Qu’est-ce que le Tawassoul ? Y-a-t-il dans le coran et la sunna une preuve attestant la légalité de cette pratique ?
Résumé de la réponse
Le Tawassoul ou le recours à quelqu’un d’autre que Dieu, demander l’appui des prophètes et les saints privilégiés de Dieu sont des pratiques connus parmi les musulmans depuis à différentes époques. Cela n’est pas synonyme de les associer dans les actes de Dieu ; cela signifie plutôt que Dieu exauce les prières des gens grâce à la bénédiction de leur présence. En réalité les gens se connectent à Dieu par leur intermédiaire. Ils implorent Dieu pour qu’il réponde à leurs demandes ils demandent l’appui des saints pour qu’ils invoquent dieu pour qu’il réagisse favorablement à leurs sollicitations. Cette signification est celle souhaitée aux croyants dans le saint coran : «croyants ! Craignez pieusement Dieu ne transgressez pas ordres et cherchez le moyen de vous rapprocher de lui »( Sourate Ma’ida: 35)
De manière générale, le recours aux saints de Dieu est approuvé aussi bien par la raison que la religion. La tradition du prophète (ç), des imams Ahl-ul-bayt et de tous les musulmans sur la légalité du Tawwassoul demeure inchangée depuis toujours jusqu’à présent. Le prophète (ç) et les imams encourageaient les gens à recourir au coran et aux saints de Dieu.
Réponse détaillée
Le recours au prophète (ç) et aux saints privilégiés de Dieu.
L’un des fondements de la religion islamique et du monothéisme sur lequel tous les musulmans s’accordent s’articulent sur la conviction que Dieu est l’unique force qui organise et gère l’ordre de l’univers. Dieu seul accomplit les actes comme créer, pour voir, donner et rependre la vie, instaurer le jour et la nuit, les ténèbres et la lumière, faire descendre la pluie… le coran confirme tout ceci à travers plusieurs versets et réfute de ce fait toute conception associant dieu à quelqu’un ou à quelque chose dans sa royauté, sa divinité et sa suprématie ;
Toutefois, il faut retenir que demander l’appui de quelqu’un d’autre que Dieu ou le recourir à l’aide des prophètes et des saints privilégiés, ( une pratique d’usage au sein des musulmans à plusieurs époques) ne s’assimile aucunement à associer Dieu à quelqu’un d’autre de ses actes. C’est parce qu’ils sont les plus rapprochés à Dieu et ils ont une position vénérable. C’est pour cela qu’ils sont considérés comme des moyens et les canaux par qui Dieu fait descendre la providence.
Il incombe d’élucider le sens de Tawassoul pour mieux orienter la compréhension du sujet.
Tawassoul se définit comme toute chose à laquelle l’homme s’appuie pour atteindre un objectif.[1] Certains le définissent comme intercession le jour du jugement. [2]Au sens islamique, le Tawassoul est une pratique qui consiste à recourir aux prophètes, aux imams et aux saints privilégiés pour se rapprocher de Dieu.
Le Tawassoul est fondé dans le coran et la sunna. Il est écrit dans un passage coranique : « croyants ! Craignez pieusement Dieu (ne transgressez pas ses ordres) et cherchez le moyen de vous rapprocher de lui »[3] c’est souvent les actes pieux qui nous rapprochent du créateur de l’univers. Parfois c’est à travers un être nominé qui occupe une place vénérable auprès de Dieu. On a aussi demandé l’appui d’un être vivant ou mort. Voici quelques exemples tirés du coran et la sunna :
1- le recours des frères de Youssouf à leur père Yakoub : «. - ils dirent: ‹ش Notre père, implore pour nous la rémission de nos péchés. Nous étions vraiment fautifs›. - il dit: ‹J'implorerai pour vous le pardon de Mon Seigneur. car c'est lui le Pardonneur, le très miséricordieux›. »[4] Comme vous le voyez, Yakoub n’a pas refusé la demande de ses enfants. Il ne leur a pas dit : pourquoi ne demandez-vous pas directement pardon à Dieu au lieu de vous tourner vers moi. Il a soutenu leur demande au contraire et leur a promis qu’il demandera pardon à Dieu de leur part.
2- Le recours au prophète (ç) : «Nous n'avons envoyé de messager que pour qu'il soit obéi, par la permission d'Allah. Si, lorsqu'ils ont fait du tort à leurs propres personnes ils venaient à toi en implorant le pardon d'Allah et si le messager demandait le pardon pour eux, ils trouveraient, certes, Allah, très accueillant au repentir, miséricordieux. ».[5] Ce verset montre qu’il faut utiliser un intermédiaire vénérable pour demander pardon qu’en son bonheur Dieu exauce la demande des gens.
