Principes et sources de l’éducation religieuse
Au-delà des principes généraux relatifs à l’enseignement et à l’éducation, chacune des dimensions particulières regardant l’enseignement et l’éducation requiert ses propres principes spécifiques. Le principe essentiel de l’éducation dans le cadre du débat sur l’éducation religieuse, doit tout d’abord être cherché dans la définition même de l’éducation religieuse.
1- Préparation de l’offre permettant d’activer les capacités potentielles de l’individu
L’éducation religieuse a pour sens l’épanouissement, la manifestation et la réalisation des potentialités. C'est-à-dire que la tâche principale de l’éducateur consiste à faire s’épanouir les capacités intérieures de la personne éduquée, il doit lui fournir une base afin qu’il puisse réaliser ce qui se trouve à l’intérieur de lui. L’éducation ne consiste pas simplement en une série d’instructions, de mémorisations et d’imitations. Dans l’éducation, il est également question d’enseignement, aussi nous mettons ces deux notions côte à côte, auprès de celle d’instruction, car l’enseignement est en réalité l’outil permettant d’instruire. L’enseignement est le moyen par lequel les aptitudes de l’enfant épanoui, ses dispositions, vont pouvoir se réaliser, c’est pourquoi on ne peut parler d’enseignement réussi lorsque ce but n’est pas atteint, quand bien même les souvenirs qu’il aurait laissés rempliraient trois cents ramettes de papier. Cette question possède plus d’importance encore lorsqu’il s’agit d’éducation religieuse. L’enseignement des notions et des principes religieux, l’enseignement des choses relatives à l’adoration, aux lois, aux décrets et autres, l’insertion d’un livre de leçons sur les enseignements religieux dans le programme scolaire, constitueraient une base pour qu’au terme de cinq années par exemple, on atteigne à un grade, fondé sur l’âge qui serait tel une introduction à la connaissance de la divinité, de l’état de serviteur et des relations entre le serviteur et son Maître. Cet enseignement pourrait être considéré comme un succès et on pourrait dire : « Ici, on fait de l’instruction religieuse ! » Si l’enfant, le jeune homme, atteint ce stade de l’éducation, il continuera seul dans l’avenir, et si d’aventure cela se passe autrement et qu’en fin de compte certains souvenirs soient oubliés après un certain temps, il faudra trouver un autre expédient. Bien entendu, il ne s’agit pas alors de supprimer ces enseignements, qui ne s’oublient pas tous, mais il faut garder son attention sur le fait que l’enseignement est le moyen d’éduquer. Notre discours concerne la bonne manière d’enseigner, la méthode logique d’éducation. Plus clairement, et dans le cadre d’une analyse exacte, nous disons que si l’élève ayant étudié plusieurs années consécutives, a progressé au niveau de la connaissance de soi au point de connaître Dieu, il doit être considéré comme ayant réussi au regard de ses leçons sur les enseignements religieux, même si ses notes sont faibles dans les matières concernées, et dans le cas contraire, s’il a bien appris d’autres choses par cœur et a de bonnes notes mais n’a pas progressé dans son rapport à Dieu et dans sa compréhension du monde de l’existence, il faut le considérer comme faible dans cette matière. En bref, parmi les principales méthodes d’éducation religieuse se trouve le fait qu’au lieu d’insister sur la quantité de ce qui aura été appris par cœur comme le font les perroquets, nous nous efforçons de faire s’épanouir la nature essentielle que Dieu a placé en nous.
2- Considérations sur la croissance des enfants et des adolescents concernant les dimensions cognitives et sensibles, et influence de l’âge sur ces questions
Ce qui est certain, c’est que toutes les notions et sujets auxquels ont accès les jeunes et les adultes ne peuvent être proposés aux enfants et aux adolescents. La plupart des notions abstraites n’ont de sens qu’à un âge avancé et c’est pourquoi le fait de les proposer frontalement aux enfants et aux adolescents n’est rien d’autre qu’une perte de temps et n’occasionne que des effets négatifs. Bien sûr, on a fait preuve d’excès et d’intempérance à ce sujet. A titre d’exemple, Rousseau croyait que les notions de Créateur, de Dieu exalté n’ont aucun sens pour un être humain de moins de quinze ans, et que le fait de les suggérer provoque de l’idolâtrie, tandis que Kant conseillait d’en retarder l’enseignement. Passons sur la détermination du moment précis auquel chaque notion peut être comprise. Ce qui est important regardant l’éducation religieuse, c’est le fait que l’on puisse, et que l’on doit utiliser les capacités cognitives et sensibles présentent à chaque âge, en vue de les faire croître au fur et à mesure des années. Par exemple, concernant la croissance sensible, il faut prendre en compte le rapport de l’enfant à la mère, les sensations qui en découlent, l’attachement de l’enfant. Durant un certain temps, ces sensations ne sont présentes qu’entre l’enfant et la mère, or petit à petit, sous l’effet de la maturité sociale, des rapports s’instaurent entre l’enfant et ceux de son âge, certains groupes sociaux, puis d’autres. Ces sensations qui en dépendent croissent si bien dans la bonne voie que, accompagnées ensuite par la capacité cognitive de l’enfant, elles lui permettent d’utiliser ces sensations dans le cadre de sa relation à la source même des capacités et des sensations, à savoir Dieu. On peut trouver un autre exemple concernant le rapport aux notions relatives à la causalité. A la fin de l’enfance (ce qu’on appelle la troisième enfance), c'est-à-dire de sept ans environ à douze ans, l’enfant arrive à un état de curiosité à dessein et comprend mieux certaines notions comme la causalité. Cette capacité est pour l’éducateur la meilleure opportunité d’expliquer dans la langue enfantine le rapport de l’enfant à son Dieu. Il est également nécessaire de tenir compte du fait que, si les enchainements religieux et spirituels durant l’enfance sont superficiels et ne se trouvent pas renforcés par une connaissance suffisante et convenant à cet âge, l’enfant se trouvera au moment de l’adolescence en proie au doute et aux incertitudes propres à cette période, ce qui aboutit parfois aux conflits intérieurs et aux révoltes de l’adolescence. L’adolescent désire se mettre en quête des notions religieuses par le raisonnement et les comprendre par lui-même. Si les prérequis n’ont pas été fournis lors de la période précédente, cela posera donc un problème à l’adolescence.
