Le Prophète (Ç) et sa Suppléance

Allah fait les louanges de Son Messager, le Prophète Muhammad (Ç), dans les termes suivants :
«[O Gens !] Un Prophète pris parmi vous vous a été envoyé. Il est affligé quand vous souffrez. Il est très concerné par votre bien-être. Il est compatissant et miséricordieux envers les Croyants.» (Sourate al-Tawbah, 9 : 128)
Or, il est inconcevable que le Prophète (Ç) qui, selon le Coran, était si bon et si soucieux envers de ses adeptes, laisse ceux-ci sans orientation et néglige de les informer de l'un des Commandements Divins qui était, sans conteste, pour l'ensemble de la Communauté musulmane, de première importance, à savoir la question de sa Succession et du sort de la Religion après sa disparition. Aucun bon sens ne peut concevoir un instant une telle éventualité ou une telle négligence de la part du Prophète d'Allah.
Le Prophète (Ç) savait mieux que quiconque que l'institution de l'Islam n'était pas un système destiné à durer une dizaine ou une vingtaine d'années seulement -auquel cas il pourrait en assurer le contrôle et la direction tout seul-, mais que c'était un processus éternel visant à guider l'humanité vers la prospérité jusqu'à la fin du monde. C'est pourquoi, après avoir prédit des événements qui auraient lieu des milliers d'années après sa disparition, il donna des instructions et décréta des Commandements pour sauvegarder la Religion et préserver son intégrité et son bon fonctionnement quand il ne serait plus là.
Le Prophète (Ç) savait aussi très bien qu'étant donné que la Religion était un système social et que, puisqu'aucun système ne peut fonctionner même l'espace d'un moment sans un contrôle approprié, l'Expérience islamique avait besoin d'un Dirigeant capable de sauvegarder ses Enseignements, de faire appliquer et respecter ses Commandements, et de guider l'humanité vers la paix, la prospérité et le Salut, dans ce monde et dans l'Autre, en maintenant en état le fonctionnement les rouages de la société.
Dès lors, comment eût-il été possible que le Prophète (Ç) oublie les événements qui auraient lieu après sa disparition, et qu'il néglige de jeter la lumière sur la solution pertinente à une telle situation à venir ?
Ce qui prouve qu'une telle négligence n'était pas possible de la part du Prophète (Ç), c'est le fait que chaque fois qu'il quittait Médine, soit pour diriger une bataille, soit pour accomplir le Hajj, il désignait un représentant pour veiller aux affaires de l'Etat, et chaque fois qu'une ville tombait aux mains des Musulmans, il nommait un gouverneur pour en diriger l'administration. De même, chaque fois qu'une armée était dépêchée vers un champ de bataille, il nommait son commandant. Mieux, parfois il allait encore plus loin en désignant plusieurs commandants pour se succéder au cas où le commandant tomberait en Martyr au cours du combat.
Lorsqu'on tient compte de ce souci permanent du Prophète (Ç), de ne laisser rien au hasard et de désigner toujours un dirigeant pour toute institution, comment peut-on concevoir un instant qu'il ait pu quitter ce monde sans penser à nommer quelqu'un pour lui succéder à la tête du jeune Etat islamique ?
En bref, quiconque examine sérieusement les idéaux et les objectifs de l'Islam, et les qualités infaillibles de son fondateur, le Prophète (Ç), conclura sans aucune hésitation que l'Imamat (Direction) ou la Walâyah (Suppléance) était l'un des Principes inséparables de l'Expérience islamique.
Le Prophète (Ç) nomme son Successeur
En ce qui concerne la question de savoir qui devrait lui succéder après sa disparition, le Prophète (Ç) ne se contenta pas de désigner verbalement son Successeur, mais il prit soin, dès le premier jour de sa Prophétie, de trancher cette question une fois pour toutes en même temps qu'il prêchait le monothéisme ou le rôle du Prophète en Islam, en déclarant que l'Imam 'Alî (S) était le gardien et le maître pour toutes les affaires temporelles et spirituelles des Musulmans.
Selon une Tradition citée par des sources sûres aussi bien Sunnites que Chi'ites, le jour où le Prophète (Ç) reçut l'Ordre d'Allah de proclamer publiquement sa Mission, il invita ses proches parents à une réunion au cours de laquelle il déclara le Commandeur des Croyants, l'Imam 'Alî (S), comme étant son vizir (ministre), le Gardien et le Successeur après lui.
Mieux encore, vers la fin de sa vie, un jour il prit la main de l'Imam 'Alî (S) et la leva au-dessus de ses épaules, devant ne foule de cent vingt mille personnes réunies à Ghadîr Khum, et il s'écria : «Pour quiconque je suis le Gardien et le Maître, 'Alî aussi est son Gardien et son Maître.»(1)
En outre, le Prophète (Ç) avait également mentionné les Imams comme des Dirigeants spirituels qui devraient succéder à l'Imam 'Alî (S). Il ne s'était pas contenté de mentionner leur nombre -douze- mais il avait également prononcé leurs noms et décrit aussi leurs attributs.
Dans une Tradition bien connue, citée par des traditionnistes(2) aussi bien Sunnites que Chi'ites, le Prophète (Ç) dit : «Il y a seulement douze Imams, qui sont tous issus des Qoraych.»
Selon une autre Tradition célèbre, le Prophète (Ç), s'adressant à Jâbir ibn 'Abdullâh al-Ançârî, dit : «Il y a douze Imams.» Et il se mit à les nommer un par un avant d'ajouter : «Tu vivras jusqu'à l'époque du cinquième Imam [Muhammad al-Bâqer]. Transmets-lui mes respects et mes bénédictions.»
En plus, le Prophète (Ç) avait désigné spécialement le Commandeur des Croyants, l'Imam 'Alî (S), comme son Successeur immédiat. Dans la même Tradition, l'Imam 'Alî (S) nomma lui aussi ses Successeurs, et chacun de ceux-ci nommera les Imams lui succédant.
L'Infaillibilité de l'Imam (S)
Des détails précédents, il ressort clairement que, comme les Prophètes, un Imam est lui aussi infaillible, c'est-à-dire qu'il est à l'abri de toute possibilité de commettre une erreur ou un péché, autrement la Guidance Divine aurait risqué de devenir si défective qu'elle n'aurait plus sa raison d'être.
Les Qualités morales de l'Imam (S)
L'Imam doit posséder de hautes qualités morales, telles que le courage, la conduite chevaleresque, la piété, la générosité, la justice, la loyauté, car celui qui est immunisé contre le péché doit traduire dans sa conduite tous les Principes et Enseignements religieux, lesquels professent les qualités morales et visent à les inculquer aux gens. Dès lors, il est logique que l'Imam possède pleinement de telles qualités, étant donné qu'il occupe une position supérieure à celle du reste des gens ; autrement, il serait ridicule qu'un homme guide un autre homme supérieur à lui, et en même temps ce serait contraire à la Justice Divine.
La Connaissance de l'Imam (S)
L'Imam étant le Chef de la Religion, et le Dirigeant de l'ensemble de l'humanité, il est nécessaire qu'il possède une connaissance de tous les problèmes humains qui ont un impact important sur la vie de l'homme, dans la vie d'ici-bas et dans l'Au-delà. En d'autres termes, il doit connaître toutes les questions qui ont trait directement au bonheur et à la prospérité de l'homme. En outre, on ne saurait attendre d'un homme ignorant qu'il assume le rôle de Dirigeant et de Guide de ceux qui sont sages et instruits. Du point de vue de la Guidance Divine, une telle possibilité ne pourrait jamais être tolérée.
