L'HOMME

 
La philosophie scolastique soumit la position de l'homme à un Dieu conçu par l'Eglise médiévale qui s'était inspirée du point de vue de l'ancienne Grèce sur ses dieux, et mélangea cette conception avec quelques mythes religieux. Or les dieux grecs avaient une relation hostile avec l'homme, et on considérait qu'ils appréhendaient l'accession de l'homme au Feu Sacré, et son acquisition par lui de la connaissance et de la force. Ils voyaient en l'homme un rival qui devait être contrôlé par tous les moyens possibles.
Les seigneurs des espèces, dont on croyait qu'ils contrôlaient les forces de la nature, avaient peur que l'homme ne maîtrisât ces forces et qu'il ne soumît la nature.
L'histoire du Paradis d'Adam fut présentée comme une tentative faite par Dieu pour cantonner l'homme dans l'ignorance. On représentait l'Arbre Interdit dont l'homme était censé ne pas manger, comme un arbre du Savoir, dont l'homme ne devait pas s'approcher de crainte qu'il ne s'érigeât en Dieu.
Bien plus, on croyait que la désobéissance d'Adam était un péché éternel et le signe de la perversité complète de la nature humaine. Finalement, pour sauver l'homme et le délivrer son péché originel, Dieu avait dû apparaître Lui-Même dans corps de Jésus-Christ à travers le Saint Esprit. La spiritualité devint donc la spécialité des successeurs de Jésus et des hommes de l'Eglise.
De ce point de vue, l'homme est un pécheur méprisable. Et seuls les ecclésiastiques méritent la bénédiction divine. La clé des trésors cachés étant entre leurs mains, on doit s'approcher d'eux pour son salut.
La connaissance fut confinée aux doctrines chrétiennes et toutes les facultés intellectuelles furent vouées à la discussion et à l'interprétation des textes religieux. La vertu résidait donc dans l'attachement à l'organisation de l'Église établie.
L'homme croyait être privé de la Grâce divine, parce qu'il était captif entre les mains des gardiens du sanctuaire du fils de Dieu. Comme il avait tout perdu, l'homme fut obligé de se rendre avec résignation. Ce qui disparut totalement dans ce processus, ce fut le respect de soi. Telle fut la position de l'homme dans l'Occident d'avant la Renaissance.
L'apparition du nouvel humanisme
Cette situation a suscité naturellement une réaction. La Renaissance débuta comme une révolte contre la conception de Dieu qui prévalait à l'époque, et elle suscita la renaissance de l'homme. L'humanisme prit racine sous une nouvelle forme et essaya d'affranchir l'homme de la servitude du Dieu, qui lui avait été imposée. Mais hélas! L'homme ainsi émancipé fut remis entre les griffes de nouveaux dieux humains, et placé sous une nouvelle servitude, à savoir le mécanisme, l'expansion et la diversification de la consommation, ainsi qu'une course à l'exploitation et aux profits.
Le mode de penser fut libéré de toutes les entraves des doctrines médiévales. Les sciences fleurirent, mais furent toutes mobilisées au service de la cause de l'augmentation de la production et de l'exploitation.
Etant donné que toutes les contraintes avaient été enlevées, et que la pression avait conduit à la liberté, l'homme s'adonna au libertinage et à la permissivité, et sa vie devint insensée (comme dans le cas du libéralisme occidental).
Une fois de plus "l'homme" fut donc oublié, et la question qui continua à se poser était: Qu'est-ce que l'homme? Que devrait-il être? Que devrait-il faire pour rester homme et atteindre la perfection humaine?
L'homme du point de vue coranique
L'histoire d'Adam, telle qu'elle est décrite dans le Coran, montre qu'au cours de son développement matériel et de ses changements physiologiques,(1) l'homme atteignit un stade où il obtint une nouvelle naissance(2) avec l'infusion de l'Esprit Divin(3). Puis au cours de son développement normal, il a soudainement connu un nouveau changement à la suite duquel il s'est transformé en un être(4) d'autant plus superbe qu'il a été exigé, même des anges, de lui obéir(5), et que les forces du monde lui ont été subordonnées.
L'Arbre Interdit n'est pas l'arbre de la connaissance dont on ne devait pas s'approcher, mais un arbre de désir qui devait être contrôlé. Il est un moyen par lequel l'homme teste sa force de volonté et sa force d'auto-contrôle. Même la désobéissance de l'homme est un symbole de la liberté qu'Allah lui a garantie.
Allah a choisi l'homme comme Son lieutenant sur la Terre,(6) c'est dire qu'IL lui a donné autorité et pouvoir. Bien plus, tout ce que l'homme peut utiliser et contrôler dans les cieux lui a été asservi également.(7)
Allah ne craint pas l'homme. IL l'encourage à s'établir sur la Terre(8) et à utiliser toutes les forces cachées dans les montagnes et dans les plaines.(9)
La domination et le contrôle de l'homme sur la Terre et la mer constituent l'une des exigences de sa dignité.(10)
Selon le Coran, l'homme n'est pas un être prédestiné(11) ni n'a toute liberté de mener une vie sans finalité.(12)
Il a été pourvu de beaucoup de capacités, de dispositions, et de motivations, accompagnés d'une sorte de direction intérieure(13) et de guidance innée(14) qui, si elles ne sont pas corrompues, le conduisent à la vérité, à la connaissance(15) et à tous les stades d'habilité créative, y compris les stades des découvertes fondées sur l'expérience antérieure, ceux de l'invention de nouveaux outils et équipements lui donnent la possibilité de contrôler la nature, et ceux de l'accroissement de ses capacités à dépasser toutes les difficultés qu'il peut rencontrer.
En outre, l'homme est aussi le porteur du "Dépôt Divin"(16) qui représente la conscience, la volonté et la faculté de choisir lesquelles symbolisent son humanité et font de lui un homme responsable. Le "Dépôt Divin" est le don magnifique d'Allah, que ni les Cieux, ni la Terre, ni les montagnes n'étaient suffisamment compétents pour accepter. Seul l'homme a pu assumer cette responsabilité d'avoir le pouvoir d'un choix conscient et d'une volonté libre.
L'ÉTENDUE DU CHOIX ET DE LA VOLONTÉ DE L'HOMME
Afin de connaître les conditions, les limites, et le domaine du choix de l'homme, de constater les effets de ce pouvoir en lui, et de découvrir quels sont les facteurs qui influencent sa façon de penser, nous devons prendre en considération les points suivants:
1. La nature innée de l'homme et sa disposition
L'homme a beaucoup de motivations et d'instincts qui l'attirent. Certains de ces instincts dérivent d'une source matérielle, certains autres, de l'Esprit Divin.
