Particularités de la religion islamique – introduction théorique
L’islam est le nom de la religion du Dieu unique. Tous les prophètes (as) ont été missionnés pour elle et ont invité les peuples à la suivre. Sa version principale et complète est communiquée aux gens par l’intermédiaire du Sceau des prophètes, son Excellence Mohammad ibn ‘Abdallâh (s). C’est avec lui que s’achève le cycle de la prophétie et, aujourd’hui, la religion est connue par ce nom, l’islam, dans le monde entier. Les enseignements islamiques communiqués par le Sceau des prophètes (s) ont pour statut d’établir la version principale et complète de la religion de Dieu et sont destinés à guider l’humanité de manière permanente, c’est pourquoi ils comportent des particularités et des distinctions spécifiques appropriées à la fin des temps.
Ces particularités, dans leur ensemble, ne pouvaient exister lors des époques précédentes, qui correspondaient à l’enfance de l’humanité. Chacune de ces particularités développe une mesure permettant de connaître l’islam. Grâce à ces mesures, à ces étalons qui constituent chacun un principe parmi les principes des enseignements islamiques, on peut obtenir le visage de l’islam et en lever l’ambigüité. On peut également utiliser ces mesures, ces critères, afin de déterminer si tel enseignement est contenu dans l’islam ou pas.
Nous n’avons pas la prétention de rassembler ici l’ensemble des mesures, mais nous allons nous efforcer d’en donner, en fonction du possible, un aperçu général. Nous savons que chaque école, chaque idéologie, chaque système de pensée expose un schéma pour le salut, la guidance, la perfection, et la félicité de l’être humain, et présente pour cela toute une suite de valeurs. On a alors une série de « il faut » et « il ne faut pas », de « il faudrait » et « il ne faudrait pas », tant sur le plan individuel que collectif. « Cela aurait dû être ainsi », « il faut que cela soit ainsi », ou « que cela soit fait ainsi », « il faut choisir telle direction », « il faut aller dans tel sens », « il faut poursuivre tel dessein »… Par exemple, il faut vivre de manière libre et noble, il faut être vaillant et audacieux, il faut avancer continuellement, il faut devenir parfait, il faut construire une société basée sur la justice, il faut se rapprocher de la vérité… Cependant, ces « il faut » et « il ne faut pas » s’appuient sur une philosophie particulière, qui les justifie. C'est-à-dire que dans le cas où une école expose une liste de prescriptions et de commandements, elle doit inévitablement se baser sur une forme de philosophie concernant l’existence, le monde, la société et l’être humain. Pour une existence telle, une société telle ou des êtres humains tels, il faut être comme ceci ou comme cela. Avoir une vision du monde consiste en un ensemble de points de vue, d’interprétations et d’analyses à propos de ce monde, de la société, de l’être humain. Cela consiste à penser que le monde est comme ceci ou comme cela, qu’il comporte des lois de telle sorte, qu’il progresse de telle manière, qu’il poursuit ou ne poursuit pas tel dessein. Cela consiste à définir s’il a une origine ou pas, s’il doit avoir un terme ou pas, etc. Cela consiste également à réfléchir sur l’être humain qui exprime tel tempérament, possède telle nature, s’il a par exemple été créé avec un tempérament inné précis ; et aussi à se demander s’il est libre de nature ou conditionné, s’il est une réalité choisie et définie, au sein de la nature (le Coran emploie l’expression « mustafâ / élu »), ou s’il est une réalité accidentelle, fortuite. Et la société indépendante de lois régissant les individus est-elle légale ou illégale ? Quelles sont les lois devant régir la société ? Et l’histoire ? Etc.
L’idéologie affermit les bases de la vision du monde. Pourquoi faut-il être ainsi ? Vivre ainsi ? Avancer ainsi ? Construire ainsi ? C’est parce que le monde, la société, ou l’être humain sont comme ceci ou comme cela. Le « pourquoi » de chaque idéologie liée à une vision du monde est caché au sein de cette idéologie qui renforce cette vision du monde. Comme on dit, l’idéologie est une forme de « sagesse pratique », tandis que la vision du monde est une « sagesse théorique ». Chaque forme particulière de sagesse pratique est fondée sur une forme particulière de sagesse théorique. Par exemple, la sagesse pratique de Socrate s’appuie sur la vision particulière que Socrate a du monde qui élabore sa sagesse théorique. Il en va de même pour le rapport entre la sagesse pratique d’Epicure et sa sagesse théorique. C’est la même chose pour les autres également. Mais alors, pourquoi existe-t-il des idéologies différentes et variée ? Car il existe différentes visions du monde, et nous savons que l’idéologie dépend de la vision du monde. D’autre part, pourquoi existe-t-il différentes visions du monde, que l’on peut également nommer « connaissances du monde » ? Pourquoi telle école voit-elle le monde d’une manière, et telle autre d’une autre manière ? Pourquoi l’une le connaît-elle ainsi, et une autre le connaît-elle autrement ? Il n’est pas si simple de répondre à ces questions. Certains, sitôt arrivés à ce point, s’empressent d’invoquer le fondement du rang social et de la condition sociale. Ils prétendent que la situation sociale préside à la vision de chacun, fournit à chacun une paire de lunettes particulière pour voir le monde. Le rapport qui existe entre l’être humain et sa société, ainsi qu’avec ce que sa société produit et distribue, les circonstances dans lesquelles elle produit et distribue et en fin de compte, le fait qu’il en jouisse ou en soit privé favorisent une réaction précise, psychologique et nerveuse, et cela donne une forme précise à sa disposition intérieure. De là, la forme précise de sa disposition intérieure, mentale, affecte sa pensée, son estimation et son jugement à propos des choses.
