Les qualités de Son Excellence ‘Isâ (as) selon le Coran (3)

IX. 'Isâ (1) fait partie des prophètes ‘Ûlû al-‛azm (2)
D’après l’interprétation de la notion de prophètes ‘Ûlû al-‛azm qui désigne les individus qui, en plus de détenir un Livre, possèdent une Loi, Son Excellence le Masîh (3) (as) est donc l’un d’entre eux. Il est dit : « Il a établi pour vous, en fait d’obligations religieuses, ce qu’Il avait prescrit à Noé (4)  ; ce que Nous te révélons [Ô Prophète] et ce que Nous avions prescrit à Abraham (5) , à Moïse (6) et à Jésus... » (sourate Al-Shûrâ (La consultation) ; 42 : 13). Le passage : « Il a établi pour vous, en fait d’obligations religieuses, ce qu’Il avait prescrit à Noé » se rapporte à ce que « Dieu le Très-Haut vous a exposé et expliqué à propos de la religion – qui est la sunna de la vie –, et qui a précédemment été exposé à Nûh (7) (as) avec soin et importance ». Avec ce message, nous pouvons aisément comprendre que ce verset s’adresse à l’Envoyé de Dieu (s) et à sa communauté et que l’objet de « ce qu’Il avait prescrit à Noé », est la Loi de Nûh (as). Dans la phrase : « ce que Nous te révélons », il est une véritable comparaison entre Nûh (as) et l’Envoyé de Dieu (s). Cette comparaison montre visiblement que ce qui a été révélé à l’Envoyé de Dieu (s), ce sont des connaissances et des décrets qui sont propres à sa Loi. Or, s’il est dit à son propos : awhaynâ ilayka / أوحينا إليك / Nous te révélons, alors que cette expression n’est pas employée pour les Lois de Nûh (as) et d’Ibrâhîm (8) (as) pour lesquelles il est question de prescription, c’est parce que l’emploi du mot « prescrit », comme nous l’avons dit, a lieu lorsque l’on veut recommander une chose particulièrement entre plusieurs, qui fait l’objet de notre soin et de notre attention. Cela est conforme aux Lois de Nûh (as) et d’Ibrâhîm (as) qui n’outrepassent pas ces quelques décrets, parce que seuls quelques articles de ces Lois qui revêtent une très grande importance sont recommandés. Cela ne concerne en rien la Loi de l’islam, car cette loi-ci englobe toute chose. On y trouve à la fois les questions d’importance et les autres. Dans les deux autres Lois en question, seuls étaient prescrits les décrets les plus importants, ceux qui étaient les plus utiles pour les communautés et en fonction de leurs dispositions. Dans la phrase : « ce que Nous te révélons », l’attention portée sur l’absence de la parole des autres est destinée à attester de la grandeur de Dieu, car les grands parlent toujours en leur nom et en celui de leurs serviteurs et de leurs disciples (« Nous avons fait ceci, nous avons accompli cela… »).
« … et ce que Nous avions prescrit à Abraham, à Moïse et à Jésus... » : ce passage se réfère à la phrase : « ce qu’Il avait prescrit à Noé ». Il s’agit des Lois qui ont été instituées pour chacun de ceux qui sont cités dans le verset. L’ordre dans lequel sont cités les noms de ces nobles prophètes (as) est un ordre commémoratif, mais qui correspond cependant à la chronologie, puisque Nûh (as) est le premier à être cité, puis viennent Ibrâhîm (as), Mûsâ (as), et enfin ‘Isâ (as). Si le nom de l’Envoyé de Dieu (as) est cité (9) avant celui des autres, c’est en raison de sa noblesse et afin de lui accorder la précellence, comme nous pouvons également le remarquer dans ce verset : « Lorsque Nous avons conclu l’alliance avec les Prophètes, et avec toi, avec Noé, Abraham, Moïse et Jésus, fils de Marie... » (sourate Al-Ahzâb (Les coalisés) ; 33 : 7). Et si dans le verset en question, la Loi de Nûh (as) est citée en premier, c’est pour que l’on comprenne qu’elle est la plus ancienne des Lois. Elle est d’ailleurs restée en vigueur très longtemps.
Ce verset nous permet d’observer plusieurs points :
1. La forme du verset, le contexte étant celui de la faveur accordée – en particulier si l’on tient compte de la suite du verset, ainsi que du verset suivant –, exprime le fait que la Loi mohammadienne représente la réunion de toutes les Lois antérieures. Que notre cher lecteur ne s’imagine pas que le caractère englobant de cette Loi soit incompatible avec ce verset : « Nous avons donné, à chacun d’entre eux, une règle et une Loi. » (sourate Al-Mâ’ida (La table servie) ; 5 : 48), parce que le fait qu’une Loi soit propre n’est pas incompatible avec le fait qu’elle soit complète.