3- Ousmane ibn Hanif dit : « Un aveugle vint voir le prophète (ç) et dit : demande à Dieu de ma guérir ». Le prophète (ç) répondit : « c’est mieux pour toi que tu patientes, mais tu veux que je demande à Dieu de te guérir je le ferai ! L’homme dit demande à Dieu de me guérir. Le prophète (ç) lui demande de faire l’ablution et d’implorer Dieu » par cette invocation :
اللهم إنی أسألک و أتوجّه الیک بنبیّک محمّد، نبّی الرحمة، یا محمّد انّنی توجّهت بک إلی ربّی فی حاجتی لیقضیها الی، اللهم شفعه
(Seigneur je t’implore et je m’adresse à toi à travers ton prophète Mohammad (ç), le prophète de la miséricorde. Ö Mohammad je me suis adressé à Dieu à travers toi pour qu’il exauce ma demande »[6]
Ce hadith authentique atteste la légalité de s »adresser à Dieu à travers quelqu’un car y on constate non seulement que le prophète (ç) ne ‘interdit pas, il va jusqu’à lui enseigner correctement comment formuler une prière à travers le prophète (ç) et faire de lui un intermédiaire entre Dieu et la personne. Voilà ce que signifie le Tawassoul par les saints privilégiés de Dieu.
4- Anas ibn Malik dit : « un homme vint voir le prophète (ç) et dit : ô messager mes bêtes sont décimés à cause de la sécheresse. Peux-tu implorer Dieu pour qu’il fasse pleuvoir ? Le prophète (ç) pria et il plu une semaine entière, si bien qu’un autre homme vint dire au prophète (ç) : ô messager de Dieu : les maisons sont détruites et les routes coupées… le prophète (ç) invoqua Dieu : seigneur fais descendre la pluie de la miséricorde sur les montagnes, les collines dans les vallées, e les rivières et les endroits où poussent les arbres : » c’est ainsi que la pluie cessa sur Médine, mais continuait à tomber en périphérie »[7]
5- Adam dit ceci, rapporte t-on après son imprudence : « seigneur par la bénédiction de Mohammad (ç) pardonne-moi. Dieu dit : Comment est-ce que tu connais Mohammad (ç) alors que je ne l’ai pas encore fais venir au monde ? Adam répondit : « j’ai regardé le trône lorsque tu m’as créé et j’ai vu marqué ; « Point de divinité à part dieu, Mohammad (ç) est le messager de dieu. Comme j’ai vu son nom est proche du tien, j’ai compris qu’il est la plus aimée des créatures auprès de toi » Dieu dit : «comme tu m’a invoqué par le nom de Mohammad (ç), je te pardonne »[8]
6- Il y a un autre hadith rapporté par Souyouti qui cite ibn Abbas : « j’ai demandé le prophète (ç) au sujet des mots qu’Adam avait reçu de Dieu et qui le firent pardonner. Le prophète (ç) répondit : Adam demanda le repenti par la bénédiction de Mohammad (ç), Ali (as), Fatima, Hassan (as) et Hossein (as) et Dieu lui pardonna »[9]
7- Dans un autre hadith du prophète rapporté par Abou Horeira il est écrit : « … ô Adam ! ceux-ci sont les gens élu de ma maison… utiliser les comme un moyen chaque fois que tu veux demander quelque chose. Le prophète (ç) a dit : « Nous les Ahl-ul-bayt sommes l’arche de sauvetage, quiconque monte dans cette arche sera sauvé. Et quiconque s’en détrourne sera perdu. Tout ceux qui veulent soumettre un besoin a Dieu doit nous placer les Ahl-ul-bayt comme moyen et canal »[10]
8- Ibn Abbas dit : « Oumar ibn Khatab a eu recours à Abbas ibn Abdou Moutallib (l’oncle du prophète (ç) pour demander la pluie ; il dit ceci : « seigneur nous te demandons au nom de l’oncle paternel du prophète (ç) de faire descendre la pluie. Nous demandons intercession à travers ses cheveux blancs. Il plu et il eut inondation. »[11] Dans une autre chaine citant le même hadith il est écrit que lorsque Abbas demanda la pluie et qu’il plu, Oumar se tourna vers les gens et dit : » je jure par Dieu qu’Abbas est notre canal vers Dieu et il occupe une place auprès de lui »[12]
Kastalani dit : » lorsqu’Oumar demanda l’appui d’Abbas pour demander la pluie à Dieu, il dit : le messager considérait Abbas comme son père. Suivez-le et utilisez le comme un moyen pour invoquer Dieu »[13]
Cette pratique annule le raisonnement de ceux qui interdisent catégoriquement le Tawassoul ou le recours à toute personne autre que le prophète (ç). Cela montre qu’on peut passer par des gens vénérables pour se rapprocher de Dieu. les déclarations d’Oumar suffisent comme preuve qu’on peut utiliser les saints pour se rapprocher de Dieu.
