Quel est le sens du mot‘ah (mariage temporaire) ?
Quel est le sens du mot‘ah (mariage temporaire) et pourquoi les chiites le considèrent-ils comme licite?
Réponse:
Le mariage est une union entre l’épouse et le mari. Il arrive que cette union soit définitive, dans ce cas, aucune limite de temps n’est spécifiée dans le contrat, il se peut aussi qu'elle soit temporaire et d'une durée déterminée.
Il s'agit de deux formes de mariages légaux islamiques. Leur seule différence réside dans leur durée. Les clauses suivantes sont valables à la fois, dans le mariage temporaire et dans le mariage permanent:
1- Il ne doit pas y avoir d’obstacles légaux au mariage comme par exemple, une parenté directe ou indirecte, qui annulerait le contrat.
2- La somme (ou la description des biens, offerts à la femme) et satisfaisant les deux parties, doit être inscrite dans le contrat.
3- La durée du mariage doit être déterminée.
4- Un contrat légal doit être exécuté.
5- les enfants nés de ce mariage sont légitimes comme les enfants nés d'un mariage permanent, et ont le droit d'être inscrits à l'état civil et de recevoir un acte d’identité. A ce sujet, il n’existe aucune différence entre le contrat de mariage permanent et temporaire.
6- Les enfants sont à la charge du père et héritent de leur père et de leur mère.
7- Lorsque la durée du mariage touche à sa fin, si la femme n’est pas ménopausée, il faut observer le délai légal d'attente et si durant ce délai, la femme voit qu'elle est enceinte, elle doit s’abstenir de toute sorte de mariage jusqu’au terme de la grossesse.
De la même façon, les autres règles du mariage permanent doivent être respectées dans le mariage temporaire. La seule différence est que les dépenses de la femme ne sont pas à la charge du mari et si la femme, au moment du contrat, ne mentionne pas la condition d’héritage, elle n’héritera pas de son mari. Ces deux différences n’ont pas d’influence sur la nature du mariage.
Nous sommes tous certains que la religion islamique est un ensemble de lois permanentes qui répondent à tous les besoins de la société. Si un jeune pour ses études, par exemple, doit résider de longues années, dans un pays étranger ou une ville lointaine, ou n'a pas les moyens financiers d'accéder au mariage permanent, il ne lui reste que trois solutions:
a. Rester célibataire.
b. Tomber dans la prostitution ou le péché
c. Epouser selon les règles citées, une femme avec qui l'union est permise légalement, pour une durée déterminée.
Au sujet du premier cas, il faut dire qu'on se trouve le plus souvent, face à un échec, car renoncer à tout acte sexuel, patienter et endurer, est pratiquement irréalisable, et est une voie qui ne peut être choisie par tout le monde.
Ceux qui ont choisi la seconde voie tombent dans la corruption et la misère morale. Du point de vue de l’islam ce sont des actes interdits (harâm), et approuver cela sous prétexte de nécessité, est une déviation intellectuelle et morale.
Par conséquent, seule la troisième solution est conseillée par l’islam comme elle l'était du temps du Prophète –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille– avant de devenir après lui, un sujet de divergences.
Nous sommes contraints de rappeler à ceux qui craignent que le mariage temporaire soit illicite, de prêter attention au fait que l’ensemble des juristes et des savants musulmans ont reconnu que son équivalent, du point de vue de la raison, dans le mariage permanent, est conclu par les conjoints avec la probabilité d'un divorce tout de suite après le mariage.
Il est clair qu’une telle alliance n'est permanente qu'en apparence et qu'en réalité, il s'agit aussi d'une alliance temporaire. La différence entre le type de mariage permanent et le mariage temporaire est que ce dernier est temporaire tant en apparence qu’en réalité, alors que le type de mariage permanent est permanent en apparence mais temporaire en réalité.
Comment se fait-il que ceux qui autorisent le mariage permanent, qui est reconnu par tous les juristes musulmans, craignent de légaliser et d’autoriser le mariage temporaire?
Nous avons présenté le mariage temporaire, présentons maintenant les preuves de son caractère licite et légal, en deux étapes:
1. Le caractère licite du mariage temporaire à l’aube de l’islam.
2. L’abrogation de ce décret à l’époque du Prophète de Dieu –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille–.
La preuve évidente du caractère licite du mariage temporaire est le verset:
﴿فَمَا اسْتَمْتَعْتُمْ بِهِ مِنْهُنَّ قآتوهُنَّ أجُوُرَهُنَّ فَرِيْضَةً﴾ (1)
«Versez le douaire prescrit aux femmes dont vous aurez joui».
Les termes de ce verset sont une preuve évidente de l'existence en islam, du mariage temporaire:
Premièrement: Le terme istimtâ‘ (استمتاع) (2)a apparemment été employé au sujet du mariage temporaire car s’il s’agissait du mariage permanent, le contexte l'aurait précisé.
