Le lien entre le sceau de la prophétie et l’Imâmat

Selon le chiisme, les mêmes causes qui ont conduit à l'envoi des prophètes et à l’apparition du phénomène de la révélation des Livres célestes de la part de Dieu se poursuivent à travers la présence de l’Imâm. Pour cette raison, la plupart des fonctions et charges afférentes au Prophète (s) en son temps ont été transférées aux Imâms (as) après sa disparition physique de la société musulmane, exception faite des fonctions personnelles du Prophète (s) car tout le monde, y compris les Imâms eux-mêmes, est d’accord pour dire que personne n’a égalé ni n’égalera l’Envoyé de Dieu (s) dans la perfection et la proximité à Dieu. Cependant, il est clair qu’avec l’annonce coranique qualifiant le Prophète (s) de sceau de la fonction prophétique (khâtam al-nabiyyîn) et après la disparition du prophète Muhammad (s), plus jamais aucune autre Loi divine ne sera révélée aux hommes car la fonction prophétique est scellée, close à jamais.

Dieu a annoncé, dans le Coran, la fin de la fonction prophétique en ces termes :

« Muhammad n’a jamais été le père de l’un de vos hommes, mais le messager d’Allah et le dernier des prophètes. Allah est Omniscient. . » (Al-Ahzâb (Les coalisés) ; 33 : 40).

Par conséquent, après la Loi de l’islam, aucun prophète, aucune loi, aucun autre message céleste à caractère légal ne viendra plus du Ciel et la prophétie de l’Envoyé de Dieu est celle qui met fin à la chaîne des prophètes, au cycle prophétique. C’est là un dogme qui fait l’unanimité parmi les musulmans de toutes les confessions qu’ils soient, et est considéré comme indissociable de la définition même de l’islam. Le renier revient à renier la religion et la prophétie du Messager de Dieu (s). Par conséquent, après la disparition du Prophète (s), la "descente" de la révélation a été interrompue à tout jamais. « Le sceau de la prophétie » signifie donc que plus aucun prophète ne viendra et que personne ne pourra recevoir une révélation à caractère légiférant. Personne n’apportera un statut nouveau, un nouvel interdit (harâm), une permission nouvelle (halâl) ou une obligation nouvelle. Dans l'un des discours de 'Alî ibn abî Tâlib (as), rapporté dans le Nahj al-Balâghah, on peut lire : « Avec ta mort, s’est interrompu à tout jamais ce qui ne s’est pas interrompu par la mort d’un autre que toi, dans le domaine de la prophétie, des annonces et des informations provenant du Ciel » (Sermon numéro 235, de l’édition de Sobhi Sâlih). Cela signifie qu’il n’y aura plus d’archange qui sera chargé d’apporter la révélation car, il est dit dans le Coran : « Aujourd’hui J’ai parachevé pour vous votre religion, parfait pour vous Mon bienfait en agréant pour vous l’islam comme religion. » (Al-Mâ'ida (La table servie) ; 5 : 3).

Avec l’annonce de la wilâya en la personne de l’Imâm 'Alî (as), la religion a atteint sa perfection. Le mot wahy qui signifie révélation en arabe, possède plusieurs significations. Celle qui est visée ici est celle de la révélation d’un Livre céleste. Les autres sens du mot wahy, que l’on trouve aussi dans le Coran, ne sont pas concernés par l’interruption qui concerne la prophétie. Des hommes et des femmes peuvent toujours recevoir à titre personnel et en fonction de leur aptitude et de leurs qualités spirituelles, des informations par l’intuition ou par les rêves prémonitoires. Cela concerne généralement les Imâms impeccables ainsi que Fâtima al-Zahrâ, la fille bien-aimée de l’Envoyé de Dieu et la mère des Imâms (as), mais aussi les saints et les saintes de l’Oumma musulmane. Quand on demandait aux Imâms d’où est-ce qu’ils tenaient tout leur savoir, ils répondaient parfois : "D’un livre que notre mère Fatima al-Zahrâ avait dicté à son époux, l’Imâm 'Alî". Il est tout à fait normal que la fille du Prophète transmette des informations concernant l’islam, elle dont le Coran témoigne de la pureté exemplaire.

Personne, après le Prophète (s) ne pourra donc prétendre avoir reçu la révélation et vouloir la propager. Même les Imâms du chiisme qui partagent avec le Prophète de nombreuses charges, se voient interdire cette position de prophète. Encore une fois, ce qui est visé par le mot révélation est la révélation prophétique, et non l’inspiration, le fait de percevoir des signes, qui concernent aussi les Imâms (as).

Les fonctions et les charges du Prophète Muhammad (s), et le rôle spécifique des Imâms (as) après lui

Sans aucun doute, le Noble Prophète (s) a, au cours des 23 années qu’a duré sa mission, exercé des fonctions et occupé des charges nombreuses pour organiser la nouvelle religion parmi la toute nouvelle communauté de croyants. Certaines de ses fonctions et charges n’avaient pas besoin de lui survivre, comme de recevoir et de propager la révélation. D’autres fonctions devaient être exercées même après sa mort, de façon à continuer et enraciner l’œuvre commencée. Elles consistent en :

    L’exégèse et l’explicitation de la révélation de façon à en faire connaître les buts et les intentions.
    L’explicitation des statuts concernant les cas nouveaux qui apparaissent dans le domaine des devoirs et statuts concernant l’individu et la société des musulmans dans son ensemble.
    Assurer la défense de l’islam en répondant aux questions pernicieuses des adversaires de l’islam et en montrant la légitimité de cette religion.
    La protection et la défense des enseignements de la religion de façon à en assurer la survie et la protéger contre l’intrusion de la déviation et des innovations.
    L’arbitrage et le jugement dans les différends qui opposent les musulmans entre eux et l’application des peines et des lois divines en général.
    Le gouvernement et la direction du peuple dans tous les domaines sociaux et politiques.