Ibn Hajar Askalani écrit : « Abbas l’oncle du prophète (ç) dit dans une invocation, les gens se sont tournés vers moi à cause des liens qui m’unissent au prophète (ç) »[14]
Il n’y aucun doute que c’est la position d’Abbas qui est utilisée comme moyen. Ou peut conclure avec certitude que les musulmans des 1ers temps de l’islam se tournaient vers des personnes pieuses et pures pour demander à Dieu d’exaucer leurs prières.
Le Tawassoul dans la vie des musulmans ;
Les hadiths montrent que les musulmans ont maintenu cette tradition même après la mort du prophète (ç). Voici quelques exemples :
1- Beihaki rapporte : « un homme vint près de la tombe du prophète (ç) et dit : ô prophète demande la pluie pour ta communauté. Un moment n’est pas passé et la pluie tomba jusqu’à ruisseler »[15]
2- Lorsque Mansour le calife Abbasside demanda à Malik ibn Anas le fondateur de l’école malikite comment faire la visite spirituelle sur la tombe du prophète (ç), il précisa ; devrai-je m’orienter vers la Qibla et prier ou vers le prophète (ç), Malik répondit : « pourquoi est-ce que tu détourne le visage de lui alors qu’il est ton intermédiaire et celui de ton père Adam le jour du jugement. Tourne-toi vers lui et fais de lui ton intercesseur. Dieu accepte son intercession Dieu dit : « si lorsqu’ils avaient causé du tort à eux-mêmes… »[16]
3- Mohammad ibn Shafe’i (le fondateur de l’école juridique shafite) a des poèmes qui montrent qu’il croyait profondément au Tawassoul par les Ahl-ul-bayt du prophète (ç). Il dit : « la famille du prophète (ç) est mon recours vers Dieu. Je souhaite grâce à leur bénédiction recevoir le jour du jugement le régistre de mes œuvres dans la main droite »[17] Shafe’i fait ainsi l’éloge des Ahl-ul-bayt dans ses vers : « si aimer la famille du prophète (ç) est mon péché et bien je ne m’en repentirai jamais » les membres de la famille du prophète (ç) sont mes intercesseurs le jour du jugement lorsque les regards se rendront comptent de leur rang et leur position »[18] Shafe’i montre clairement dans ces vers que tous les membres de la faille du prophète (ç) sont des intercesseurs.
4- Le Tawassoul par les saints était tellement répandu dans les habitudes des musulmans des 1ers temps de l’islam si bien qu‘ils l’exprimaient largement dans leur poésie. Ils présentent le prophète (ç) comme moyen et intermédiaire entre Dieu et eux. Nous avons par exemple le poème de Sawad ibn Karib sur le prophète (ç) : « j’atteste qu’il n’y a point de divinité en dehors de toi. Tu sais tout ce qui est caché et dissimulé. J’atteste que toi, ô fils des vénérés et des purs, tu es plus proche par rapport à d’autres prophète moyen pour se rapprocher de Dieu »[19] le prophète (ç) a entendu ces poèmes et n’a jamais interdit qu’ils soient clamés. Il n’a jamais considéré cela comme un acte dans lequel on associe Dieu à une chose, tout comme il n’a jamais indexé l’auteur.