Les Quatorze Infaillibles (S)
Le Saint Prophète Muhammad (Ç), sa fille Fâtimah (S), et les Douze Saints Imams (S) sont les Quatorze Infaillibles. Parmi ces quatorze Personnages Saints, les cinq premiers, c'est-à-dire le Saint Prophète (Ç), l'Imam 'Alî (S), la Dame Fâtimah (S), l'Imam al-Hassan (S) et l'Imam al-Hussayn (S) sont les "Açhâb al-Kisâ'" (les Gens du Manteau). Ce nom leur a été donné parce qu'un jour le Prophète (Ç) les avait rassemblés sous un manteau, et avait prié pour eux, à la suite de quoi Allah lui avait révélé le Verset suivant :
«O Gens de la Maison [du Prophète] ! Allah veut éloigner de vous toute souillure et vous purifier totalement.» (Sourate al-Ahzâb, 33 : 33)
Les Saints Imams (S)
Les Imams (S), qui sont les Successeurs du Prophète (Ç) et les Dirigeants spirituels de l'humanité dans ce monde, sont les douze Imams (S) dont le nombre avait été textuellement fixé par le Messager d'Allah dans nombre de hadith (Traditions) authentiques unanimement admis par les Musulmans. Leurs noms, dans l'ordre, sont les suivants :
1 - L'Imam 'Alî ibn Abî Tâlib, al-Murtadhâ (S)
2 - L'Imam al-Hassan ibn 'Alî, al-Mujtabâ (S)
3 - L'Imam al-Hussayn ibn 'Alî, al-Chahîd (S)
4 - L'Imam 'Alî ibn al-Hussayn, al-Sajjâd (S)
5 - L'Imam Muhammad ibn 'Alî, al-Bâqer (S)
6 - L'Imam Ja'far ibn Muhammad, al-Çâdiq (S)
7 - L'Imam Mûsâ ibn Ja'far, al-Kâdhim (S)
8 - L'Imam 'Alî ibn Mûsâ, al-Redhâ (S)
9 - L'Imam Muhammad ibn 'Alî, al-Taqî (S)
10 - L'Imam 'Alî ibn Muhammad, al-Naqî (S)
11 - L'Imam al-Hassan ibn 'Alî, al-'Askarî (S)
12 - L'Imam Muhammad ibn al-Hassan, al-Mahdî (S)
Les Mérites des Saints Imams (S)
Les Ahl-ul-Bayt (S) sont les douze Descendants Elus du Prophète (Ç), constituant les modèles exacts des Enseignements et de la Guidance du Messager d'Allah, et leurs mérites sont les mêmes que ceux du Prophète (Ç).
Pendant une période de deux cent cinquante ans, c'est-à-dire depuis l'an 11 de l'Hégire -année du décès du Prophète (Ç)- jusqu'à l'an 260 de l'Hégire -année de l'Occultation du dernier Imam, al-Mahdî (S)- les Imams (S) durent affronter des conditions diverses et garder le contact avec les gens. Mais leur seul objectif restait toujours de veiller, conformément aux Commandements du Prophète (Ç), à la sauvegarde des Principes fondamentaux de l'Islam, et d'empêcher les gens de se livrer à des innovations et des déformations de ces Principes, afin de garder pure et intacte l'idéologie de l'Islam. Autant que faire se pouvait, les Saints Imams n'abandonnaient pas leur position à cet égard.
La période de vingt-trois ans de la Mission Prophétique se divise en trois phases. Pendant les trois premières années de cette Mission, le Saint Prophète (Ç) prêcha la Religion en privé. Par la suite, et pendant dix ans, il appela les gens ouvertement et publiquement à l'Islam. Durant cette phase, il dut subir, avec ses disciples dévoués, un traitement extrêmement sévère et cruel que les infidèles leur infligèrent. Dans de telles conditions, le Prophète (Ç) ne put opérer une réforme très profonde et très large de la société humaine. Pendant la troisième et dernière phase, qui dura dix ans, et qui commença après son Emigration à Médine, le Prophète (Ç) entra dans un environnement propice à la propagation de la Vérité. Au cours de cette phase, l'Islam fit de grands pas vers le progrès et, peu à peu, de nouvelles perspectives de Connaissance, de Sagesse et de Perfection s'ouvrirent aux gens.
Ainsi, bien que dans chacune de ces trois phases, les moyens et la façon d'agir du Prophète (Ç) aient été différents, ses efforts visaient invariablement à projeter et à soutenir la Vérité.
En ce qui concerne les Imams, leur période et leurs conditions de travail furent similaires à celles dans lesquelles avait travaillé le Prophète (Ç) avant son Emigration.
Parfois, les Imams se trouvaient dans un environnement similaire à celui qui avait prévalu pendant les trois premières années de la Mission, au cours desquelles le Prophète (Ç) ne pouvait propager la Vérité publiquement. Les Imams étaient contraints d'accomplir leurs devoirs et de remplir leurs fonctions avec beaucoup de précautions. Par exemple, pendant la période de l'Imam al-Sajjâd (S), de même que vers la fin de l'époque de l'Imam Ja'far al-Çâdiq (S), les conditions ressemblaient à celles de la Mission avant l'Emigration.
De même que, au début de sa Mission, le Prophète (Ç) n'avait pas pu progresser rapidement dans son action, en raison de l'oppression des idolâtres, de même les Imams ne purent dispenser suffisamment la Connaissance religieuse, en raison de la répression et de l'hostilité des autorités à leur égard.
Toutefois, la seule période où les conditions de l'action des Imams furent positives et comparables à celles qui avaient prévalu pendant les dix années de la Mission qui suivirent l'Emigration du Saint Prophète, furent les cinq années du Califat de l'Imam 'Alî, une courte période de la vie de la fille bien-aimée du Prophète, Fâtimah al-Zahrâ', et de l'Imam al-Hassan, et quelques jours de la vie de l'Imam al-Hussayn.
En bref, à l'exception de cette courte période, l'époque des Imams (S) fut tellement dure et défavorable que ceux-ci ne pouvaient prononcer un mot contre les gouvernants. Par conséquent, ils furent contraints d'adopter une politique de contrainte et de Taqiyyah (dissimulation de contrainte) aussi bien dans leurs paroles que dans leur conduite, afin de ne laisser à la clique au pouvoir aucun prétexte pour les soumettre à l'oppression et les faire disparaître de la scène. Malgré cette politique de réserve, les ennemis cherchaient le moindre prétexte pour les éliminer totalement.
Les Saints Imams et les gouvernants despotiques
Après la disparition du Prophète (Ç), les différents régimes qui se succédèrent au pouvoir, et qui se prétendaient tous islamiques, avaient une haine profonde et inextinguible à l'égard des Ahl-ul-Bayt (S).
Pourtant le Prophète, comme nous l'avons vu, n'avait manqué aucune occasion de souligner les mérites élevés et les qualités des Ahl-ul-Bayt (S), et notamment leur Sagesse et leur infaillibilité concernant la compréhension de la signification des Versets coraniques et la connaissance du licite et de l'illicite en Islam, et c'est là la raison pour laquelle il était devenu obligatoire pour tout Croyant de les tenir au plus haut degré de l'estime. Mais par une ironie du sort, ce furent les gouvernants, ceux-là mêmes qui étaient censés faire appliquer les Commandements de l'Islam, qui faillirent à leur devoir religieux envers les Ahl-ul-Bayt.