Vous pouvez appeler ces instincts: propension, disposition, besoin naturel, tendance ou inclination. Ci-après quelques-uns des plus importants de ces instincts:
- Le besoin de nourriture, de vêtement et d'abri
- L'instinct d'auto-défense
- Le désir sexuel
- Le sens esthétique
- L'instinct d'accession à une position et au respect
- L'instinct de la recherche et de l'amour de la Vérité
- L'amour de la connaissance
- L'amour de la justice
- La sympathie
- L'amour de la perfection et le désir de la recherche
De tels instincts et besoins sont entremêlés avec la nature innée de l'homme(17) et, de là, ils ne sont ni passagers ni acquis. Ces instincts provoquent seulement une sorte de pulsion et d'attraction. Ils travaillent comme force motrice, mais ils ne liens pas les mains de l'homme. L'homme a le pouvoir de les suivre ou de ne pas les suivre. Il est en son pouvoir de satisfaire ses désirs instinctifs aussi bien que de les refréner, de les contrôler, de les orienter, ou de changer leur objet.
Ces instincts sont réellement contrôlés par la volonté de l'homme, qui est fondée sur sa façon de penser.
2. La modification des propensions
La modification des propensions et des instincts est fondamentale, mais elle est très difficile et requiert beaucoup d'efforts, une grande conscience, et un travail acharné.
On peut facilement comprendre que chacun des instincts mentionnés précédemment est en lui-même un besoin de la vie.
S'il n'y avait pas de pulsion sexuelle il n'y aurait pas de motivation pour la procréation et pour la formation de familles.
S'il n'y avait pas désir de nourriture, l'homme ne prendrait pas de mesures pour satisfaire ses besoins nutritionnels et en conséquence, il périrait.
Si l'homme ne souhaitait pas accéder aux honneurs et à la position sociale, il sombrerait dans la disgrâce et l'humiliation.
Le désir d'acquérir une position sociale et d'être respectable peut pousser l'homme à faire des efforts fructueux dans une action sociale. Mais si ce même désir devient excessif, il peut avoir raison de toutes les autres motivations et tourner en soif de pouvoir et course aux honneurs. Auquel cas, l'homme commence à adorer cette idole qu'est le pouvoir, et devient un tyran. Il peut aller aussi loin que possible et recourir à tous les moyens, y compris, l'argent, la flatterie, et toute action méprisable. Dans certains cas, on peut même supporter la faim et toutes autres épreuves pour aboutir à ses fins égoïstes.
Même après avoir obtenu le pouvoir, une telle personne peut, pour le conserver et l'étendre, commettre n'importe quel crime et recourir au mensonge, à l'intimidation et à l'assassinat(18). En d'autres termes, il peut piétiner les hautes valeurs de justice, de réalisme et de bienveillance.(19)
Nous remarquons comment un instinct peut dominer un homme, s'il n'est pas convenablement contrôlé et si on lui permet de dépasser des limites appropriées; mais nous ne devons pas oublier que dans ce cas l'instinct devient une idole que l'homme crée pour lui-même(20) par une mauvaise utilisation de sa faculté de choisir, et que c'est lui-même qui peut briser cette idole et cultiver ses tendances sublimes. Il peut contrôler et réformer les instincts qui dépassent les limites convenables afin d'éviter de s'adonner au péché. «Quant à celui qui se sera repenti, qui aura cru et qui aura été droit, peut-être sera-t-il prospère». (Sourate al-Qaçaç, 28: 67). «Mais celui qui aura craint la position de son Seigneur et freiné ses bas désirs, aura sûrement le Paradis pour demeure». (Sourate al-Nâzi'ât, 79: 4-41). «Ceux qui sont sauvés de leur propre avidité, seront sûrement prospères». (Sourate al-Hachr, 59: 9)
Il y a beaucoup de versets qui réprouvent les tendance. déséquilibrées chez l'homme et déclarent que celui-ci doit les corriger en faisant des efforts en vue de cultiver les tendances positives.
Le Coran considère l'homme comme étant toujours tenu de déployer ses efforts pour se réformer et d'orienter ses tendances de sorte qu'aucune d'elles ne puisse excéder ses limites, ni diminuer la vigueur de la nature humaine.
3. Le rôle de l'environnement naturel et géographique
Il n'est pas possible que l'environnement naturel et géographique d'un homme soit sans effet sur sa vie spirituelle et émotive. Tout comme les traits de caractère ont la puissance musculaire, la force morale des hommes ne peut pas être la même. De la même façon, la spiritualité d'un homme qui a grandi dans la chaleur torride d'un désert au milieu des dunes, ne saurait être pareille à celle d'un autre homme qui vit dans une région littorale, au climat humide et aux forêts denses. Il n'y a pas de doute que le climat chaud, l'eau salée ou la région montagneuse ne peuvent pas avoir les mêmes effets sur les tendances de l'homme que le climat froid, l'eau douce ou une terre marécageuse, par exemple. Donc, de même que le physique des gens de toutes les régions ne peut être le même, de même leurs tendances ne sauraient être les mêmes.
Toutefois, ces conditions naturelles et physiques ne peuvent aller jusqu'à contraindre l'homme à s'engager dans une direction particulière, bien qu'elles poissent contribuer, dans une certaine mesure, à la création d'une atmosphère tendant à inciter l'homme à adopter un certain mode de vie. Aucune région ne peut contraindre l'homme à maintenir ou à perdre sa respectabilité, à défendre sa liberté ou à succomber à la tentation, à être vertueux ou malfaisant, laxiste ou industrieux.
C'est l'homme lui-même qui, en dépit de toutes les difficultés et conditions défavorables, peut trouver sa voie et utiliser sa force de volonté pour consolider sa spiritualité constructive.
4. Le rôle des facteurs historiques sociaux et économiques
Les facteurs historiques, l'atmosphère sociale, les relations économiques, l'atmosphère sociale, les relations économiques et les conditions sociales jouent aussi un rôle fondamental dans l'orientation des tendances de l'homme, de ses motivations, de sa vision et de son mode de vie. Parfois, ils dressent des barrières sur la voie de la liberté de l'homme et devant son pouvoir de choisir.
Mais nous ne devons pas oublier que les cites conditions ont été provoquées graduellement par certains individus, et que d'autres individus peuvent combattre les mauvais facteurs existants, sous la bannière de la liberté et de la connaissance, et parvenir par la force de leur maturité intellectuelle et, par l'utilisation de ce qui reste de leur volonté et de leur pouvoir de décision, lutter contre la corruption. Ce sujet sera discuté plus en détails lorsque nous traiterons de la vision islamique de l'histoire.