Conformément à cet avis, personne ne peut considérer que sa vision est juste et que celle de l’autre est erronée, car ici la vision est une chose relative et résulte du rapport particulier que chacun entretient avec son environnement naturel et social. Or pour chacun, ce qui est juste est ce qu’il voit. Cependant, la question n’est pas si simple. Que la pensée de l’être humain soit en grande proportion influencée par son environnement n’est pas discutable. Mais le fait que l’être humain ait en lui une part de libre-pensée qu’il peut garder à l’abri de toute influence - seuil nommé fitrat (1) dans le langage islamique - ne souffre pas plus de dénégation. Il nous faudra d’ailleurs en faire un exposé détaillé et en parler dans un autre article (2) . Supposons également que nous voulions retirer à l’être humain son authenticité et son indépendance, soit en réalité, sa clairvoyance… cela est cependant encore trop juste pour le condamner à rester à la simple étape de la vision du monde, de la connaissance du monde.
Ce qui est clair aujourd’hui pour les philosophes et les savants qui ont étudié cette question en profondeur, c’est qu’il faut rechercher la racine des différentes visions du monde et des connaissances du monde dans les connaissances de la connaissance, dans ce que l’on appelle aujourd’hui la théorie de la connaissance. La noble ambition des philosophes s’est tournée vers la connaissance de la connaissance, si bien qu’une partie d’entre eux prétend que la philosophie n’est pas une connaissance du monde, mais une connaissance de la connaissance et que le fait que les connaissances du monde diffèrent les unes des autres provient du fait que les avis à propos de la connaissance diffèrent. L'un affirme que le monde doit être appréhendé par la raison, un autre dit qu’il doit l’être au moyen des sens, tandis qu’un troisième prétend que cela doit résulter de la purification de l’âme, de l’illumination et de l’inspiration. Pour l’un, les étapes de la connaissance s’articulent de cette manière, pour l’autre elles s’enchaînent autrement. Selon certains, la raison est limitée tandis que pour d’autres elle est illimitée. Quelles sont les sources de la connaissance ? Quels sont ses critères ? Ainsi, l’idéologie de chaque école est fondée sur sa propre vision du monde, et sa vision du monde résulte à son tour de l’idée qu’elle se fait de la connaissance. Le degré d’avancement de chaque idéologie dépend du degré d’avancement de sa vision du monde, qui dépend à son tour du degré d’avancement de sa connaissance de la connaissance. En réalité, la sagesse pratique de chaque école dépend de sa sagesse théorique, qui a son tour dépend de sa logique.
Ainsi, chaque école doit commencer par définir sa logique. Bien que la religion islamique ne soit pas une école philosophique et ne s’adresse pas aux gens par l’intermédiaire de la philosophie, de sa langue ni de ses expressions, elle possède cependant un langage particulier qui jouit de tous les niveaux de compréhension et s’adapte à toutes les capacités. Cependant, parmi les sujets qui sont les siens, elle s’est exprimée à propos de toutes ces questions, et ce de manière stupéfiante de façon à pouvoir exprimer son idéologie sous la forme d’un système de pensée pratique, ses visions du monde sous celle d’une sagesse théorique, et ses avis au sujet de la connaissance, et de la connaissance de la connaissance sous la forme de principes d’une logique. Dans le livre Osûl-e falsafeh va ravesh-e realism (Principes de la philosophie et méthode du réalisme, Vol. 1), et en particulier dans le quatrième article (Arzesh-e ma‛lûmât / Valeur des connaissances), ce type de sujets est débattu en détail. Dans un essai en préparation, qui aura pour titre de Shenâkht (Connaissance) cette discussion nous éclairera de manière plus détaillée dès qu’elle paraîtra.
Notes
1 Innéité, nature primordiale divine
2 Voir dans ce même site : L’idée de fitrat (innéité, nature primordiale) en tant que cause de la religion et Religion et innéité (fitrat) de l’être humain.
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