Il est établi que le Prophète (Ç) déclara l'Imam 'Alî (S) comme étant son Successeur, aussi bien dès le premier jour de son Appel public à l'Islam, lorsqu'il invita ses proches parents, que pendant les derniers jours de sa vie, à Ghadîr Khum et ailleurs. Mais, après sa disparition, certaines personnalités influentes choisirent, au mépris du Testament et de la volonté clairement exprimée du Prophète (Ç), un autre homme pour lui succéder, privant ainsi les Ahl-ul-Bayt (S) de leur droit légitime à présider aux destinées de la Ummah. C'est cette usurpation du droit légitime des Ahl-ul-Bayt (S) à succéder au Prophète (Ç), qui conduira les différentes dynasties qui accéderont au pouvoir à considérer les Successeurs légitimes du Prophète (Ç), les Ahl-ul-Bayt (S), comme des adversaires dangereux qu'il leur faudra éliminer absolument, par tous les moyens.
La différence fondamentale entre les Ahl-ul-Bayt (S) et les régimes qui usurpèrent le pouvoir, résidait en ceci que les premiers estimaient qu'il était indispensable pour l'Etat islamique de fonctionner selon les Lois et Règles Divines, et de prendre en outre les mesures nécessaires pour protéger ces Lois et Règles contre toute innovation déformatrice ou altération, alors que les régimes qui s'emparèrent du pouvoir après la disparition du Prophète (Ç) montrèrent, par leurs agissements, qu'ils ne se souciaient nullement de l'application des Lois islamiques, et ils n'hésitèrent pas à passer outre aux Enseignements du Prophète (Ç) et à considérer comme le dernier de leurs soucis la Règle islamique qui commande à tout Musulman de suivre l'exemple du Prophète (Ç). Pourtant, en divers endroits et à plusieurs reprises, le Saint Coran interdit au Prophète (Ç) et à ses disciples de se livrer à toute innovation ou altération des Commandements Divins. En outre, Allah a mis les gens en garde contre toute opposition, si minime soit-elle, aux Commandements religieux.
Le Prophète (Ç) lui-même, pour bien marquer le caractère inaltérable des Lois Divines, prit soin de les appliquer telles quelles, partout et à tout le monde, sans distinction.
Selon les Révélations Divines, la stricte observance des Lois et Principes Divins a été rendue obligatoire pour tout le monde, sans exception, y compris pour le Prophète (Ç) lui-même ; par conséquent, la Charî'ah, ou Code religieux de la conduite et des Croyances, est devenue applicable à tout un chacun, à toute époque et en tout lieu. C'est en raison de ce Principe de justice et d'égalité que toute espèce de discrimination fut complètement bannie dans l'Etat islamique à l'époque du Prophète (Ç).
Bien qu'il fût, par la Volonté d'Allah, un Dirigeant et un Gouvernant absolu, le Saint Prophète (Ç) lui-même ne s'était permis aucun privilège dans sa vie privée ou publique. Il n'acceptait aucune pompe ni aucune ostentation. Dirigeant, il l'était effectivement, mais cependant il refusait tout protocole et tout apparat. Malgré sa très haute position, il ne se donnait jamais des airs. Les étrangers qui venaient le voir ne pouvaient pas le distinguer des personnes qui l'entouraient.
A l'époque du Prophète (Ç), on ne voyait aucune distinction entre les différentes classes sociales. Homme ou femme, privilégié ou défavorisé, riche ou pauvre, fort ou faible, citadin ou villageois, captif ou maître, noir ou blanc, l'être humain était toujours le même et avait droit à un traitement identique. Chacun se sentait responsable de se conformer à ses obligations religieuses. Toute personne savait qu'elle n'avait pas à baisser la tête, en signe de soumission, devant ceux qui détenaient le pouvoir et la force, ni à se soumettre aux persécutions des tyrans.
Si l'on réfléchit profondément, on s'aperçoit clairement (notamment en regardant ce qui s'est passé après la disparition du Messager) que le seul objectif que le Prophète (Ç) poursuivait, et voulait mettre en évidence par sa noble conduite, était l'application juste et équitable des Commandements Divins.
Malheureusement, et c'est là sans doute la raison de la détérioration de la condition de la Ummah, les gouvernants qui s'emparèrent du pouvoir après lui n'ont pas adopté la conduite qu'il avait prescrite. Bien au contraire, ils se livrèrent à des actions tout à fait différentes qui aboutirent aux conséquences désastreuses suivantes :
1) En un court laps de temps, des différends et des dissensions sérieux surgirent, qui divisèrent la Ummah en deux groupes : les plus forts et les plus faibles. La vie, les biens, l'honneur et la dignité de la catégorie des dépossédés se trouvèrent à la merci des despotes.
2) Peu à peu l'Etat islamique prit des libertés avec les Injonctions de l'Islam. Tantôt au nom du bien-être de la société, tantôt sous prétexte de la sécurité de l'Etat ou de la stabilité du gouvernement, les gouvernants usèrent de manoeuvres dilatoires pour ne pas appliquer les Lois islamiques. Cet état de choses se poursuivit en s'amplifiant. Le prétendu Etat islamique refusait toujours de prendre la responsabilité de rétablir le système islamique. Dès lors, il est évident que le résultat ne pouvait être que le chaos et la confusion, l'Etat lui-même omettant de respecter les Lois qui régissaient le système qu'il était censé contrôler.
En un mot, les régimes contemporains des Imams d'Ahl-ul-Bayt (S) -lesquels étaient écartés du pouvoir- plièrent les Enseignements islamiques au gré des circonstances et des intérêts du moment, ce qui fit que leur conduite devint totalement différente de celle du Prophète (Ç), alors que les Ahl-ul-Bayt (S) adoptaient et professaient une conduite identique et conforme à la Loi coranique et aux Traditions du Prophète (Ç) en toutes circonstances. Compte tenu de cette contradiction et de cette incompatibilité entre les régimes despotiques de l'époque et les Ahl-ul-Bayt (S), les premiers (les gouvernants) prirent toutes les mesures oppressives possibles pour mettre les seconds hors d'état de s'opposer à leurs agissements contraires aux Enseignements islamiques, et ils s'efforcèrent même de mettre fin à leur vie.
Malgré toutes les épreuves qu'ils subissaient, les Ahl-ul-Bayt (S) restèrent inébranlables, prêtant peu d'attention aux dangers qu'ils couraient, et ils consacrèrent toute leur vie au seul objectif qui constituait leur raison d'être, à savoir s'acquitter de leur devoir d'appeler les gens aux Principes et Commandements islamiques et guider les gens pieux et vertueux.
Pour comprendre l'impact et l'importance de l'action des Ahl-ul-Bayt (S), en dépit des conditions défavorables dans lesquelles ils travaillaient, il est nécessaire de se référer à l'Histoire et de prendre en considération la force numérique des Musulmans Chi'ites pendant les cinq années du Califat du Commandeur des Croyants, l'Imam 'Alî (S). Or il ne fait pas de doute que cette force et ce grand nombre (de Chi'ites) s'étaient constitués pendant les vingt-cinq années au cours desquelles l'Imam 'Alî avait été écarté du pouvoir, avant son accession au Califat.
De même, une large majorité des Chi'ites qui se rassembla autour de l'Imam Muhammad al-Bâqer (le cinquième Imam) (S) avait reçu, discrètement et tranquillement, l'éducation et la Guidance de son honorable père, l'Imam al-Sajjâd (le quatrième Imam) (S).