2. Les Lois citées dans ce verset sont les seules à avoir le caractère de Lois divines et de religions fondées sur la révélation, à savoir les Lois de Nûh (as), d’Ibrâhîm (as), de Mûsâ (as) et de ‘Isâ (as), parce que s’il y en avait eu d’autres, elles auraient été citées ici dès lors qu’il s’agit d’affirmer l’aspect de complétude de la Loi de l’islam. Ce point est primordial parce que premièrement, avant Nûh (as) il n’existe pas de Loi, en tout cas pas dans le sens ou elle régie les communautés humaines et permet de dissiper les différends sociaux intervenant en leur sein, et que deuxièmement, les prophètes (as) suscités après Nûh (as), et ce jusqu’à l’époque d’Ibrâhîm (as), suivent tous la Loi de Nûh (as), tandis que les prophètes (as) suscités après Ibrâhîm (as), et ce jusqu’à l’époque précédant Mûsâ (as), sont assujettis à la Loi d’Ibrâhîm (as). De même, ceux qui viennent après Mûsâ (as) et avant ‘Isâ (as) suivent la Loi de Mûsâ (as), et ceux qui viennent après ‘Isâ (as) se soumettent à la Loi de ‘Isâ (as).
3. Les prophètes (as) qui possèdent une Loi et sont appelés ‘Ûlû al-‛azm par le noble Coran concernent uniquement ces cinq individus. (10) Aussi, ces cinq prophètes (as) sont les cinq grands parmi les prophètes (as), ce que nous pouvons d’ailleurs déduire de ce verset : « Lorsque Nous avons conclu l’alliance avec les Prophètes, et avec toi, avec Noé, Abraham, Moïse et Jésus, fils de Marie... » (sourate Al-Ahzâb (Les coalisés) ; 33 : 7).
X. Le Masîh (as) est le propagateur de la bonté et de l’amour
Dieu fait remarquer dans le Coran un point précis concernant ceux qui suivent ‘Isâ ibn Maryam (as). Prenons le verset suivant : « Nous avions envoyé Noé et Abraham et Nous avions établi, chez leurs descendants, la prophétie et le Livre. Certains d’entre eux furent bien dirigés, mais la plupart furent pervers. » (sourate Al-Hadîd (Le fer) ; 57 : 26). En pratique, le cas de ‘Isâ (as) reste une exception, parce que le point qui nous occupe entend faire remarquer que ‘Isâ (as) est cité à part. Le nom d’aucun prophète après Ibrâhîm (as), pas même celui de Mûsâ (as) – qui compte pourtant parmi les grands prophètes (as) – n’est cité. Ce qui est mentionné, c’est ceci : « Nous avons ensuite envoyé sur leurs traces Nos autres prophètes et Nous avons envoyé après eux Jésus, fils de Marie. Nous lui avons donné l’Evangile. Nous avons établi dans les cœurs de ceux qui le suivent la mansuétude, la compassion. » (sourate Al-Hadîd (Le fer) ; 57 : 27). Le Majma‛ al-bayân nous informe que : « Le mot taqfiya / تقفية, dont le verbe à l’infinitif est qafaynâ / قفينا désigne une chose qui prend toujours place à la suite d’une autre chose. C’est pour cette raison que le second vers des distiques d’un poème est appelé qâfaya / قافية, parce que dans tous les poèmes (11) , le premier vers est suivi d’un second qui dépend de lui pour sa structure et sa rime. Aussi, dans ce passage : « envoyé sur leurs traces » le pronom se réfère à Nûh (as) et à Ibrâhîm (as), ainsi qu’aux anciens parmi la lignée de ces deux grands prophètes (as). La preuve en est qu’après Nûh (as), aucun prophète n’est suscité, si ce n’est dans sa propre lignée, ce qui fait que la lignée des prophètes (as) se confond avec sa propre lignée. Bien que ‘Isâ ibn Maryam (as) fasse partie de la lignée d’Ibrâhîm (as), Dieu le Très-Haut dit pourtant à propos de Nûh (as) : « Nous avons maintenu ses descendants en vie. » (sourate Al-Sâfât (Les rangs) ; 37 : 77), et Il dit en sus : « Nous avions auparavant dirigé Noé, et, parmi ses descendants : David, Salomon… ! Jésus... » (sourate Al-An‛âm (Les bestiaux) ; 6 : 84 et 85). Ainsi, il est clair que la phrase : « Nous avons ensuite envoyé sur leurs traces Nos autres prophètes » concerne ceux qui viennent après eux et représentent les premiers de leurs descendants. Quant à « sur leurs traces », cela désigne la voie que l’humanité doit suivre, la voie que les