5. Le rôle des règles et des réglementations dans le domaine du choix
Nous venons de voir que l'homme a certains instincts et tendances qui doivent être orientés et modifiés. Et comme les facteurs naturels et les conditions de l'environnement affectent son choix et son mode de vie, il doit agir en vue d'améliorer son milieu ambiant. Les principes et les règles sur la base desquels doivent s'opérer, cette amélioration et cette modification, constituent l'un des plus importants thèmes ayant trait aux choix de l'homme et à sa volonté.
Comment doit-il façonner sa vie, et vers quelle direction doit-il se tourner? Que doit-il choisir, et sur quelle base? Doit-il permettre aux autres de lui imposer certains principes pour "choisir" par la suite, de son propre chef, ces mêmes principes et s'engager dans la voie vers laquelle on l'a guidé sans qu'il s'en rende compte, comme c'est le cas normalement dans la démocratie moderne?
Ou bien, doit-il s'impliquer dans un conflit idéologique, sur la base de la théorie de la contrainte matérielle et de la dialectique historique (comme l'affirment certaines écoles de pensée), et renforcer ainsi le mouvement et le développement de l'histoire en provoquant davantage de contradictions dans ce processus?
Ou bien encore, l'homme doit-il, en théorie, se libérer de tous principes déjà énoncés et se défaire de ses propres idéaux préconçus, pour faire, par la suite, son choix avec une liberté totale et créer ses propres principes et règles, étant supposé qu'il n'existe d'autre principe que celui qu'on choisit soi-même?
Ou bien y a-t-il une tout autre issue? Et si oui, laquelle?
Du point de vue islamique, l'homme a été créé libre de telles contraintes, et aucun principe préconçu ne peut lui être imposé pour le priver de sa libre volonté et de son pouvoir de choisir.
L'homme doit choisir lui-même les règles et les principes pour se former correctement et servir sa société à la lumière de ses connaissances étendues. L'insistance avec laquelle le Coran met l'accent sur la pensée, la compréhension et le bon sens, ainsi que sur la pensée libre de toutes les fantaisies, de tous les mythes et de toutes les notions incorrectes qui prévalent dans l'environnement ou qui sont hérités des ancêtres, a pour but de tracer la voie à la recherche de la Vérité.
6. La Révélation divine
La Révélation divine est l'une des plus importantes sources de la connaissance, et l'un des plus importants domaines de la pensée.
Le monde n'est ni noir, ni vice. En plus des facultés intérieures dont Allah a gratifié l'homme pour l'aider à trouver la Vérité, IL a envoyé des prophètes pour le guider vers le Droit Chemin. La guidance ne signifie ni la soumission forcée à la Volonté d'Allah, ni la suppression de la volonté créative, mais constitue plutôt une forme d'exhortation et une aide divine. Elle montre la Bonté et la Grâce d'Allah. La guidance est une lumière qui s'ajoute à la perspicacité de l'homme, et elle ne restreint pas sa libre volonté.
L'homme doit tirer avantage de cette guidance avec des yeux grands ouverts et, pour cela, il doit utiliser sa connaissance et sa perspicacité. Il doit tout d'abord penser et apprécier, et choisir ensuite. Si, même après l'identification de la Vérité, il persiste dans son incroyance, il sera déclaré coupable.
Il y a beaucoup de preuves dans le Coran qui corroborent ces points. Nous avons déjà cité quelques versets en ce sens.
7. Ce sont les propres actes d'un homme qui font sa destinée
Une autre question qui donne une direction à la volonté et aux choix de l'homme est l'attention qu'il accorde au fait que ses actes font sa destinée, et que chacune de ses actions suscitera, tôt ou tard, une réaction. Le futur de l'homme dépend vraiment de ses propres actes.
Le Coran dit à cet égard:
«L'homme n'aura que le résultat de ses efforts». (Sourate al-Najm, 53: 39)
«La corruption est apparue sur la Terre et sur la mer par suite des mauvaises actions des gens». (Sourate al-Roum, 30: 41)
C'est la résistance des gens qui prévient la corruption:
«Si Allah n'avait pas repoussé les gens les uns par les autres, la Terre aurait été corrompue». (Sourate al-Baqarah, 2: 251)
Le Paradis et l'Enfer sont le résultat et le reflet des actes des gens: «Tel est le Paradis qui vous sera donné en héritage, en contrepartie de vos bonnes actions» (Sourate al-Zukhruf, 43: 72). «Ceux qui ont commis un péché, et qui sont enveloppés par leur transgression, se sont consignés dans le Feu où ils demeureront éternellement». (Sourate al-Baqarah, 2: 81)
En réalité, les actes des gens sont enregistrés exactement et soigneusement: «Ceux-là auront une partie de ce qu'ils se sont acquis. Allah est prompt dans Ses calculs». (Sourate al-Baqarah, 2: 202)
Etant donné que dans ce monde toute chose est bien planifiée et bien dirigée, et que rien n'y est futile ni fortuit, tous les actes humains ont un rôle et un effet constructif.
Ce point de vue indique clairement que l'homme doit être très attentif en faisant un choix. Il ne lui est pas permis d'entreprendre quoi que ce soit fortuitement et avec négligence.
Il est essentiel aussi qu'il choisisse seulement ce qui est bien. Il ne faut pas qu'il prenne une décision à la légère. C'est la raison pour laquelle il est anxieux et craintif. Peut-être est-ce cette peur d'Allah qui le conduit à pratiquer la piété.(21)
8. Le but des efforts de l'homme
Maintenant, voyons ce que doit être le but des efforts de l'homme. Nous savons que l'Islam propose certains objectifs et principes, et appelle l'homme à les adopter. C'est, en soi, une bénédiction d'Allah. Mais c'est l'homme lui-même qui doit choisir sa voie d'une manière réfléchie.
La prospérité et le salut
Selon le Coran, l'un des buts des efforts de l'homme consiste à obtenir le "falâh", qui signifie le salut et la prospérité.
"Falâh", signifie "cultivateur", celui qui fend la terre et la prépare à la culture, lui confère toutes les conditions nécessaires à la croissance et au développement des graines qui, dans les conditions favorables du sol et de l'eau, germeront et croîtront en hauteur et en volume avec l'aide des forces naturelles.