De la même manière, les centaines et les milliers de personnes qui se dévouaient pour l'Imam al-Redhâ (le huitième Imam) (S) et pour les Ahl-ul-Bayt (S), avaient été, en fait, éclairés par les Enseignements de l'Imam Mûsâ al-Kadhîm (le septième Imam) (S) qui, depuis les ténèbres du cachot où il passait sa vie, avait répandu la Lumière de l'Islam.
On peut dire en conclusion, et d'après ces faits, que les Enseignements et la Guidance des Ahl-ul-Bayt (S) séduisirent tellement les coeurs des gens que les Musulmans Chi'ites, qui étaient en nombre insignifiant à l'époque de la disparition du Prophète (Ç), devinrent presque innombrables pendant les derniers jours des Ahl-ul-Bayt.
Comme il a été noté plus haut, les Ahl-ul-Bayt passaient leur vie dans des conditions difficiles et sévères, subissant toutes sortes de persécutions que leur infligeaient les gouvernants despotiques. Cependant, ils ne renoncèrent jamais à leur tâche consistant à enseigner aux gens et à les guider, en recourant à la Taqiyyah (dissimulation de contrainte). Seuls quatre, parmi les douze Imams, purent dispenser librement leurs Enseignements sans le recours à la Taqiyyah, bien que ce fût pendant une courte période.
Maintenant, passons en revue, brièvement, les grandes lignes de la vie de chacun des membres bénis des Ahl-ul-Bayt.
L'Imam 'Alî (S)
L'Imam 'Alî (S), fils d'Abû Tâlib, était le modèle parfait de l'éducation et de la protection que lui avait assurées le Prophète (Ç).
En effet, depuis son enfance, l'Imam 'Alî (S) avait été élevé par le Prophète. Son amour et son affection pour son éducateur de marque étaient tellement immenses qu'il restait toujours près du Messager d'Allah. Il fut le seul à avoir le privilège de porter dans ses bras le corps du Prophète et de le déposer dans la tombe.
L'Imam 'Alî (S) possédait un savoir universel et une personnalité incomparable. On peut dire, sans risque d'être contredit, que les commentaires et les discussions sur la vie, les vertus et les qualités de l'Imam 'Alî (S) sont trop vastes pour être comparés à ceux faits à propos de n'importe quelle autre grande personnalité du monde. Les Chi'ites et les Sunnites, aussi bien que les théologiens et savants non- musulmans, ont écrit des centaines, voire des milliers de livres à son sujet.
Bien que les détracteurs et les partisans de l'Imam 'Alî aient beaucoup débattu à propos des différents aspects de sa vie et de son action, personne n'a jamais pu déceler la moindre faiblesse dans sa Foi. En outre, personne n'a jamais trouvé la moindre défaillance dans ses célèbres hautes qualités de chevalerie, de courage, de piété, de bonté, de savoir, de sagesse, de justice, de bienveillance et d'incarnation de Dons Divins. On peut donc dire que l'Imam 'Alî (S) était un homme qui n'avait que des qualités et des vertus. En d'autres termes, il incarnait tout ce qui est considéré comme la vertu et la bonté, et constituait un modèle de la perfection dans tous ses aspects.
L'Histoire atteste que depuis l'époque de la disparition du Prophète (Ç) jusqu'à nos jours, parmi tous les gouvernants connus, l'Imam 'Alî (S) se distingue non seulement comme celui qui a gouverné conformément à la méthode du Prophète, mais aussi comme celui qui n'a jamais dévié de la Ligne que le Messager d'Allah avait tracée. L'Imam 'Alî appliqua les Lois islamiques de la même manière que le Prophète l'avait fait. Il n'apporta aucun changement ni aucune innovation à ces Lois.
Lorsque le deuxième calife ('Umar ibn al-Khattâb) forma un conseil consultatif de six membres pour élire l'homme qui devrait lui succéder, et que ce conseil -après la mort du calife- débattit de la question de la succession, deux noms furent retenus : ceux de l'Imam 'Alî et de 'Uthmân ibn Affân.
En premier lieu, le califat fut offert à l'Imam 'Alî, à condition qu'il gouverne l'Etat conformément à la politique des deux premiers califes (Abû Bakr et 'Umar), et qu'il traite les problèmes des gens selon leur mode de conduite. L'Imam 'Alî (S) rejeta catégoriquement l'offre et déclara : «Je ne m'écarte pas d'un pouce de mes Principes.»
Puis le califat fut offert à 'Uthmân, qui l'accepta sans hésitation, sous les mêmes conditions que celles posées à l'Imam 'Alî ; toutefois, par la suite, lorsqu'il aura pris le pouvoir, il adoptera une ligne d'action tout à fait différente de celles de ses prédécesseurs.
En suivant la Voie Divine, l'Imam 'Alî (S) fit montre d'un dévouement et d'un sens du sacrifice incomparables. Aucun des Compagnons du Prophète (Ç) ne put rivaliser avec lui dans aucun domaine. En outre, il est indéniable que si l'Imam 'Alî (S), le champion de la Vérité et le héros des guerres de l'Islam, n'avait pas été présent la fameuse nuit de l'Emigration du Prophète (Ç), dans le lit de celui-ci, ou par la suite, dans les batailles de Badr, Ohod, Khandaq (le Fossé), Khaybar et Hunayn, les infidèles et les idolâtres auraient pu éteindre facilement la Lumière de la Prophétie, et rabaisser l'étendard de la Vérité.
Depuis le premier jour où il posa le pied dans l'environnement social, sa vie fut très simple. En outre, aussi bien à l'époque du Prophète (Ç) qu'après sa disparition, et que durant la période magnifique de son Califat, il mena la vie d'un homme ordinaire. Sa nourriture, ses vêtements, et sa maison n'étaient pas meilleurs que ceux du plus pauvre des pauvres. Il dit lui-même : «Le Chef de l'Etat doit mener sa vie d'une manière tellement modeste qu'elle constitue une source de consolation pour ceux qui vivent dans le besoin et la détresse, et non pas un objet de désir, suscitant des sentiments de frustration et de désespoir.»
Bien qu'il fût le Chef du monde musulman, il ne possédait en tout et pour tout, le jour de son Martyre, que la somme de sept cents dirhams(3). C'est avec cet argent qu'il projetait de louer les services de quelqu'un pour s'occuper du travail domestique.
L'Imam 'Alî (S) travaillait pour gagner sa vie. L'agriculture était son activité principale. Il labourait la terre, plantait des arbres, et creusait des canaux pour l'irrigation.
Chaque fois qu'il gagnait de l'argent grâce à ce travail, et tout ce qu'il recevait comme sa part dans un butin de guerre, il le distribuait aux pauvres. Et lorsqu'il mettait en valeur une terre, il la confiait aux biens de main-morte ou la vendait pour en distribuer le produit aux nécessiteux.
Une année, pendant son Califat, il ordonna que tous les revenus de ses propriétés confiées aux biens de main-morte lui soient d'abord apportés pour être ensuite dépensés. Le total de ces revenus s'élevait alors à vingt-quatre mille dinars-or.
Dans toutes les batailles qu'il livra à l'ennemi, personne ne put le vaincre, ni personne n'osa le défier ouvertement. De plus, dans aucun accrochage avec l'ennemi l'Imam 'Alî (S) ne recula. Il disait souvent : «Même si tous les hommes de l'Arabie se levaient contre moi, je serais toujours fier de les combattre.»