gens à venir doivent emprunter, cheminant derrière ceux qui les ont précédés. Dans : « Nous avons envoyé après eux Jésus, fils de Marie. Nous lui avons donné l’Evangile. Nous avons établi dans les cœurs de ceux qui le suivent la mansuétude, la compassion. » (sourate Al-Hadîd (Le fer) ; 57 : 27), le terme ra’fat / رأفت / mansuétude est, d’après les exégètes, équivalent à celui de rahma / رحمة / compassion. Cependant, certains autres savants estiment qu’il existe une distinction entre les deux termes, voici un court extrait de leur avis : « On emploie le mot ra’fat / رأفت / mansuétude, pour ‘repousser la colère’, tandis que le mot rahma / رحمة / compassion, est employé pour ‘attirer le bien’. » Apparemment, pour parvenir à établir la mansuétude et la compassion dans le cœur des disciples de ‘Isâ (as), Dieu leur fait pratiquer la mansuétude et la compassion entre eux. En fin de compte, ils fondent l’assistance mutuelle et la pacification de l’existence, qualités pour lesquelles les compagnons du Prophète (s) sont également loués : « Muhammad est le Prophète de Dieu. Ses compagnons sont violents envers les impies, bons et compatissants entre eux. » (sourate Al-Fath (La victoire) ; 48 : 29).
(A suivre…)

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1 Jésus (as).
Traduit du persan.
(Les notes sont du traducteur et les traductions des passages du Coran sont de Denise Masson).
2 Ce mot fait généralement référence aux cinq grands prophètes, soit Nûh / Noé (as), Ibrâhîm / Abraham (as), Mûsâ / Moïse (as), ‘Isâ (as) et Mohammad (as). Il arrive que leur nombre change, ou que l’un laisse la place à l’autre. La grande question consiste à savoir si Âdam (as) en fait partie ou pas. D’après Majlisî, la qualité de ‘Ûlû al-‘azm a trait au degré de fermeté de ces prophètes (as), qui est notamment mesuré par la rapidité avec laquelle ils ont répondu à la question primordiale (Ne suis-Je pas votre Seigneur ?), lors du grand rassemblement des futures créatures, dans la préexistence.
3 Littéralement : « celui qui est oint ». Ainsi, le mot Messie correspond à l’étymologie du mot christos, qui donne Christ en français, et désigne celui qui a reçu l’initiation. Ainsi, ‘Isâ al-Masîh (as) correspond précisément à Jésus-Christ (as) et ne diffère pas de la notion de Messie.
4 Nûh (as).
5 Ibrâhîm (as).
6 Mûsâ (as).
7 Noé (as).
8 Abraham (as).
9 Il ne l’est pas nommément, mais seulement à travers ilayk / إليك.
10 Il ne faut se garder se garder de toute conception étriquée, et ne pas exclure par exemples certains grands Livres de l’Inde comme des livres révélés. A l’heure des études universitaires internationales, d’internet et de la mondialisation, comment est-il possible de penser que parmi les 124 000 prophètes (as) dont parlent les hadiths, seuls cinq ont apporté une Loi, alors même que le Coran nous rappelle que chaque peuple a eu son messager ? Comment croire que les autres peuples, gardiens de textes sublimes, inspirés et hautement spirituels, soient injustement relégués à la masse informe et inconnue des « polythéistes » ? Pourtant, la conception même de religion unique, de source unique, et de lignées de prophètes remontant toutes à Adam (as) permet évidemment de concevoir que certains grands Livres de l’Inde notamment, entrent dans la catégorie des Livres saints… Cela ne retire rien à la grandeur du Coran de le reconnaître. Il existe également des thèses « dogmatico-centristes » qui soutiennent qu’à chaque fois qu’un peuple est éclairé, c’est par un Imâm (as) qui a voyagé chez eux, sans divulguer son identité réelle… Il est véritablement grand temps que disparaisse cette conception archaïque qui prétend qu’en admettant trouver quelque chose de bon chez le voisin, cela va dévaloriser ce qui se trouve chez soi…
11 Les poèmes arabes et persans se présentent généralement sous la forme de distiques.

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