5- Abou Ali Khalal fait partie des partisans du Tawassoul. Il est l’une des figures de l’école juridique habalite. Il affirme : » chaque fois j’avais un problème, je rendais sur la tombe de l’imam Moussa (as) ibn Ja’far et je le plaçais comme moyen dans ma prière et Dieu dénouait mes difficultés et mes problèmes trouvaient une solution »[20]
Le Tawassoul dans la vision des Ahl-ul-bayt du prophète
Les Ahl-ul-bayt jugent louable le Tawassoul par le coran et les saints. Ils encourageaient les gens à le faire. Il est écrit par exemple dans une invocation de l’imam Sadjad (as) : « seigneur : je cherche le rapprochement vers toi à travers le rang élevé de Mohammad (ç) et la voie évidente de la succession d’Ali (as). Je me tourne vers toi par leur billet pour que tu me protèges du mal de tel et de tel »[21]
Il est rapporté de Fatima Zahra : « louange à Dieu dont la splendeur de sa lumière illumine toutes les créatures des cieux et de la terre qui sont à la recherche d’un moyen pour se rapprocher de lui. Et nous (les Ahl-ul-bayt) sommes le moyen de rapprochement à Dieu parmi ses créatures »[22]
Aicha rapporte du prophète (ç) qu’il a dit ceci à propos des Khawarij : « les Khawarij sont les pires des créatures de dieu car ils tueront le meilleur serviteur de Dieu (Ali ibn Abou Talib) le plus proche moyen vers lui »[23]
Avec preuve documentaire à l’appui le regretté Sheikh Sadouq rapporte ce hadith du prophète (ç) : « la majorité des imams seront de la lignée de Hossein (as). Quiconqque les suit aurait obéi à Dieu et celui qui désobéira à leurs ordres aurait désobéi aux ordres de Dieu. Ils sont la référence sûre et le moyen de rapprochement vers Dieu »[24]
Comme nous l’avons vu, le Tawassoul par le prophète et les saints est une réalité palpable (aussi bien pendant leur vie qu’après leur mort) qu’on voit dans la vie de prophètes d’avant, à l’époque du prophète (ç) et après lui. Les compagnons et la génération suivante sont restées attachés à cette tradition dont la légalité quelles que soient les époques n’a jamais été remise en question. Les musulmans de toutes tendances confondues se tournaient vers le prophète (ç) et les saints pour demander à Dieu de résoudre leurs problèmes. Le Tawassoul est islamiquement permis et légale ; les individus qui simplifient cette pratique sont ceux se sont égarés du droit chemin. Ils ont encore la possibilité de rectifier leurs erreurs et revenir sur le droit chemin.
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[1]-Mofradât Raguib Esfahani, page 560, Tafsir Kabir de Fakhr Razi, vol 4, page 349; Al Nihaya fi Gharib hadith, ibn Athir, vol 5, page 185
[2]- Al Nihaya fi Gharib hadith, Ibn Athir, vol 5, page 185
[3]- Sourate Ma’ida: 35
[4] - Sourate Youssouf: 97-98
[5]- Sourate Nisaa: 64
[6]- Al Jami’ul Sahih Tirmizi, vol 5, page 357 83, 569
[7]- Sahih Bokhari de Mohammad ibn Ismaël ibn Bokhari, vol 1, page 344-345, hadith 968-976
[8]- Mostadrak alâ sahihein de Hakim Neshabouri, vol 3, page 513, hadith 4286 ; Dala’ilou Noubouwa, Beihaki, vol 5, page 489 ; Wafa al Wafa, vol 4, page 1371-1372 ; Dourou mansour, Souyouti, vol 1, page 59
[9]- Dourou mansour Souyouti, vol 1, page 60-61
[10]- Fara’id simtein, Ibrahim ibn Jowein, vol 1, page 36et 37; Manakib de Khorazmi, page 318 et 320
[11]- Dala’il al noubouwa, Abou Na’im Esfahani, vol 2, page 275, hadith 511 Sahih Bokhari, Kitab Jom’a, bab Istikâ,
[12]- Ousdou Ghâba, ibn Athir, vol 3, page 380, Fat hou bari vol 2, page 413
[13] - Al Mawahib lil danya vol 3, page 380 ; Fat hou bari, vol 2, page 413
[14]- Fat hou bari, vol 2, page 413, darou ma’nfati loubnân
[15]- Wafa al Wafa, vol 4, page 1374
[16]- Wafa al Wafa, Samhoudi, vol 2, page 1376
[17]- Diwan Shafe’I, page 162; Al Sawa ‘iq, al Mahraka, page 178
[18] - id
[19]- Ad Dourou suniyya, Zayni. Page 29
[20] - Tarikh Bagdad de Khatib Bagdadi, vol 1, page 120
[21]- Sahifa Sadjadia, doua 49
[22]- Sharh Nahjul Balagha ibn Abi hadid, vol 16, page 211, Belagât Nisaa, Bagdadi
[23] - Sharh Nahjul Balagha..;, vol 2, page 267, ibn Magazili, al manakib, page 100, hadith 79, Daroul adwa, Beyrouth, 1412 hégire lunaire Majma’al Zawahid, Meisami, vol 6, Daroul fikr, 1414 hégire lunaire
[24]- Oyoun akhbar Reza, Sheikh Sadouq, vol 1, page 63
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