Malgré, et outre son courage et sa bravoure, dont l'Histoire n'a pu citer aucun exemple comparable, L'Imam 'Alî (S) était un homme très affectueux, bon, généreux et humble. Il n'a jamais tué ni fait prisonnier, ni un faible, ni une femme, ni un enfant, lors d'une bataille. En outre, il n'a jamais poursuivi un ennemi en fuite.
A la bataille de Çiffîn, l'armée de Mu'âwiyah, après avoir lancé une offensive, put occuper les bords du fleuve (l'Euphrate). Elle empêchait tout approvisionnement en eau de l'armée de l'Imam 'Alî (S). Une bataille acharnée s'ensuivit, qui permit à l'armée de l'Imam 'Alî (S) de reprendre le contrôle des bords du fleuve. Mais l'Imam 'Alî (S) ordonna que l'on permette à l'ennemi d'utiliser l'eau.
Durant son Califat, l'Imam 'Alî (S) était facilement accessible à tout un chacun. Il recevait les gens sans intermédiaire, et leur accordait des entretiens sans la présence d'aucun collaborateur. Il voyageait à pied et sans escorte. Il faisait le tour des rues et des marchés, pour y inciter les gens à être consciencieux et justes, et à s'abstenir de toute attitude tyrannique. Il était particulièrement bon envers les veuves et les laissés pour compte. Il donna refuge à d'innombrables orphelins dans sa propre maison, subvint à leurs besoins, et assura leur éducation.
L'Imam 'Alî (S) mit particulièrement l'accent sur l'acquisition de la Connaissance et de la Sagesse. Il portait un vif intérêt à la diffusion de la Connaissance, car il disait : «Il n'y a pas pire maladie que l'ignorance.»
Lors de la bataille d'al-Jamal (Bataille du Chameau), alors que l'Imam 'Alî (S) était occupé à disposer ses soldats en ordre de bataille, un bédouin s'approcha de lui et lui demanda ce que signifiait le monothéisme. Les soldats le prirent à partie et le réprimandèrent pour poser une telle question en un tel moment inopportun. Mais l'Imam 'Alî (S) entraîna l'homme à l'écart et lui dit : «C'est pour cette Vérité que nous sommes en train de livrer cette bataille.» Et, tout en reprenant sa tâche de mettre en rangs ses soldats, il lui donna une réponse satisfaisante.
Un autre incident, semblable, eut lieu lors de la bataille de Çiffîn. Il est révélateur de l'attachement de l'Imam 'Alî (S) à la discipline religieuse, et de l'incomparable force de sa personnalité. Alors que les combats faisaient rage pendant cette bataille, l'Imam 'Alî (S) s'approcha de l'un de ses soldats et lui demanda d'aller lui chercher de l'eau à boire. Le soldat s'exécuta, et remplit d'eau un bol en bois, qu'il présenta à l'Imam 'Alî (S). Celui-ci, remarquant une fêlure dans le bol, dit : «Il est détestable, au plan légal, de boire de l'eau dans un tel bol.» Le soldat se défendit et dit : «Lorsqu'on est en pleine bataille, face aux flèches et aux sabres de l'ennemi, comment peut-on prêter attention à des choses sans importance ?» Alors l'Imam 'Alî (S) répondit : «C'est pour l'établissement de ces Lois et Commandements religieux que nous sommes en train de combattre l'ennemi. Il n'y a donc pas des choses graves et des choses mineures.»
Après le Prophète (Ç), l'Imam 'Alî (S) fut le premier à aborder la Connaissance et la pensée religieuse sous un angle philosophique. En d'autres termes, son approche des choses était rationnelle.
En outre, l'Imam 'Alî (S) inventa beaucoup de termes littéraires en langue arabe. Et, dans le seul but d'empêcher que les significations du Saint Coran ne soient déformées, il organisa l'étude analytique de la grammaire arabe.
L'Imam 'Alî (S) possédait une Connaissance et une pénétration profondes des matières religieuses, morales, sociales, politiques, et même mathématiques. On peut les trouver dans ses sermons, lettres et paroles, rassemblés dans un livre remarquable intitulé "Nahj-al-Balâghah".
Sans aucun doute, l'Imam 'Alî (S) est très connu parmi les Musulmans pour ses sermons, lettres, paroles dans le domaine de la spiritualité, et autres réflexions et déclarations qui touchent les coeurs et éveillent l'esprit. En tout cela, sa personnalité s'impose comme incomparable. De plus, sa profonde Connaissance du Saint Coran et de ses buts, et sa compréhension de la vraie signification des concepts et de la pratique de l'Islam restent inégalées.
Par sa Sagesse et sa Connaissance, l'Imam 'Alî (S) prouva la véracité de la fameuse déclaration du Prophète (Ç), qui disait : «Je suis la Cité de la Connaissance, et 'Alî en est la Porte.» Il établit cette vérité non seulement par ses écrits et ses paroles, mais aussi dans la pratique.
Fâtimah al-Zahrâ' (S)
La Dame Fâtimah al-Zahrâ'(S) était la fille unique du Prophète (Ç), et l'être le plus cher à son coeur. Par son impeccable Sagesse, sa Foi immense, ses attributs infaillibles et son tempérament aimable, elle remplit le coeur de son père, le Prophète (Ç), du plus profond amour pour elle. En raison de sa Sagesse, sa bonté et son dévouement à Allah, la fille bien-aimée du Messager acquit le titre enviable de "Sayyidat-ul-Nisâ'" (la Maîtresse des femmes).
Le Prophète (Ç) déclarait souvent : «Le plaisir de Fâtimah est mon plaisir, et mon plaisir est le Plaisir d'Allah. La colère de Fâtimah appelle ma colère, et ma colère appelle la Colère d'Allah.»
Fâtimah al-Zahrâ' (S) naquit de la Dame Khadîjah (S), en l'an 6 de la Mission Prophétique. En l'an 2 de l'Hégire, elle épousa l'Imam 'Alî (S), le Commandeur des Croyants. Elle rendit l'âme trois mois après la disparition du Prophète.
Durant toute sa vie, Fâtimah al-Zahrâ' resta ferme dans sa Foi et se résigna à la Volonté d'Allah. Alors qu'elle se confinait dans sa maison, elle se consacra à l'éducation et aux soins de ses enfants. Elle partageait les charges domestiques avec sa servante, et chacune travaillait un jour, à tour de rôle.
En outre, elle écoutait les problèmes des femmes, et elle leur en proposait les solutions. Pendant ses moments de loisir, elle se dévouait à l'adoration d'Allah. Elle offrait aux pauvres, en aumône, l'argent dont elle disposait, notamment ses revenus provenant de la vente des fruits de son verger à Fadak, un terrain comprenant quelques petits villages près de Khaybar. Jamais elle ne gardait une somme qui dépassait ses besoins essentiels. Parfois, elle se privait de nourriture pour offrir son repas à quelqu'un qui avait faim.
La Dame Fâtimah (S) occupait une position très élevée. Son endurance, sa conduite courageuse et pleine d'assurance, la force de son caractère furent démontrées par le discours qu'elle prononça devant le premier calife, Abû Bakr, après que celui-ci eut donné l'ordre de confisquer son verger de Fadak, ainsi que dans d'autres interventions, en d'autres occasions.
La Dame Fâtimah fut à la fois la fille très révérée et chérie du Prophète, l'épouse bien-aimée du Commandeur des Croyants, l'Imam 'Alî, et la mère des onze autres Imams de l'Islam. De plus, toute la descendance du Prophète provient d'elle seulement.
L'infaillibilité de la Dame Fâtimah al-Zahrâ' (S) est attestée par le texte coranique.