3- Au sujet de la relation entre éducation religieuse et habitude
Il est vrai que l’attention portée au facteur de l’âge et aux capacités et limites inhérentes à chaque cycle exige le respect d’une méthode et d’un moment précis pour l’enseignement des notions religieuses, or, il ne s’agit pas de suspendre absolument tout contact avec les notions propres aux cycles futurs. Les capacités corporelles et de mouvements, s’accompagnant de la croissance cognitive et sensible des enfants lors des premiers cycles de l’enfance, leurs permettent d’accomplir certains devoirs, bien que sous une forme simplifiée et partielle, afin qu’au moment où ces devoirs deviennent effectifs, cela ne soit pas trop dur pour eux. C’est pourquoi les hadiths islamiques encouragent l’accomplissement de la prière dès l’âge de sept ans. Effectivement, si la conduite enfantine, qui n’est pas suivie par la faculté cognitive, prend la forme d’une habitude obscure, accomplie sans conscience, et n’est pas soutenue par la croissance cognitive, cette conduite sera dénuée de valeur et l’on ne notera aucun point positif dans la ligne de l’éducation religieuse. L’accomplissement de devoirs religieux à durant l’enfance n’est fait que pour préparer les périodes suivantes, et il est nécessaire que cela soit accompagné du progrès de l’enfant et se poursuive avec le soutien de la connaissance. Imaginons qu’un adolescent se mette aujourd’hui en quête des raisonnements propres à l’adolescence et qu’en même temps il soit resté comme un petit enfant du fait qu’il se soit lui-même occupé de son éducation religieuse…
4- Au sujet de la croissance intellectuelle de l’enfant, du rôle de l’intelligence et de l’argumentation dans l’éducation religieuse
Il a été dit que le but principal de l’éducation religieuse se doit d’être l’épanouissement de la nature divine de l’enfant (fitra). Dans cette voie, l’enseignement constitue un moyen permettant à l’éducateur de présenter les notions et les questions nécessaires à l’avancement sur ce chemin. Tant que cet enseignement représente un moyen fécond d’épanouissement des dispositions intérieures, il a de la valeur et reste digne d’attention, or si pour des raisons diverses, comme l’enseignement excessif ou une méthode inappropriée d’enseignement, et/ou dans le cas où le but de l’enseignement s’éloignerait du principe d’épanouissement, il prendrait un tour négatif. Parmi les dangers qui guettent un tel enseignement se trouve le fait de rabaisser l’élève ou celui de mettre des obstacles sur la voie de sa croissance intellectuelle. Le grand martyr, défunt Professeur Motaharî (r) se saisissant de l’ordre de l’Emir des croyants disant dans le Nahj al-Balâgha : « Cette question que la croissance intellectuelle doit se retrouver dans les individus et dans la société, ce qui veut dire que la faculté d’analyse doit progresser, est une question importante. » (Nahj al-Balâgha, sagesse n° 331), ajoute : « Dans l’enseignement et l’éducation, il faut laisser à l’étudiant le loisir de réfléchir et il faut l’y encourager. »
5- Rôle du modèle dans l’éducation religieuse
Les deux débats que sont l’identification en psychologie, et la socialisation en sociologie, nous montrent que dès que les enfants commencent à se mouvoir et à se socialiser, dès qu’ils entrent en contact avec les autres, ils se cherchent eux-mêmes des modèles afin de les imiter. L’enfant, et plus particulièrement l’adolescent, s’efforce, par le principe même de l’identification, de se choisir des modèles et forme son comportement à partir de ceux-ci. Il s’agit là d’une disposition naturelle de l’être humain. L’être humain est forcé d’avoir un modèle et l’on imagine que c’est ce que dit ce verset : « Vous avez, dans le Prophète de Dieu, un bel exemple. » (1) (Al-Ahzâb (Les coalisés) ; 33 : 21). Concernant l’éducation religieuse, les premiers modèles des enfants et des adolescents sont leurs parents et leurs éducateurs. Le comportement de l’éducateur instruit l’élève avant même son discours ; avant d’avoir les yeux rivés sur les lèvres de l’éducateur, l’élève observe son comportement et compare ce qu’il dit à la manière dont il se comporte. Il y a là un débat important en soi, qui demande cependant à être détaillé dans un autre article.
Note :
1 Traduction Denise Masson.
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