La question principale qui se pose ici est la suivante : à part la transmission de la révélation qui est spécifique aux prophètes, qu'adviendra-t-il des autres missions que nous venons de citer après le Prophète (s) ? Est-ce que le Législateur a prévu dans le texte coranique des clauses pour les imposer ? Ou bien a-t-Il laissé cela à la discrétion de la communauté musulmane ? Les faits, les sources historiques font état de différends graves entre les commentateurs au sujet de l’exégèse de certains versets coraniques, de divergences sérieuses entre les musulmans au sujet des statuts pratiques et même au sujet de l’interprétation de la tradition du Prophète (s), de confusions destructrices à propos des croyances de l’islam et de la diffusion de dizaines de milliers de traditions forgées, etc. Tout cela exprime cette réalité que la communauté musulmane a besoin, d’une part, que les missions mentionnées précédemment soient continuées après la disparition de l’Envoyé de Dieu (s), et d’autre part, que la communauté elle-même, sans aide divine, ne pourra jamais seule apporter de réponse à ses besoins.

Nous sommes face à deux possibilités :

La première serait de dire que Dieu, bien que sachant que la communauté musulmane est incapable de subvenir à tous ses besoins, l’a quand même laissé décider de ses propres affaires. Cette possibilité est manifestement erronée car, cela impliquerait que Dieu le Sage contredise Son intention de guidance en parachevant la religion et en clôturant définitivement le cycle de la prophétie. Une telle décision ne peut être attribuée à un Etre Sage par essence.

La deuxième possibilité est d’admettre que Dieu Omniscient, afin de préserver la Sharî’a, de la protéger de la déviation et de la falsification et pour la poursuite de la guidance des peuples, a fait connaître aux adeptes de l’islam des personnes compétentes et infaillibles, afin qu’après le Prophète (s), elles prennent en charge la responsabilité et les attributions mentionnées. Il est évident que cette hypothèse est fondée et logique. Il s’ensuit que l’Imâmat n’est rien d’autre que la voie de la continuité des attributions et des charges de la prophétie. La position de l'Imâm est celle de la concrétisation et de l’identification exacte des objectifs de la prophétie. Mais qui sont ces personnes ; quelles sont les conditions et quelles qualités sont requises d’elles pour pouvoir être à même d’assurer cette continuité ? Sans doute, personne, sinon des personnes infaillibles, les plus vertueuses et les plus savantes désignées par Dieu Lui-même, ne possède les conditions pour accepter cette lourde responsabilité divine. Selon la parole divine: « Mon pacte ne s’étend pas aux injustes » (Al-Baqara (La vache) ; 2 : 124)

Les degrés et les attributions de l’Imâmat

Les Imâms du chiisme (as) ont en charge toutes les responsabilités du Prophète (s), excepté la station -  spécifique à la prophétie - de la « descente’’, de la réception et de la communication de la révélation divine, car ce sont les successeurs réels et en droit du Grand Prophète (s), mais n’héritent pas de la prophétie.

1. La sagesse politique et la direction de la communauté

La question du leadership de la communauté qui fut une des attributions principales du Prophète (s) à l’unanimité des sunnites et des chiites et de toute personne raisonnable, ne devait pas être abandonnée à elle-même, sans réponse. « Il faut un chef pour les hommes, qu’il soit un homme juste ou injuste. » Le chiisme, contrairement au sunnisme, considère qu’un tel homme doit être infaillible et désigné par Dieu.

2. La direction religieuse

C’est l’attribution la plus importante, la plus authentique de l’Imâm (as). C’est une sorte d’expertise véritable de l’islam chargée d’expliciter et de commenter justement et parfaitement la Révélation et qui est à l’abri de toute erreur ou égarement. La raison en est qu’il tient son impeccabilité de Dieu et qu’il tient aussi sa science de Dieu et du Noble Prophète, par d’autres voies exceptionnelles. Ainsi, l’élément le plus déterminant dans la perfection et le parachèvement de la religion et du caractère final du cycle de la prophétie dans l’islam est l’existence d’Imâms qui accomplissent fidèlement les charges de l’apostolat islamique et tiennent lieu de référents en matière religieuse. Ils apportent des réponses aux demandes réelles de la société musulmane.

3. La gouvernance spirituelle et ésotérique

Ce degré représente le point le plus élevé de la fonction de l’Imâm, à savoir la croyance en l’existence d’un Homme Parfait qui est « porteur de la spiritualité humaine tout entière » et le pôle et l’axe du monde créé. Par conséquent, il est impossible que la terre soit dépourvue un seul instant de la Preuve de Dieu et de l’Homme Parfait car selon les traditions, si l’Argument de Dieu et si l’Homme Parfait disparaissaient de la terre, cette dernière « avalerait » tout ce qui vit sur elle, c'est-à-dire qu’elle s’effondrerait sur elle-même, comme si elle perdait son âme. C’est une doctrine qui est au cœur de la vraie religion : le monde a été créé en vue d’une mission qui lui a été assignée par Dieu. Si le monde rejette l’Ordre voulu par Dieu, Dieu lui enlèvera sa raison d’être et le réduira à un désert.

On en conclut que l’annonce de la fin du cycle de la prophétie ne signifie pas la fin de toute guidance et un "abandon" de l'homme à lui-même, bien au contraire. Car la présence des Imâms infaillibles garantit désormais la pérennité des enseignements du Prophète (s) et garantit aussi et surtout, la présence d’un représentant de Dieu sur terre jusqu’à la fin du monde.

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