L'Imam al-Hassan (S) et l'Imam al-Hussayn (S)
L'Imam al-Hassan (S) et l'Imam al-Hussayn (S) sont les deux fils de l'Imam 'Alî (S) et de la Dame Fâtimah (S)
Le Prophète (Ç) appelait ses deux petits-fils, ses propres fils. Il avait une immense affection pour eux. Chaque fois qu'ils avaient le moindre ennui, le Prophète se trouvait dans la détresse.
Un jour, le Messager d'Allah (Ç) dit : «Qu'ils soient assis ou levés, mes deux fils que voici sont des Imams et des Dirigeants.»
Le mot "assis" implique que l'Imam al-Hassan (S) jouera le rôle du messager de la paix, et le terme "levés" signifie que l'Imam al-Hussayn (S) se soulèvera contre les ennemis de l'Islam.
Le Prophète (Ç) dit également, à propos de ces deux Imams : «Al-Hassan et al-Hussayn sont les deux Maîtres de la jeunesse du Paradis.»
Selon la volonté de son révéré père, l'Imam al-Hassan fut désigné comme le Successeur de l'Imam 'Alî et, après son Martyre, les gens lui prêtèrent serment d'allégeance sans hésitation. Il devint ainsi, et pendant six mois, le Chef de l'Etat islamique, à l'exception des territoires de la Syrie et de l'Egypte sur lesquels Mu'âwiyah avait établi son propre royaume indépendant.
Pendant ce court laps de temps, l'Imam al-Hassan constitua une armée, dans l'intention de mater la rébellion de Mu'âwiyah. Mais, finalement, ayant constaté que les gens avaient, pour diverses raisons, un penchant pour Mu'âwiyah, et que ses propres généraux étaient de connivence avec le rebelle, il n'eut plus d'autre alternative que d'accepter la paix et la renonciation provisoire au pouvoir que lui proposa Mu'âwiyah.
L'Imam al-Hassan (S) avait accepté de faire la paix avec Mu'âwiyah sous certaines conditions, mais ce dernier ne respectera pas sa parole et ne tiendra pas ses promesses.
En effet, après la conclusion du traité de paix, Mu'âwiyah se rendit en Iraq et, du haut du minbar, il prononça ce discours devant les Musulmans : «Je ne vous ai pas combattus pour la Religion, ou pour que vous observiez le Jeûne ou fassiez la Prière. Je voulais seulement vous gouverner. Maintenant que j'ai atteint mon objectif, je foule aux pieds le traité de paix que j'ai conclu avec al-Hassan.»
Après avoir abdiqué le pouvoir, l'Imam al-Hassan passa une période de neuf ans et demi de sa vie sous le régime de Mu'âwiyah, dans des conditions très éprouvantes et déplaisantes. Sa vie était en danger permanent, et il n'était pas en sécurité même dans sa propre maison. A la fin, il tombera en Martyr, empoisonné par sa propre femme, Jo'dah, qui agit sur l'instigation de Mu'âwiyah.
Après le Martyre de l'Imam al-Hassan, l'Imam al-Hussayn, conformément à la Volonté d'Allah, et selon le testament de son frère défunt, poursuivit le Chemin de celui-ci. Aussi se consacra-t-il à la Mission de son frère de guider les gens sur le Droit Chemin.
Pour l'Imam al-Hussayn, les conditions qui prévalaient n'étaient guère meilleures que celles dans lesquelles avait vécu son frère. Pis, entre-temps Mu'âwiyah avait consolidé son pouvoir, et l'Imam al-Hussayn se trouvait dans une situation de plus en plus dangereuse.
Après environ neuf ans et demi, Mu'âwiyah mourut, et le califat -qui était devenu en fait une monarchie- passa à son fils, Yazîd.
A la différence de son père, connu pour son habileté hypocrite, Yazîd était un homme vaniteux et méprisant. Jeune qu'il était, il s'adonnait ouvertement à la débauche et à des ébats répugnants. Et après avoir pris tous les pouvoirs, cette créature despotique et sans coeur écrivit au gouverneur de Médine pour lui ordonner d'arracher à l'Imam al-Hussayn (S) son serment d'allégeance à lui-même (Yazîd) et, à défaut, de lui couper la tête et de la lui expédier.
Lorsque le gouverneur de Médine demanda à l'Imam al-Hussayn (S) de prêter serment d'allégeance à Yazîd, l'Imam (S) lui dit de lui laisser le temps de réfléchir. Après quoi il partit, à la faveur de la nuit, pour La Mecque où il se réfugia auprès de la Sainte Ka'bah, considérée en Islam comme le Sanctuaire inviolable d'Allah. Après y être resté quelques mois, il comprit que Yazîd ne le laisserait jamais tranquille, et qu'il s'apprêtait à lui ôter la vie. Entre-temps, il avait reçu plusieurs milliers de lettres d'Iraq, dans lesquelles les gens lui apportaient leur soutien et lui demandaient de se battre contre Yazîd, le gouvernant omayyade tyrannique.
Considérant la condition qui prévalait en Iraq, l'Imam al-Hussayn pensa que son Mouvement n'aurait pas un résultat tangible. Néanmoins, il préféra, à la prestation de serment d'allégeance à Yazîd, le Sacrifice de sa vie en combattant pour la cause de la Vérité.
Aussi se dirigea-t-il vers Kûfa (Iraq) avec les siens. A environ soixante-dix kilomètres de Kûfa, dans un lieu désertique appelé Karbalâ', il se trouva face à une grande armée de Yazîd.
Avant son départ de La Mecque, l'Imam al-Hussayn (S) n'avait demandé de l'aide à personne. Bien au contraire, il avait dit à ceux qui l'accompagnaient de le quitter, et de chercher refuge là où ils pourraient vivre en sécurité, sachant qu'il allait tomber en Martyr lorsqu'il rencontrerait l'ennemi. C'est pourquoi seulement une poignée de ses partisans et disciples dévoués étaient restés avec lui. A présent, lui et les siens se trouvaient assiégés par l'armée ennemie dans un enclos hermétique où même l'eau leur était refusée. Face à cette situation, il demanda à ses Compagnons de choisir entre le Martyre et la prestation du serment d'allégeance à Yazîd. Quant à lui, sa décision était déjà et irréversiblement prise : il avait choisi le Martyre.
Le 10 du mois de Muharram, l'Imam al-Hussayn (S) combattit vaillamment, depuis le matin jusqu'au crépuscule, avant de tomber en Martyr, lui, ses fils, ses neveux, son demi-frère, et d'autres Compagnons (en tout soixante-douze). Seul un de ses fils révérés, l'Imam al-Sajjâd (S), survécut au massacre, et pour cause : gravement malade, il n'avait pas pu participer au combat.
Après le Martyre de l'Imam al-Hussayn (S), l'armée ennemie pilla ses biens personnels et prit en captivité les membres de sa famille. Elle les emmena, avec les têtes coupées des Martyrs, de Karbalâ' jusqu'à Kûfa, et de là à Damas, capitale de l'Etat omayyade.
Pendant sa captivité en Syrie, l'Imam al-Sajjâd (S) prononça un discours célèbre, dans lequel il dénonça la cruauté et les agissements condamnables des Omayyades. La Dame Zaynab, soeur de l'Imam al-Hussayn, fit un discours dans le même sens alors qu'elle était encore à Kûfa, devant un grand rassemblement auquel était présent ibn Ziyâd, le gouverneur de cette ville, et un autre discours à la cour de Yazîd, en Syrie.