D'une façon similaire, si l'homme s'assure les conditions conduisant à sa croissance humaine spirituelle et à la perfection dans chaque domaine et dans toutes les dimensions de sa nature, il se libérera des entraves de son égoïsme et de ses bas désirs. Il sera capable de tirer grand avantage de ses talents et potentialités, et ses instincts sublimes s'enracineront solidement. On dit d'un tel homme qu'il a obtenu le falâh et qu'il a prospéré. Le Coran déclare que cette prospérité résulte de l'auto-formation(22), de la modification des besoins naturels(23), des bonnes actions(24), des efforts positifs et constructifs(25), de la résistance au mal, de la coopération en vue du bien et de la piété(26), de l'amélioration de l'environnement, de la propagation de la vertu, de la prévention de la corruption(27) et ainsi de suite.
9. Les idéaux et les valeurs
Dans un bond évolutif, l'homme commence à cultiver un idéal pour lequel il s'oublie lui-même et concentre son attention sur la foi et sur les services à rendre à l'humanité. Un stade arrive où, pour la réalisation de son idéal, il abandonne non seulement ses plaisirs, son confort, sa position et sa fortune, mais il sacrifie même sa vie.
Un scientifique qui déploie des efforts sincères en vue d'une découverte, ne le fait ni pour servir un tyran, ni pour devenir célèbre, ni pour obtenir une récompense, mais pour enrichir la connaissance et servir l'humanité.
Un travailleur social sincère fait des efforts en vue de soulager le malade, aider une personne affligée ou qui a faim, et défendre l'opprimé, et non par une récompense quelconque, ni pour se faire de la publicité, et il ne le fait pas d'une façon formelle ou professionnelle, mais pour l'amour de l'humanité et pour rendre service.
Un travailleur idéologique rencontre toutes sortes de difficultés et de dangers et rend des services pour la délivrance d'une nation. Quel nom donnerez-vous à un tel homme et comment interprétez-vous sont travail pour un idéal?
Il n'y a pas de mal à le qualifier d'idéaliste car ce pour quoi il se débat n'existe pas déjà comme une réalité, ni dans la nature, ni dans la société. Il le perçoit seulement comme un idéal dans son esprit et en fait une partie de sa vie. Cet idéal devient une force conductrice qui le pousse à continuer ses efforts jusqu'à ce que, ce qui n'était qu'une simple idée, se réalise et devienne un fait historique.
Chaque école idéologique doit avoir un idéal qui, sans être déjà existent comme une réalité, exige des sacrifices pour se réaliser. C'est quelque chose qu'aucune théorie d'inspiration matérialiste ne peut expliquer. Il ne peut être ni jugé d'après un critère scientifique, ni interprété par aucune loi matérielle ou naturelle.
Ces mêmes idéaux sont les hautes valeurs auxquelles on doit se consacrer et pour lesquelles on doit se sacrifier. Si vous voulez trouver une personne qui possède vraiment des qualités "humaines", vous devez chercher quelqu'un qui se voue à ces idéaux et valeurs qui dépassent la portée des lois physiologiques et biologiques.
10. La recherche d'Allah et de la Vérité
L'Islam affirme que ces valeurs, sous leur forme la plus sublime, sont concentrées en Allah, et que l'homme de l'Islam est féru de cette perfection absolue. Il brûle d'envie de s'acheminer vers elle et de l'atteindre. Un homme ayant une foi parfaite se meut réellement vers ce but. Cette perfection absolue est une pure réalité et l'essence de l'existence qui a créé les valeurs et la force. Cette vérité ne peut être perçue par une pensée matérielle, laquelle est incapable d'aller au-delà de la matière et de l'énergie et de penser à la réalité et à la valeur, ou à la source de la force et du mouvement.
En ce qui concerne l'homme, c'est lui-même qui prend l'initiative de son mouvement vers la perfection, bien que ce soit Allah qui l'appelle et l'attire vers elle, mais pas au point de la lui imposer ou de l'y contraindre, autrement, son initiative serait sans valeur. Il lui appartient personnellement d'effectuer le voyage avec des efforts inlassables pour arriver à son but. Quelle promesse encourageante! «O l'homme! Tu fais des efforts pour t'approcher de ton Seigneur, et tu seras récompensé (de tes actes)». (Sourate al-Inchiqâq, 84: 6)
L'HOMME DU POINT DE VUE EXISTENTIALISTE
Etant donné que l'existentialisme, qui est l'une des plus célèbres écoles contemporaines de pensée, a concentré le plus son attention sur l'homme, nous devons étudier ses doctrines pour nous faire une idée claire des théories qui prévalent sur l'homme. Pour ce faire, nous nous proposons de reproduire tout d'abord les opinions de quelques penseurs représentatifs de cette école, et de les commenter ensuite:
«L'existence de l'homme précède son essence; par conséquent, premièrement, il n'y a pas de but, de plan ou de destin le concernant, qui soient antérieurs à l'émergence de sa personnalité, de son existence; deuxièmement, en tant qu'agents libres, nous pouvons choisir et changer notre essence à volonté». (Jean-Paul Sartre)
«J'émerge seul, et confronté aux troubles et aux anxiétés, j'avance et je recule. C'est ce qui donne forme à mon existence. C'est moi qui peux surpasser toutes les difficultés et donner une valeur à mon existence. Nul autre que moi ne peut me donner satisfaction. J'ai coupé mes relations avec le monde. Je combats mon propre fondement, lequel est la non-existence que je suis moi-même. Il est de mon devoir de conférer une réalité à la signification du monde et de moi-même». (Principes de la Philosophie de l'Existentialisme)
«Dans la mesure où il est question de "désappointement", cela signifie que nous nous confinons dans la dépendance de ce qui est dans notre volonté ou dans les responsabilités totales qui rendent notre action possible. Nous coupons nos relations avec toutes autres choses et nous ne caressons aucun espoir. Lorsque René Descartes dit: "Subjugue toi-même, et non le monde", il voulait dire, en réalité, que nous devons travailler sans chercher à caresser un espoir». (Jean-Paul Sartre)
«La conception de l'homme est synonyme d'un mélange d'anxiété et d'encouragement. Lorsque l'homme prend un engagement, il détermine que, par son action, non seulement il décide pour lui-même et choisit ce qu'il fera, mais il donne également une loi pour toute l'humanité, il ne peut pas éviter d'avoir un sentiment d'une responsabilité totale et profonde». (Jean-Paul Sartre)
«Ceux qui ont une responsabilité, telle celle d'un commandant militaire qui projette de lancer une attaque, savent bien à quelle anxiété nous sommes confrontés». (Jean-Paul Sartre)
A propos de "la mauvaise intention" et de "l'auto-déception", qui doivent être évitées, Sartre dit:
«Comme les êtres humains sont des êtres libres et indépendants, et qu'ils inventent eux-mêmes leurs critères moraux, la seule chose qu'on peut leur demander de faire est d'être loyaux envers leurs propres critères et valeurs».
