’Ali et Fâtima », et « Hassan et Hussein mes fils sont deux Imâms », et « Je laisse parmi vous les deux poids : le Livre de Dieu et ma famille. Tant que vous vous y conformerez, vous ne vous égarerez pas car ils ne se dissocieront pas jusqu’à me rejoindre auprès du bassin ».
De plus, sa fille Zaynab a joué un rôle déterminant dans le succès du mouvement hussaynide, pour redonner l’esprit de l’islam à la Nation et pour éradiquer l’oppression, le despotisme et l’égarement, lesquels prétendaient gouverner au nom de l’islam alors qu’il ne restait rien de l’islam si ce n’est le nom. Les prises de position de Zaynab, ses discours, ses devises, son jihâd et sa science sont une image vivante de Fâtima ; c’est ainsi que nous découvrons dans ce qui précède, entre autres choses que nous ne pouvons guère développer dans le cadre de ce résumé, cette immense abondance que Dieu accorda à son Prophète.
C’est là, Fâtima, la fille du plus grand Prophète, l’épouse du plus puissant Imâm et héros, et la mère des deux pousses les plus mûres de l’histoire de l’Imâmat, que nous présente le grand Professeur Solayman Kettaneh dans ce livre littéraire et coloré, qui provient de l’excès de lumière du visage le plus pur qu’ait connu l’histoire de l’islam. Poursuivons donc doucement, avec ce pinceau trempé dans le parfum et la couleur, la lecture du livre, découvrant à chaque page un tableau sublime, puisant entre les lignes et entre les ombres le visage de Fâtima la Resplendissante, brillant, lumineux et pudique.
Notes
[1] Nous traduisons ce groupe nominal par l’expression « Fâtima la Resplendissante » que nous utiliserons par défaut dans le reste du texte. [NdT]
[2] Bourg libanais situé à une trentaine de kilomètres au Nord-est de la capitale Beyrouth. [NdT]
[3] Montagne située dans la Chaîne montagneuse du Liban et culminant à 2628 m. [NdT]
[4] L’auteur fait référence à cette partie des sciences humaines consacrée de nos jours aux questions de « genre », tel le féminisme. [NdT]
[5] Cette allégorie évoque la demeure prophétique, i.e « Ahl al-Bayt » paix sur eux. Selon le commentaire coranique de Tha’labi pour le verset 36 de la sourate La Lumière, on rapporte que le saint Prophète lisait ce verset quand Abou Bakr (un compagnon du Prophète qui deviendra plus tard le premier calife suite au décès de ce dernier) se leva et lui demanda : « Est-ce que ce verset s’applique à la maison de Fâtima et à celle de ’Ali ? » Il répondit : « Oui, c’en est même parmi les meilleurs exemples ». [NdT]
[6] Les usulites sont les savants de l’herméneutique juridique pratiquée en vue de l’obtention de la norme légale de l’islam, un exercice appelé ijtihâd en arabe. [NdT]
[7] قضية حقيقية و قضية خارجية
[8] Cf. sourate Les Romains, verset 21 : "Et parmi Ses signes Il a créé de vous, pour vous, des épouses."
[9] Cf. sourate Les Femmes verset 10 : "Ô hommes ! Craignez votre Seigneur qui vous a créés d’un seul être, et a créé de celui-ci son épouse, et qui de ces deux-là a fait répandre sur la terre beaucoup d’hommes et de femmes."
[10] Terme utilisé dans la sourate L’Abondance et désignant un homme dénué de postérité. [NdT
[11] Cf sourate L’abondance.
[12] بعضهم من بعض
[13] Imposer un travail à l’homme ou à la femme (même par son mari), ou interdire à l’homme ou à la femme de travailler, les séquestrer, ou bloquer leur salaire font partie des grands actes illicites.
[14] Cf sourate La famille de ’Imrân, verset 195 : "En vérité, Je ne laisse pas perdre le bien que quiconque parmi vous a fait, homme ou femme."
[15] Cf sourate Les femmes, verset 32 : "aux hommes la part qu’ils ont acquise, et aux femmes la part qu’elles ont acquise."
[16] Cf sourate L’éprouvée, verset 13 : "Ô Prophète ! Quand les croyantes viennent te prêter serment d’allégeance, en jurant qu’elles n’associeront rien à Allah, qu’elles ne voleront pas, qu’elles ne se livreront pas à l’adultère, qu’elles ne tueront pas leurs propres enfants, qu’elles ne commettront aucune infamie ni avec leurs mains ni avec leurs pieds et qu’elles ne désobéiront pas en ce qui est convenable, alors reçois leur serment d’allégeance, et implore d’Allah le pardon pour elles."