Il faut dire que le Soulèvement Sacré de l'Imam al-Hussayn (S), qui aboutit à l'effusion du sang de ses fils, de ses proches parents, et de ses Compagnons dévoués, et au pillage de ses biens, ainsi qu'à la captivité des femmes et des enfants qui se trouvaient avec lui, constitue un événement tellement extraordinaire qu'aucun autre soulèvement dans l'Histoire du monde ne peut lui être comparé.
Cependant, ce Sacrifice ne fut pas vain, loin de là. A cause de cet événement tragique, l'Islam est encore vivant. Sans cette tragédie, les Omayyades auraient fait disparaître toute trace de l'Islam.
Y a-t-il une différence entre l'action de l'Imam al-Hassan (S) et celle de l'Imam al-Hussayn (S) ?
Selon la Tradition du Prophète (Ç), ces deux Imams sont, tous deux, infaillibles et Dirigeants de l'Islam. Pourtant, ils semblent différents l'un de l'autre dans leur attitude face à la déviation. D'aucuns sont allés jusqu'à dire qu'il y a une différence d'autant plus nette entre leur vision et leur méthode d'approche respectives que l'Imam al-Hassan (S), bien qu'il eût à sa disposition une armée forte de quarante mille hommes, conclut un traité de paix avec Mu'âwiyah, alors que l'Imam al-Hussayn (S), avec en tout et pour tout à peine une quarantaine de partisans et quelques uns de ses proches, se souleva pour défendre l'Islam, et n'hésita pas à sacrifier sa vie et celle de ses Compagnons et de ses proches, y compris son nouveau-né.
Lorsqu'on examine plus profondément la situation, on constate avec certitude qu'une telle opinion est complètement absurde car, en fait, si l'Imam al-Hassan (S) passa neuf ans et demi de sa vie sous le régime de Mu'âwiyah sans s'opposer ouvertement à lui, l'Imam al-Hussayn (S) aussi passa, après le Martyre de son frère, environ neuf ans sous le même régime sans se soulever contre lui, ni s'opposer ouvertement à lui.
La différence apparente entre l'attitude de ces deux grands Dirigeants et Imams (S) ne doit donc pas être considérée comme une différence de tempérament chez les deux hommes, mais il faut plutôt chercher son explication dans la différence de personnalité et d'attitude de Mu'âwiyah et de son fils Yazîd.
La politique ou l'attitude suivie par Mu'âwiyah n'était pas fondée sur la négligence ouverte des Enseignements islamiques. Il ne piétinait pas ouvertement les Edits de l'Islam, ni ne les méprisait publiquement. D'autre part, il avait tenu à être reconnu comme un Compagnon du Prophète (Ç) et comme l'un des scribes des Révélations Divines. A cela s'ajoute le fait que sa soeur était l'une des épouses du Messager d'Allah, avec le titre de "Mère des Croyants", et que lui-même se vantait d'être l'oncle maternel des Croyants. En outre, il avait été tenu en estime par le deuxième calife, qui jouissait de la confiance et du respect des gens.
Par ailleurs, Mu'âwiyah avait nommé comme gouverneurs de nombreux Compagnons du Prophète, lesquels étaient estimés par les gens, comme Abû Hurayrah, 'Amr ibn al-'Aç, Samra, Yusr et Mughîrah ibn Cho'bah, etc. Ceux-ci se chargèrent de mobiliser l'opinion publique en faveur de Mu'âwiyah. Mieux, de nombreuses fausses traditions (ahadith, paroles attribuées au Prophète (Ç)) circulaient parmi les gens, leur faisant croire que les Compagnons du Prophète (Ç) étaient infaillibles et leur conduite incontestable, c'est-à-dire que quoi qu'ils puissent faire, c'était justifié. Le résultat de cette manoeuvre fut que, quoi que Mu'âwiyah ait pu faire qui nécessitait une justification, les Compagnons précités -qui étaient le bras droit de leur protecteur- tentaient de le justifier et de lui donner un habit de légalité. Et si cela n'était pas suffisant, Mu'âwiyah n'hésitait pas, dans certains cas, à réduire au silence ses opposants pour régner et agir sans opposition. Ainsi, partout où ces méthodes tortueuses de persuasion et d'intimidation ne fonctionnaient pas, les partisans de Mu'âwiyah se chargeaient d'éliminer physiquement et sauvagement les opposants. C'est ainsi qu'ils assassinèrent atrocement des milliers de partisans de l'Imam 'Alî (S), connus dans l'Histoire sous l'appellation de "Chî'at 'Alî", et beaucoup d'autres Musulmans, dont un bon nombre de Compagnons qui furent perfidement liquidés.
Mu'âwiyah considérait lui-même tout ce qu'il faisait comme étant justifié, et il poursuivait son action patiemment et avec précaution. Il avait le talent de gagner les cœurs des gens par le tact, la politesse et la douceur, et ce à tel point que lorsque quelqu'un l'abusait et se querellait avec lui, il ne se mettait pas en colère, bien au contraire, il le gratifiait de cadeaux. Telle était la politique qu'il suivit.
En apparence, Mu'âwiyah montrait beaucoup de respect pour l'Imam al-Hassan (S) et l'Imam al-Hussayn (S), et il leur envoyait de précieux cadeaux. Mais d'un autre côté, dans une proclamation publique, il signifia clairement à tout le monde que quiconque tenterait de citer un hadith (Tradition ou parole du Prophète (Ç)) faisant l'éloge des vertus et des hauts mérites des Ahl-ul-Bayt (S), sa vie, ses biens et son honneur ne seraient pas à l'abri, et que quiconque mettrait en évidence une Tradition exaltant la position des Compagnons, serait généreusement récompensé.
Poussant son hostilité encore plus loin, Mu'âwiyah donna l'ordre à toutes les personnes dirigeant les Prières en assemblée de dénigrer et d'injurier l'Imam 'Alî (S) du haut du minbar (chaire) des Mosquées, pour gagner des récompenses spirituelles prétendra-t-il. C'est aussi sur ses instructions que les partisans dévoués de l'Imam 'Alî (S) furent assassinés en masse, et même des adversaires de l'Imam 'Alî (S) furent tués, tout simplement parce qu'ils étaient soupçonnés d'avoir de l'amitié pour lui.
On peut déduire facilement de ce qui précède que si l'Imam al-Hassan s'était soulevé contre Mu'âwiyah, il n'aurait récolté comme fruit d'une telle action aucun résultat positif, mais en revanche il aurait gravement porté atteinte à l'intérêt général de l'Islam et fourni un prétexte à son élimination physique et à celle de tous ses partisans, offrant ainsi un cadeau inespéré à Mu'âwiyah dont l'objectif principal était la disparition de toutes traces des Ahl-ul-Bayt (S) et de leurs partisans. Car, en raison des circonstances complexes et de la confusion générale qui prévalait, un soulèvement de l'Imam al-Hassan (S) aurait fort bien pu déboucher sur son assassinat par ses propres partisans. Dans un tel cas, Mu'âwiyah aurait lui-même fait semblant de pleurer sa mort, ce qui lui aurait attiré la sympathie de tous ceux qui avaient de la vénération pour le petit-fils du Prophète (Ç), et aurait entraîné leur pacification. Et il aurait en outre saisi cette occasion (de l'assassinat de l'Imam (S)) pour opprimer les partisans de l'Imam 'Alî (S) et de l'Imam al-Hassan (S) lui-même, sous prétexte de vouloir venger sa mort. Ce scénario avait déjà été mis en scène lors de la mort de 'Uthmân, le troisième calife.