L'assertion selon laquelle un homme est un agent libre signifie nécessairement que les êtres humains ne sont pas des jouets dans les mains des dieux ou de n'importe quelle force extérieure à eux-mêmes. En un mot, "ils sont ce qu'ils sont".
Citant Dostoïevski, qui a écrit: "Si Dieu n'avait pas existé, toutes les choses auraient été permises", Sartre dit:
«C'est le point de départ de cette école. En effet, si Dieu n'existe pas, tout est permis. Par conséquent, l'homme se sent déprimé, car il ne trouve rien dont il dépende, ni en lui-même, ni à l'extérieur de lui-même».
«L'homme est condamné à être libre. Je dis "condamné", car il ne s'est pas créé. Cependant il est libre, et du moment où il est entré dans ce monde, il est responsable de toutes ses actions».
A propos des idées de cette école concernant l'homme, les points suivants peuvent être déduits de ce qui vient d'être cité:
1. Contrairement aux autres êtres naturels qui ont une essence définie et toute faite, l'homme n'a pas une essence particulière. Son essence est celle qu'il détermine lui-même.
2. L'homme est un agent libre et a le pouvoir de choisir.
3. Aucune volonté, ni aucun principe, ni aucune loi, ne peut restreindre le champ de la liberté de l'homme.
4. C'est l'homme lui-même qui est responsable de ce qu'il fait.
Son destin repose exclusivement sur son choix personnel. Il est aussi responsable de l'environnement social qu'il crée et des changements qu'il suscite dans son milieu naturel, et cela aussi sur la base des principes qu'il formule lui-même.
5. Pour cette même raison il est toujours agité et se sent mal à l'aise, parce qu'il ne peut avoir une guidance ni un soutien de l'extérieur, et que le choix qu'il fait n'est pas facile.
6. Le malaise et le "désappointement constructif" qui poussent l'homme à "l'action" sont comme toute autre chose, le résultat de sa propre "action".
En ce qui concerne la croyance en Dieu, on peut dire que cette philosophie ne ramène pas nécessairement à l'athéisme:
Sartre dit:
«Il y a deux types d'existentialistes: il y a d'une part les existentialistes chrétiens, parmi lesquels je cite Karl Jasper et Gabriel Marcel qui, tous deux, avouent être catholiques, et d'autre part les existentialistes athées, tels que Martin Heidegger et moi-même. Le seul point commun entre ces deux types d'individus est qu'ils croient généralement que l'existence de l'homme précède son essence».
Sartre dit ailleurs:
«Dans la philosophie de l'existentialisme, la conception de l'athéisme n'implique pas la négation du Créateur. Elle signifie seulement que rien ne serait radicalement changé, même si le Créateur n'existait pas. L'homme doit découvrir et savoir lui-même qu'il ne trouve le moyen de son salut nulle part».
Il dit aussi:
«Si l'existentialiste est très perturbé à l'idée de la non-existence de Dieu, c'est parce que dans un tel cas la possibilité de trouver des valeurs dans un Paradis perceptible disparaît totalement. En outre, aucune vertu n'existerait plus, car aucune conscience n'est si parfaite et illimitée qu'elle peut penser à chaque vertu. Il n'est écrit nulle part que la vertu a une existence définie et qu'elle est toujours jugée justement».
Nous remarquons que les existentialistes qui présentent des vues athéismes, le font parce qu'ils s'imaginent que l'homme ne peut avoir de liberté absolue que s'il n'y a pas, derrière lui une "volonté extérieure qui détermine son action".
Ils disent parfois expressément: s'il y a un Dieu qui destine toute chose ou, tout au moins, Qui sait toute chose, tous les événements future auront lieu nécessairement tels qu'ils ont été prévus par Lui. Pour cette raison, la négation du Tout-Puissant Créateur est une condition préalable de la liberté absolue de l'homme.
Nous nous proposons d'analyser ce point lorsque nous établirons une étude comparative entre les points de vue islamique et existentialiste.
L'HOMME DU POINT DE VUE DE L'ISLAM
En prenant en considération ce que nous avons déjà dit concernant l'homme et la portée de sa volonté et de son choix, nous pouvons tirer quelques conclusions. Ici nous nous référons brièvement à quelques principes seulement. Ce faisant, nous essaierons de réconcilier les points de vue fondamentaux de l'Ecole Existentialiste afin d'éclairer les questions prises en considération.
1. L'essence de l'homme (ce qu'il a et ce qu'il doit faire lui-même)
L'homme a une essence illimitée. Il a une nature à la fois terrestre et céleste. Il a des tendances variées et des capacités et des désirs divers. Mais il doit développer son essence individuelle, à travers ses efforts et sa volonté. Ses tendances et talents fournissent le terrain sur lequel il doit construire son essence et décider ce qu'il doit être.
2. La liberté humaine et le destin divin
L'homme est un agent libre, mais cette liberté lui a été conférée par Allah. Selon la terminologie de quelques écrivains contemporains, l'homme est destiné à être libre.
Aucune école de pensée n'affirme que c'est l'homme lui-même qui s'est donné la liberté. Elles s'accordent toutes pour admettre que la liberté lui a été donnée et imposée de l'extérieur. Si tel est le cas, pourquoi ne devrions-nous pas admettre qu'elle lui a été accordée par Allah(28) et qu'elle est un don divin?
On peut objecter qu'une telle croyance conduit à la prédétermination et qu'elle équivaut à la négation de la liberté de l'homme et de sa libre volonté.
Nous savons que selon la vision religieuse, s'il existe une contrainte divine concernant l'homme, cette contrainte va dans un sens positif, c'est-à-dire la contrainte de jouir d'une volition et de la liberté, et que s'il y a une prédétermination de la part d'Allah, elle signifie que l'homme doit exercer son choix avec conscience et liberté. De là, la volonté divine implique nécessairement - la liberté de l'homme et non sa prédestination.
