En quel sens l'espèce humaine est-elle sociale?

Il n'y a point de doute que l'homme soit, dans sa vie extérieure, un être social, qu'il vive continuellement en société, collectivement, et que les hommes s'entraident pour subvenir à leurs besoins. Mais est-ce de par sa nature originelle que l'homme désire associer ses propres activités à celles des autres, et prendre sa part du résultat des efforts de la société, selon le rang qu'il occupe?

Ce que nous constatons c'est que la nature humaine a des besoins, ainsi que des affections et des sentiments, et qu'elle se sert de ses propres facultés pour les satisfaire, sans être consciente, à ce niveau, des besoins et des désirs des autres.

L'homme, pour satisfaire ses besoins se sert de toute chose; et utilise les corps simples ou composés de la terre pour atteindre ce but. Il se sert de toutes sortes de plantes et d'arbres, des feuilles, des fruits et même des tiges et des racines, ainsi que des différentes espèces d'animaux et leurs produits dérivés. Il met tout cela à son service, pour remédier à ses imperfections. Un tel homme, qui se sert de tout ce qu'il trouve pour son propre intérêt adoptera-t-il une autre attitude à l'égard de ses semblables pour les respecter, les aider d'un cœur sincère, et renoncer pour leur bien à une partie de ses intérêts? Non, bien sûr, jamais.

Par contre, l'homme se rend compte d’une part de ses propres besoins infinis qu'il ne pourra jamais satisfaire à lui tout seul, et de ce qu'il pourrait subvenir à une partie de ces besoins grâce à l'aide de ses semblables. Il est conscient d'autre part que les autres hommes possèdent les mêmes facultés, les mêmes désirs et les mêmes tendances qu'il a lui-même, et que, tout comme il défend ses propres intérêts, eux aussi les défendent pareillement.

De ce fait, il est contraint à la solidarité sociale, et consent à renoncer à une part de ses intérêts pour satisfaire les besoins de ses semblables, tout comme il reçoit une certaine partie du fruit du travail des autres pour satisfaire ses propres besoins. En réalité, il s'engage dans un commerce d'échanges publics toujours en marche, où l'on vend toutes sortes de remèdes aux besoins vitaux.

Par conséquent, le produit du travail social s'amasse, et chacun y prend une part, selon sa valeur sociale, c'est-à-dire en rapport avec la valeur du travail qu'il fournit à la société; et c'est ainsi que chacun satisfait à ses besoins.

De ce que l'on vient de dire, il ressort que la nature primordiale de l'homme, qui recherche ses propres intérêts, exige de mettre les autres au service de ces intérêts personnels et d'exploiter leur travail. Ce n'est que par nécessité et contrainte que l'homme consent à la solidarité. L'étude de la mentalité des enfants nous éclaire beaucoup à ce sujet, car l'enfant exige tout ce qui lui plaît, de manière intempestive, appuyant ses désirs de cris et de pleurs. Ce n'est que peu à peu, quand il fait son entrée dans la scène sociale et se familiarise avec la société, qu'il renonce partiellement à ses exigences, pour y renoncer tout à fait lorsqu'il fait pleinement partie de la société.

Une autre preuve de cet état de choses consiste en ce que l'homme qui accède à un pouvoir dépassant celui des autres délaisse sans façon la solidarité sociale et ses devoirs pour mettre les hommes à son service et s'approprier le produit de leur travail, sans contrepartie. Dieu Très-Haut, faisant allusion à une telle solidarité dit: "C'est Nous qui avons réparti entre eux leur nourriture dans la vie de ce monde. C'est Nous qui élevons de quelques degrés, certains d'entre eux au-dessus des autres afin qu'ils se réduisent, l'un et l'autre, en servitude" (Coran, XLIII, 32).

Ce verset fait allusion à la réalité de la solidarité sociale dans laquelle chacun a une supériorité sur les autres dans un domaine quelconque de la vie, et dans laquelle, par conséquent, les individus diffèrent les uns des autres selon leur rang, chacun dominant les autres en ce qu'il a de supérieur et dirigeant leurs activités dans le sens de ses propres intérêts. Les individus sont par conséquent liés les uns aux autres dans la société comme la trame et la chaîne d'une étoffe.

Le Très-Haut dit dans un autre verset: "L'homme est vraiment très injuste" (Coran, XIV, 34). "...il est injuste et ignorant" (Coran, XXXIII, 72). Ces versets font allusion à l'instinct naturel de l'homme qui l'incite à outrepasser ses droits pour mettre les autres à son service et à s'accaparer de leurs biens.

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