Deuxièmement: Le terme odjûrahonna (اُجُورَهُنَّ) a été employé dans le sens de «leur salaire» qui constitue une preuve évidente qu'il s'agit du mot‘ah (mariage temporaire) car au sujet du mariage permanent on emploie le terme de mahriyah (مهريه) ou sadâq (صداق).
Troisièmement: Les exégètes chiites et sunnites ont écrit que ce verset a été révélé au sujet du mariage temporaire.
Dans son commentaire Dorr al-Manthûr, Djalâl od-Dîn Soyûtî a rapporté de Ibn Djarîr et de As-Soddî, que le verset ci-dessus concernait le mariage temporaire. (3)
Abû Dja‘far Mohammad ibn Djarîr Tabarî, dans son commentaire, a rapporté de As-Soddî, Modjâhid et Ibn Abbâs que ce verset concernait le mariage temporaire. (4)
Quatrièmement: Les compilateurs de Hadith justes et dotés de chaînes de transmission fiables, ont également reconnu cela. A titre d’exemple, Moslim ibn Hajâj, dans son Sahîh, rapporte de Djâbir ibn ‘Abd Allâh et de Salama ibn Akwa:
»خرج علينا منادي رسول الله صَلَّى الله عليه (وآله) وَسلَّم فقال إنَّ رسول الله قد أذن لكم أن تستمتعوا؛ يعني متعة النِّساء (5) «
«Le porte-parole du Prophète de Dieu –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille– est venu à nous et a dit: «Le Prophète de Dieu vous donne l’autorisation du istimtâ‘ (استمتاع) c’est à dire de jouir des femmes temporairement».
Les Hadith fiables dans ce domaine, dotés de chaînes correctes de transmission, sont trop nombreux pour être insérés dans ce livre. Par conséquent, nous retiendrons que le caractère licite du mariage temporaire à l’aube de l’islam et à l’époque du Noble Prophète –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille– est l’objet du consensus des savants et des commentateurs musulmans. (6)
Est-ce que le sens du verset du mot‘ah, a été abrogé?
On trouvera peu de gens qui doutent du caractère licite du mariage temporaire à l’époque du Prophète de Dieu –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille– mais les avis sont différents à propos de la permanence ou de l'abrogation de ce décret.
Le Hadith et l’Histoire de l’islam indiquent que l'application de ce décret divin était courante chez les musulmans jusqu’à l'époque du second calife qui l'a prohibé.
Moslim ibn Hajâj, dans son Sahîh, rapporte qu'Ibn Abbâs et Ibn Zobayr étaient en désaccord au sujet de l'interprétation du mot mot‘ah (pour la femme ou le Pèlerinage). Djâbir ibn ‘Abd Allâh a dit:
»فعلناهما مع رسول الله صَلَّى الله عليه (وآله) وَسلَّم ثمَّ نهانا عنهما عمر فلم نعد لهما«(7)
«Nous accomplissions les deux comme le Prophète –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille– nous l'avait enseigné, c'est ‘Omar qui les a interdits ensuite et nous ne les avons plus accomplis».
Djalâl od-Dîn Soyûtî a rapporté dans son commentaire, de ‘Abdol-Razzâq et d'Ibn Djarîr, eux-mêmes le rapportant de Hakam, qu’il lui avait été demandé si le verset du mot‘ah avait été abrogé. Il avait répondu «non» et Alî –les bénédictions de Dieu soient sur lui– a dit:
»لولا انّ عمر نهی عن المتعة ما زنی الاّشقيّ (8) «
«Si ‘Omar ne s’était pas opposé au mot‘ah, personne ne serait tombé dans la fornication, hormis un misérable».
Alî ibn Mohammad Qûchtchî a dit également: «‘Omar ibn Khattâb a dit en chaire:
»ايّها الناس ثلاث كنّ على عهد رسول الله أنا أنهى عنهنّ وأحرّمهنّ وأعاقب عليهنّ وهى متعة النّساء ومتعة الحجّ وحيّ على خير العمل(9) «
«Il y avait trois choses permises au temps de l’Envoyé de Dieu que j’interdis aujourd’hui, en condamnant ceux qui les accomplissent. Ce sont le «mot‘ah des femmes», le «mot‘ah du Pèlerinage» et le fait de dire «Hayya ‘alâ khayril ‘amal, dans l’adhan».
Les Hadith à ce sujet sont trop nombreux pour être rapportés ici. (10)
Le mariage temporaire fait partie des différentes sortes de contrats de mariage, permanent ou temporaire. Une femme avec laquelle est contractée une union temporaire, devient l'épouse légitime de l'homme, et son mari devient l’époux légitime de cette femme. Un tel mariage est concerné par tous les versets relatifs au mariage.
Le Coran déclare:
﴿وَالَّذِيْنَ هُمْ لِفُرُوجِهِمْ حافِظُونَ اِلاَّ على اَزْواجِهِمْ اَوْ ما مَلَكَتْ اَيْمانُهُمْ﴾(11)
«...ceux qui se contentent de leurs rapports avec leurs épouses et leurs captives».