[17] Cf sourate Les femmes, verset 7 : "Aux hommes revient une part de ce qu’ont laissé les père et mère ainsi que les proches ; et aux femmes une part de ce qu’ont laissé les père et mère ainsi que les proches, que ce soit peu ou beaucoup : une part fixée."
[18] Cf sourate La vache, verset 228 : "Les femmes ont des droits équivalents à leurs obligations."
[19] Alors que certains codes civils dans quelques pays civilisés du monde actuel interdisent à la femme mariée la gestion de ses biens.
[20] Le droit de regard du père sur le premier mariage est un droit consultatif, et il ne peut lui imposer un mariage ; et si le père empêchait inconsidérément sa fille de se marier malgré les avantages présentés et la capacité, ce droit se verrait aboli.
[21] Cf sourate Les abeilles, verset 97 ; sourate Les coalisés, verset 35.
[22] Cf sourate La vache, verset 22.
[23] Cf sourate Les femmes, verset 35.
[24] « Nulle institution en islam n’est plus aimée de Dieu que le mariage ».
[25] Le mariage n’est pas un devoir pour elle, pas plus que l’acquittement de ces charges d’après les explications évoquées dans les ouvrages jurisprudentiels. De plus, on s’efforce de mettre en place un environnement lui étant favorable afin qu’elle puisse s’acquitter de cette responsabilité, en obligeant le mari à assurer ses dépenses, pour faciliter cette mission.
[26] Les versets coraniques sont nombreux sur le sujet. Nous en rappelons quelques uns : sourate Les Coalisés, versets 32-33 ; sourate La Lumière, verset 31.
[27] C’est ce qui ressort des narrations de la famille du Prophète et ce qui se rapproche de la coutume observée à propos du mariage précoce des jeunes filles ; on observe que l’âge de Fâtima à son mariage est de dix ans, selon une narration ; mais selon une seconde narration d’Ibn ’Abbâs, sa naissance remonte à cinq ans avant la mission du Prophète, auquel cas elle aurait eu vingt ans lors de son mariage. Quant à l’étonnement suscité par la grossesse et la naissance d’un enfant à l’âge de Khadija à la fin de sa vie, elle s’explique par la durée exceptionnelle de fécondité de la femme quraychite et nabatéenne, qui se prolonge jusqu’à l’âge de soixante ans, un point connu parmi les jurisconsultes.
[28] Sourate La famille de ’Imrân, verset 61 : "A ceux qui te contredisent à son propos, maintenant que tu en es bien informé, tu n’as qu’à dire : « Venez, appelons nos fils et les vôtres, nos femmes et les vôtres, nos propres personnes et les vôtres, puis proférons exécration réciproque en appelant la malédiction de Dieu sur les menteurs."

[29] Cf sourate Les fourmis, verset 16.
[30] Cf sourate Marie, verset 6.
[31] Sourate Les butins, verset 75.
[32] Cf sourate Les femmes, verset 11.
[33] Cf sourate La vache, verset 180.
[34] Cf sourate La famille de ’Imrân, verset 144.
[35] Cf sourate Les femmes, verset 131.
[36] Fadak est une propriété foncière située au Nord de Médine et donnée à Fâtima par le saint Prophète de son vivant. Son usurpation par les califes lui ayant injustement succédé a engendré un contentieux entre les défenseurs de Fâtima acquis à sa cause et le pouvoir califal nouvellement établi. [NdT] Pour justifier son usurpation de Fadak, le premier calife évoqua une fausse narration du prophète Mohammad selon laquelle les prophètes n’héritent pas – narration qui est contredite par le texte même du Coran qui invoque l’héritage de certains prophètes, notamment que "Salomon hérita de David" (27:16). [NdlR
[37] Cf sourate Les poètes, verset 227.
[38] Il s’agit d’un recueil de discours, de correspondances et d’aphorismes rassemblés par Seyyed Radhi et attribués au premier Imâm ’Ali bin Abi Tâlib paix sur lui. [NdT
[39] Cf sourate L’homme, verset 8.
[40] Cf sourate Le rassemblement, verset 9.
[41] Cf sourate L’homme, verset 9
[42] Cf sourate L’abondance.

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