3. Le domaine du choix et le rôle de la guidance
Nous savons que les besoins naturels, la Guidance divine et même les conditions de l'environnement affectent le choix de l'homme et sa liberté. Mais leur rôle n'est pas déterminant. Il consiste seulement en la création d'une tendance et en la préparation de la voie à l'action. C'est toujours la propre volonté libre de l'homme qui donne une forme déterminée à ces tendances et les modifie. Il lui appartient d'identifier la vérité et de tirer avantage de la Guidance avec sa perspicacité. Nous avons déjà dit que la Révélation divine est une Guidance qui éclaire, instruit et aide. C'est une Bénédiction d'Allah qui guide l'homme vers le droit chemin.
4. L'homme a un but
Nous avons déjà déclaré que l'Univers n'a pas été créé sans but, ni en vain. L'homme et la vie ne peuvent, non plus, être sans but. L'homme a été créé pour réaliser un progrès évolutif dans toutes les dimensions de son existence et en dernier lieu, pour effectuer un voyage vers la Perfection Absolue (comme nous l'avons indiqué plus haut).
5. L'homme est responsable
C'est l'homme qui a la responsabilité de se former lui-même et de constituer son environnement. Mais responsable devant qui?
Certaines écoles de pensée ne donnent pas de réponse à cette question, car elles soutiennent qu'il n'y a, au-delà de l'homme, aucune autorité consciente pour lui demander des comptes.
Mais en Islam il a bien une responsabilité, et cette responsabilité est vis-à-vis du Tout-Puissant, du Sage, de l'Omniscient, qui appellera chacun pour lui demander des comptes et le rétribuer.
Le Saint Coran dit:
«Vous serez interrogés sur ce que vous faisiez». (Sourate al-Nihal, 16: 93)
«Par Allah! Vous serez appelés à rendre des comptes pour ce que vous avez inventé». (Sourate al-Nihal, 16: 56)
«Arrêtez-les! Ils doivent être interrogés». (Sourate al-Çâffât, 37: 24)
«Allah ne peut pas être interrogé sur ce qu'IL fait, mais ils (les hommes) seront interrogés». (Sourate al-Anbiyâ', 21: 23)
Une telle responsabilité peut produire un grand effet, et servir de stimulant.
6. La vigilance et l'ardeur
Un homme ayant reçu une formation islamique est vigilant. En d'autres termes, il se sent impatient et préoccupé, parce qu'il est responsable de faire un bon choix. Il est responsable de son salut, de son bien-être et de celui de sa société. De même, il a à répondre de son éventuelle déchéance et de sa décadence. Chacune de ses actions est durable et produit un résultat. C'est pourquoi, cette préoccupation et cette vigilance sont constructives, accroissent sa responsabilité et affectent son choix.
7. L'homme n'est pas sans refuge
En Islam, la libre volonté de l'homme ne signifie pas que celui-ci soit sans refuge ni qu'il doive compter totalement et uniquement sur lui-même. Il est gratifié de la Protection et de la Faveur Divine. S'il fait un effort et se meut dans la bonne direction, il reçoit l'aide d'Allah(29). Il n'est pas seul; Allah est avec lui.(30) Vous pouvez dire que toute chose est entre les mains d'Allah. Si l'homme établit des relations avec Allah, les portes d'une pensée claire, de la connaissance et du pouvoir lui sont ouvertes.(31) Il se sent encouragé et un esprit d'un nouvel élan est infusé en lui.
8. Indépendance , crainte et espoir
L'Islam reconnaît une sorte particulière de "désappointement". On ne doit pas dépendre des actions des autres.(32) La famille, la position, les enfants et la fortune ne peuvent sauver personne.(33) Chacun est son propre formateur et doit compter sur ses propres actes.
Donc l'homme est un mélange de crainte et d'espoir,(34) de désir et d'appréhension. Sa crainte est telle qu'elle l'empêche de faire des fautes et de sombrer dans le péché. Elle n'est pas cette sorte de crainte qui peut le frustrer et le conduire à l'inertie.
Son espoir lui inspire les bonnes actions et fait de lui un être qui n'est ni hautain, ni égoïste, ni paresseux, ni mou.
L'HOMME DU POINT DE VU MATÉRIALISME DIALECTIQUE
Selon cette théorie philosophique, c'est la société qui a l'importance principale. L'homme est étudié seulement comme une partie de la société dont les lois de développement découlent de la loi dialectique qui est supposée gouverner la nature. Ainsi, pour pouvoir connaître les idées de cette école philosophique concernant l'homme, nous devons étudier les principes fondamentaux du matérialisme dialectique, relatifs à la nature et à la société. Là encore, nous devons tout d'abord reproduire les idées des interprètes de cette école. Après quoi, nous décrirons le point de vue de l'Islam sur ce qu'ils professent.
1. La nature ne consiste pas en des choses rassemblées, ni en des événements détachés les uns des autres. C'est un ensemble de choses et d'événements qui sont corrélatifs. Aucun phénomène de la nature ne peut être compris ou étudié séparément des autres événements naturels et de leur environnement.
2. La nature n'est ni statique ni en repos. Elle est en état de mouvement et de changement continu. A chaque moment quelque chose apparaît, change et évolue, et une autre chose est annihilée.
3. Le mouvement de développement des choses n'est pas un simple mouvement de croissance. Il est un développement dans lequel des changements mineurs et rapides vont se transformer subitement et rapidement en des changements qualitatifs ouverts et fondamentaux de caractère inévitable et imprévisible. Le mouvement de développement n'est ni un mouvement circulaire, ni une simple répétition d'une chose. C'est un mouvement en avant et une transformation d'un ancien état qualitatif à un nouvel état qualitatif. Ce mouvement s'effectue de bas en haut.
4. Toutes choses et tous événements naturels contiennent une contradiction interne. La précédente thèse existante entre en conflit avec une antithèse produite par elle. Leur conflit produit une nouvelle thèse, laquelle entre à son tour en conflit avec une autre antithèse qui émerge de son intérieur. Donc, la voie de cette évolution est déblayée. Selon cette théorie, tous les développements sont nés de cette même contradiction intérieure.
Maintenant, voyons ce que dit cette école à propos de l'homme et comment elle interprète l'histoire?
5. L'homme est un être matériel et naturel dont le cerveau et le système nerveux sont plus développés que ceux de tous les autres animaux, et à cause de cette évolution, il jouit d'une meilleure faculté de compréhension et de perception.
C'est la société qui a l'importance réelle. L'homme individuel est un être faible dont les efforts sont voués à l'échec. C'est la société qui lui octroie la volonté. L'homme sans la société est porté à commettre trop de fautes et il est toujours en danger de destruction totale.