Une femme mariée selon un contrat temporaire dans le cadre légal, fait partie des femmes concernées par le terme coranique اُزواجِهِمْ qui concerne aussi bien l’épouse par union temporaire que l'épouse par union permanente.
Le verset de la sourate «Al-Mo’minûn» autorise les rapports sexuels avec les épouses et les servantes (esclaves) mais une femme qui s'engage dans une union temporaire fait elle, partie du groupe des épouses.
Le discours de ceux qui considèrent que le verset de la sourate «Al-Mo’minûn» abroge le verset du mot‘ah de la sourate «An-Nisâ’», est stupéfiant. Nous savons tous qu'un verset abrogateur, doit avoir été révélé après le verset abrogé, or dans ce cas, c'est le contraire car la sourate «Al-Mo’minûn» (qui est censée abroger) est mecquoise, c’est à dire révélée à la Mecque, avant que le Noble Prophète –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille– n'émigre à Médine, et le verset de la sourate «An-Nisâ’» sur le mot‘ah (mariage provisoire) a été révélé à de Médine, après l’émigration du Prophète –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille–
Comment un verset révélé à la Mecque peut-il abroger un verset qui sera révélé ultérieurement à Médine?
Une autre preuve évidente de l'absence d'abrogation du verset du mot‘ah au temps du Prophète –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille– est la multitude de Hadith qui dénient son abrogation au temps du Prophète –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille–, comme le Hadith que Djalâl od-Dîn Soyûtî rapporte dans le Dorr al-Manthûr, et dont l’explication a été donnée auparavant. (12)
Rappelons que les Imams des Gens de la Demeure prophétique –les bénédictions de Dieu soient sur eux– qui, par le décret du Hadith «al-Thaqalayn» (les deux trésors), sont les Guides de la communauté et inséparables du Coran, ont confirmé le caractère licite et définitif du mariage temporaire. (13)
De plus, la légitimité d’un tel mariage, dans le respect des conditions citées, confirme la capacité qu’a l’islam, à toute époque, de régler les problèmes de la société. Aujourd’hui, la meilleure protection de la jeunesse contre les perversions et la corruption morale, est le mariage temporaire, dans le respect de ses conditions et de ses clauses.
Notes :
1-Sourate «Nisâ’» 4:24.
2-Même racine que Mot‘ah, exprimant l’aspect provisoire.
3-Ad-Dorr al-Manthûr, Vol.2, p.140, suite du verset cité.
4-Djâmi‘ al-Bayân fî Tafsîr al-Qor’ân, 5ème partie, p.9.
5-Sahîh de Moslim, 4ème partie, p.130. Edition égyptienne.
6-Quelques références à titre d’exemple: Sahîh Bokhârî, Chap. du «تمتّع». Mosnad Ahmad, Vol.4, p.436 et Vol.3, p.356. Al-Mowattâ’a (Mâlik), Vol.2, p.30. Sonan Beyhaqî, Vol.7, p.306. Tafsîr Tabarî, Vol.5, p.9. La Nihâyah d’ Ibn Athîr, Vol.2, p.249. Tafsîr Râzî, Vol.3, p.201. Târîkh d’ Ibn Khalkân, Vol.1, p.359. Ahkâm al-Qor’ân (Djassâs), Vol.2, p.178. Mohâdhirât de Râghib, Vol.2, p.94. Al-Djâmi‘ al-Kabîr (Soyûtî), Vol.8, p.293. Le Fath al-Bârî d’ Ibn Hadjar, Vol.9, p.141.
7-Sonan Beyhaqî, Vol.7, p.206. Sahîh de Moslim, Vol.1, p.395.
8-Ad-Dorr al-Manthûr, Vol.2, p.140, à la suite du verset du mot‘ah.
9-Charh Tadjrîd de Qûchtchî, discussion sur l’Imâmat, p.484.
10-Pour plus de détails, référez-vous au:
Mosnad d’ Ahmad, Vol.3, p. 356 et 363. Al-Bayân wa at-Tabiyyîn (Djâhiz), Vol.2, p.223. Ahkâm al-Qor’ân (Djassâs), Vol.1, p.342. Tafsîr Qortobî, Vol.2, p.370. Al-Mabsût (Sarakhsî Nadjafî), chapitre sur le Hadj et le Qor’ân. Zâd al-Ma‘âd (Ibn Qayyim), Vol.1, p.444. Kanz al-‘Amâl, Vol.8, p.293. Le Mosnad d’ Abû Dâwûd Tayâlisî, p.247. Târîkh Tabarî, Vol.5, p.32. Al-Mostabîn (Tabarî), 11. Tafsîr Râzî, Vol.3, p.200 à 202. Tafsîr Abû Hayyân, Vol.3, p.218.
11-Sourate «Al-Mo’minûn» 23: 5 et 6.
12-Ad-Dorr al-Manthûr, Vol.2, p.140 et 141, sur le verset du mot‘ah.
13-Wasâ’il och-Chî‘ah, Vol.14, Livre du mariage, Première partie du chapitre consacré au mot‘ah, p.436.
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