6. Etant donné que le monde matériel existe indépendamment de la perception et de la pensée humaine, l'existence matérielle de l'homme et la vie matérielle de la société sont plus importantes que leur vie intellectuelle, laquelle n'est qu'un élément secondaire, dérivé de la vie matérielle. Même la perception et la pensée du peuple ne sont que le reflet du monde matériel.
7. Le moyen et les méthodes de production constituent la vie de la société. A différents stades du développement de la société, les méthodes de production et les instruments utilisés à ce propos sont différents. Dans le système social primitif, les gens avaient une méthode de production différente de celle du système de l'esclavagisme. De même, dans le système féodal, la méthode et les instruments utilisés sont eux aussi différents de ceux des époques précédentes. Et ainsi de suite. Et puisque les méthodes de production changent, le système social des gens, leur vie intellectuelle, leurs idées et leur organisation politique aussi subissent des changements.
8. La principale force motrice de l'histoire est le changement dans les moyens et les méthodes de production, lequel provoque une contradiction avec les anciennes relations de production. A la suite de ce conflit et de cette contradiction, les relations de production subissent un changement.
A chaque période de l'histoire, le système économique et social qui avait subi un tel changement a constitué l'histoire politique et intellectuelle de cette période. Par conséquent, depuis que la propriété terrienne a remplacé le système social primitif, l'histoire est devenue principalement un registre de la guerre de classes entre les oppresseurs et les opprimés, les gouvernants et les gouvernés. C'est cette contradiction et ce conflit qui suscitent les différents stades de l'évolution de la société.
9. Selon les idées de cette école, l'histoire comporte cinq périodes qui se sont succédé. Ce sont: 1) Le socialisme primitif; 2) L'esclavage; 3) La féodalité; 4) Le capitalisme, et en dernier lieu, 5) Le socialisme conduisant au communisme.
10. Concernant le rôle des nouvelles idées dans la provocation d'un changement dans la société, cette école dit:
Les nouvelles idées sociales et les nouvelles théories sociales apparaissent seulement lorsqu'un changement dans la vie matérielle de la société crée de nouveaux devoirs envers la société. Etant donné que les nouvelles idées se développent, elles se transforment en une force qui facilite l'acquittement des nouveaux devoirs et rend la société capable de progresser. Et puisque chaque changement est provoqué par une contradiction, celle-ci doit être intensifiée à l'intérieur de la société, afin que la solution des problèmes que connaît la société puisse être trouvée. C'est seulement la contradiction qui introduit les nouvelles idées et les nouvelles théories qui aident à résoudre les problèmes existants.
L'approche de l'Islam de ces questions
En ce qui concerne les thèmes évoqués dans les quatre premiers points énumérés, nous les avons abordés en détail dans les chapitres précédents de ce livre. Toutefois, pour maintenir la continuité, nous nous y référons encore ici, mais brièvement.
1. Il n'y a pas de doute qu'il existe une cohérence et une harmonie bien déterminées dans l'Univers, et que tous les éléments et phénomènes de la nature sont minutieusement corrélatifs. C'est pourquoi, il n'est pas possible d'avoir une connaissance juste et complète de n'importe quel phénomène naturel sans connaître tous les éléments qui le forment, et tous les facteurs et causes qui l'affectent, ainsi que ses relations et sa tendance évolutive.
2. Tous les phénomènes naturels sont sans cesse et d'une façon ininterrompue en état de mouvement. Aucun élément matériel, ni aucun phénomène naturel, n'est statique ni en repos. Le changement et l'évolution, la croissance et la décadence, la vie et la mort, la transformation et la transfiguration sont les lois par lesquelles la matière est gouvernée.
3. En somme, tout ce mouvement est évolutif et progressif. Il a une finalité, il est bien calculé et bien organisé. D'une manière générale, le résultat final de ce mouvement du monde et de ces phénomènes est la croissance, le développement, la résistance contre les facteurs anti-évolutifs, l'utilisation des facteurs positifs pour le progrès et l'amélioration.
4. Ce mouvement et cette transformation ont certaines caractéristiques et produisent certains effets selon les lois relatives à la matière et à la nature. Ces lois affectent toute chose matérielle de l'intérieur et de l'extérieur, et influencent sa relation avec les autres phénomènes. Cette influence peut s'exercer soit sous forme de contradictions et de conflits, soit sous forme d'harmonie et d'accord, soit tout simplement sous forme de préservation de l'existence et de la croissance de la chose en question.
La somme globale de ces lois et relations constitue les Voies Divines, le dessein créatif et la volonté judicieuse d'Allah. Comme nous le verrons, ces Voies Divines opèrent sans cesse et sans interruption dans la nature et dans la société.
Maintenant nous arrivons au point principal de notre discussion relative à l'home et à la société. Le point de vue islamique sur ce sujet peut être résumé comme suit:
5. L'homme est une partie de la nature et il a des caractéristiques matérielles et naturelles. Mais il est parvenu à un tel stade d'évolution qu'il est devenu propre à être gratifié de l'Esprit Divin et des valeurs surnaturelles. Par conséquent, il a acquis les facultés de libre volonté, de connaissance et de responsabilité. A cause de ces dons, il n'est pas subordonné aux phénomènes naturels, ni prisonnier des relations génétiques. Au contraire, il est capable de dominer la nature et de provoquer des changements dans les relations matérielles et les phénomènes naturels.
6. Bien qu'il fasse partie intégrante de la société, l'homme est, comme nous le savons, un être indépendant. II n'est pas si subordonné à la société qu'il ne puisse avoir une volonté personnelle, la liberté personnelle et le droit de choisir. Sa conduite n'est pas déterminée seulement par la société et l'histoire, bien qu'on ne puisse le considérer comme un être séparé de la société.
7. Etant donné que l'existence tout entière de l'homme n'est pas le résultat direct de l'évolution de la matière, sa vie intellectuelle et mentale ne peut être inspirée et dérivée uniquement de la matière, des relations matérielles et génétiques de la société. Néanmoins, puisqu'il est enfoncé dans la matière et qu'il en a émergé, les conditions naturelles, géographiques et physiques et les relations matérielles dans la société ne manquent pas de l'affecter.
8. La contradiction qui existe à l'intérieur de l'homme est le produit du conflit entre ses désirs matériels (les désirs humains) et ses impulsions célestes (des inspirations venant d'Au-delà de ce Monde). Etant donné que l'homme est doué de connaissance, il doit faire le meilleur usage de cette contradiction et faire des efforts en vue de modifier toutes ses impulsions et de les guider vers sa propre évolution, vers l'amélioration de son milieu, vers la formation et le progrès de l'humanité.
Lorsque nous discutions du matérialisme dialectique, nous avons reproduit certaines idées ayant un rapport direct avec la conception historique de cette école. De là, il sera tout à fait naturel d'étudier aussi la conception islamique de l'histoire et des facteurs qui la font évoluer. Aussi, nous proposons-nous de traiter cette question dans le détail.
Notes :
1. «... Nous vous avons créés d'argile, puis d'une goutte de sperme, puis d'un caillot de sang, puis d'un morceau de chair... » (Sourate al-Hajj, 22: 5)
2. «... puis de cela Nous avons produit un nouvel être...» (Sourate al-Mo'min, 23: 14)
3. «IL l'a parachevé et insufflé en lui de Son Esprit». (Sourate al-Sajdah, 32: 9)
4. «Nous avons ennobli les fils d'Adam... et Nous leur avons conféré une supériorité sur beaucoup de Nos créatures». (Sourate al-Asrâ', 17: 70)
5. «Lorsque JE l'ai parachevé et que J'ai insufflé en lui Mon Esprit: Tombez prosternés devant lui». (Sourate Çâd, 38: 72)
6. «Lorsque ton Seigneur dit aux anges: "JE vais établir un lieutenant sur la Terre». Sourate al-Baqarah, 2: 30)
7. «Ne voyez-vous pas qu'Allah a mis à votre service ce qui est dans les Cieux et ce qui est sur la Terre?» (Sourate Luqmân, 31: 20)
8. «IL vous a créés de la Terre et IL vous y a établis». (Sourate Houd, 11: 61)
9. «C'est Lui qui a fait pour vous la Terre très soumise. Parcourez donc ses vastes étendues et mangez ce qu'Allah a produit». (Sourate al-Molk, 67: 15)
10. «Nous avons ennobli les fils d'Adam. Nous les avons portés sur la terre ferme et sur la mer». (Sourate al-Isrâ', 17: 70)
11. «L'homme pensera-t-il que nous allons le laisser libre». (Sourate al-Qiyâmah, 75: 36)
12. «Pensiez-vous que Nous vous avions créés sans but et que vous ne seriez pas ramenés vers Nous?» (Sourate al-Mo'min, 23: 115)
13. «Nous avons créé l'homme, pour l'éprouver, de l'union d'un sperme et d'un oeuf. Nous lui avons donné l'ouïe et la vue». (Sourate al-Dahr, 76: 2)
14. «Par l'âme et Son Créateur qui lui a inspiré ce qui est bon et ce qui est mauvais pour elle». (Sourate al-Chams, 91: 7-8)
15. «Suis les commandements de la (vraie) nature humaine telle qu'elle a été créée par Allah. La création d'Allah ne change pas. Voici la religion droite». (Sourate al-Roum, 30: 30)
16. «... Nous avions proposé le "Dépôt" de la Foi aux Cieux, à la Terre et aux montagnes. Ceux-ci ont refusé de s'en charger, ils en ont été effrayés. Seul, l'homme s'en est chargé, ... » (Sourate al-'Ahzâb, 6: 72)
17. - «Suis les commandements de la (vraie) nature humaine, telle qu'elle a été créée par Allah». (Sourate al-Roum, 30: 30)
- «L'homme a été créé sans repos». (Sourate al-Ma'ârij, 70: 19)
- «L'amour des joies que procurent les femmes, les enfants, les lourds amoncellements d'or et d'argent, les chevaux racés, le bétail et les plantations, est enjolivé aux gens». (Sourate Ale 'Imrân, 3: 14)
- «Il est passionné dans son amour des richesses». (Sourate al-'Adiyât, 100: 8)
18. «L'homme se rebelle, dès qu'il se considère comme étant indépendant et auto-suffisant». (Sourate al-'Alaq, 96: 6-7)
19. «Juge les hommes selon la justice et ne suds pas tes propres caprices qui te feraient dévier du Chemin d'Allah». (Sourate Çâd, 38: 26)
20. «Si Nous lui faisons goûter un bienfait, après que le malheur l'a touché, il dit: "Les maux se sont éloignés de moi" et il devient fier et insolent; sauf ceux qui sont fermes et qui font des oeuvres bonnes». (Sourate Houd, 11: 10-11)
21. «Voilà la punition dont Allah menace Ses serviteurs. Mes serviteurs! Craignez-Moi donc!» (Sourate al-Zumar, 39: 16)
22. «Prospère est celui qui se purifie». (Sourate al-Ghâchiyah, 87: 14)
23. «Ceux qui se gardent de leur propre avidité seront prospères». (Sourate al-Hachr, 59: 9)
24. «Adorez Allah et faites le bien afin que vous soyez prospères». (Sourate al-Hajj, 22: 77)
25. «Prospères sont les croyants qui sont humbles dans leurs prières, qui évitent ce qui est absurde...». (Sourate al-Mo'minoun, 23: 1-11)
26. «O les croyants! Soyez patients! Encouragez-vous mutuellement à la patience! Etablissez de bonnes relations entre vous et craignez Allah, afin que vous puissiez être prospères». (Sourate Ale 'Imrân, 3: 200)
27. «... Ils appellent à la vertu, exhortent à ce qui est bien et interdisent ce qui est mal. Voilà ceux qui seront prospères». (Sourate Âle 'Imrân, 3: 104)
28. «Nous avions proposé le Dépôt...» (Sourate al-Ahzâb, 33: 72)
29. «Nous dirigeons sur Nos Chemins ceux qui font des efforts pour Notre cause». (Sourate al-'Ankabout, 29: 69)
30. «Nous sommes plus près de l'homme que sa veine jugulaire». (Sourate Qâf, 50: 16)
31. «Ne perdez pas courage; ne vous affligez pas, car vous aurez une vraie dignité, si vous êtes croyants». (Sourate Âle 'Imrân, 3: 139)
32. «Personne ne portera le fardeau de quelqu'un d'autre». (Sourate Fâtir, 35: 18)
33. «Le Jour où ni la richesse, ni les enfants ne seront utiles, sauf pour ceux qui iront à Allah avec un coeur pur». (Sourate al-Chu'arâ', 26: 88-89)
34. - «O Mes serviteurs! Vous n'avez rien à craindre ni à regretter aujourd'hui». (Sourate al-Zukhruf, 43: 68)
- «Ils s'arrachent de leur lit pour invoquer leur Seigneur avec crainte et espoir». (Sourate al-Sajdah, 32: 16)
- «Ils craignent leur Seigneur et redoutent les mauvais résultats de leur compte». (Sourate al-Ra'd, 13: 21)

 

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