A la différence de son père machiavélique, Yazîd était prétentieux et inconstant. Il croyait que "la force prime le droit". L'opinion publique était le dernier de ses soucis. Ainsi, le dommage irréparable qui avait été causé jusqu'ici, de derrière le rideau, à l'Islam, Yazîd, pendant la courte durée de son règne, le pratiquera ouvertement et avec insouciance.
Pendant la première année de son règne, il massacra, en bon gouvernant despotique, la progéniture du Prophète (Ç).
Au cours de la deuxième année de son règne, il mis à sac la Ville Sainte de Médine, et la livra à son armée, c'est-à-dire que ses soldats disposèrent librement de la vie, des biens et de l'honneur des habitants de cette ville, laquelle fut mise à feu et à sang pendant trois jours.
Pendant la troisième année de son règne, il détruisit la Sainte Ka'bah, la Maison d'Allah.
C'est en conséquence de ces actes sordides de Yazîd que le Soulèvement et le Sacrifice de l'Imam al-Hussayn (S) touchèrent les coeurs des gens, et que leur impact alla grandissant chaque jour un peu plus.
Au début, le Soulèvement de l'Imam al-Hussayn (S) fut considéré comme un mouvement révolutionnaire finissant par un bain de sang ; mais avec le temps, il finit par rassembler un grand nombre de gens qui étaient prêts à se sacrifier pour la cause de la Vérité, et par amour et respect pour les Ahl-ul-Bayt. C'est pour cette raison que Mu'âwiyah avait mis son fils Yazîd en garde contre toute tentative de confrontation. Mais finalement, le tempérament haïssable et vaniteux de Yazîd l'aveugla et l'empêcha de distinguer la maladresse de la préservation de ses intérêts.
L'Imam al-Sajjâd (S)
Au cours de son Imamat, la méthode d'action de l'Imam al-Sajjâd (S) peut être divisée en deux phases, qui sont toutes deux conformes à la Ligne suivie par les autres Imams (S).
A l'époque de la tragédie de Karbalâ', l'Imam al-Sajjâd (S) était toujours aux côtés de son père (S), et associé à son Mouvement. Après le Martyre de son père (S), il fut fait prisonnier et emmené d'abord à Kûfa, et ensuite en Syrie.
Pendant sa captivité, il n'observa jamais la Taqiyyah (dissimulation de contrainte), et dit toujours la Vérité, sans peur ni crainte. Chaque fois que l'occasion se présentait, il faisait un discours pour rappeler les mérites des Ahl-ul-Bayt (S), et dénoncer les atrocités que les gouvernants omayyades avaient fait subir à son père, et le régime tyrannique de ceux-ci.
Après son élargissement, l'Imam al-Sajjâd (S) regagna Médine, et il se retira de l'agitation de la ville pour s'isoler et se consacrer à l'adoration d'Allah. Les portes de la maison où il passait sa retraite étaient fermées aux étrangers, mais il continuait à y recevoir ses partisans et disciples, pour les guider et leur dispenser les vrais Enseignements islamiques.
Les Supplications qu'il adressait à Allah, dans la solitude et en toute humilité, sont restées comme des Trésors dans les annales des Enseignements islamiques. C'est par l'intermédiaire de ces Supplications qu'il atteignit la Proximité d'Allah. Il conversait avec Lui à travers ses méditations.
Les Supplications de l'Imam al-Sajjâd (S) ont été compilées dans un livre connu sous le titre de "Al-Çahîfah al-Sajjâdiyyah".
L'Imam Muhammad al-Bâqer (S)
A l'époque de l'Imam Muhammad al-Bâqer (S), l'enseignement et la diffusion de la Connaissance religieuse connurent une certaine facilité. Et l'Imam (S) saisira cette occasion pour sauver les Traditions religieuses des Ahl-ul-Bayt (S), notamment celles concernant la Jurisprudence, qui avaient disparu de la circulation à l'instigation et sous la pression des gouvernants omayyades. En effet, bien que des milliers de Traditions relatives aux Principes et aux Préceptes de l'Islam aient été enregistrés, celles qui avaient échappé à la destruction ne dépassaient pas le nombre de cinq cents. Par conséquent, il n'y avait plus suffisamment de Traditions enregistrées en matière de Jurisprudence et de Commandements islamiques pour les Chi'ites, dont le nombre s'était accru considérablement à la suite de la tragédie de Karbalâ' et de son impact sur la conscience des Musulmans, et grâce aux efforts que l'Imam al-Sajjâd (S) avait déployés depuis trente-cinq ans. L'Imam Muhammad al-Bâqer (S), profitant du relâchement de la surveillance exercée par le régime omayyade, affaibli et préoccupé par ses dissensions et querelles internes, put diffuser largement les Enseignements religieux et former les théologiens dont la société avait grand besoin.
L'Imam Ja'far al-Çâdiq (S)
Lorsque l'Imam al-Çâdiq (S) prit la Charge de l'Imamat, comme sixième Imam, l'environnement pour la propagation et la diffusion de la Connaissance et des Enseignements islamiques était devenu plus favorable encore. La raison en était que, d'une part, grâce à la diffusion des Traditions islamiques par l'Imam Muhammad al-Bâqer (S), et grâce aux Enseignements et au prêche de ses disciples -devenus de véritables Savants- les gens commençaient à manifester beaucoup d'intérêt pour les Enseignements islamiques dispensés sous la Direction infaillible des Ahl-ul-Bayt (S), et d'autre part, la chute du régime omayyade et l'arrivée au pouvoir de la dynastie abbasside qui, au début de son règne, ne pouvait que se montrer bienveillante envers les Ahl-ul-Bayt (S) -qui avaient souffert le martyre sous le régime omayyade que les Abbassides venaient de renverser justement sous prétexte de venger la souffrance infligée aux Descendants bénis du Prophète (Ç).
L'Imam al-Çâdiq (S) dispensait un Enseignement des diverses branches de la Connaissance. Un grand nombre de Savants et des groupes de gens instruits assistaient régulièrement à ses cours et conférences, pour lui rendre hommage et bénéficier de sa vaste Connaissance et de sa Sagesse Divines. Ils cherchaient aussi sa Guidance, et écoutaient les réponses qu'il donnait aux problèmes ardus et complexes qu'ils lui soumettaient.
Le Saint Imam entrait souvent en discussion avec des gens appartenant à différentes écoles de pensée, et débattait de questions variées avec les savants de différentes religions ou écoles juridiques religieuses. Ses dits et paroles, ainsi que les Traditions qu'il avait citées ont été compilés dans des centaines de livres appelés "Uçûl" (Principes).
L'Imam al-Çâdiq (S) put mettre à profit des conditions favorables à la diffusion du Savoir, pour transmettre la Connaissance à des milliers de disciples, et il laissa derrière lui un grand Trésor pour les chercheurs en sciences religieuses. Le nombre de personnes qui eurent la chance d'apprendre de lui la Connaissance et la Sagesse dépasse quatre mille.
L'Imam al-Çâdiq (S) demandait à ses étudiants d'écrire tout ce qu'il leur enseignait, et de bien conserver tout ce qu'ils auraient ainsi écrit. Il leur disait qu'un jour viendrait où le chaos et les troubles feraient disparaître beaucoup de traces de la Connaissance, et qu'en ce temps-là ces écrits et livres (qu'ils auraient conservés) rendraient un grand service et serviraient de précieuse référence scientifique et religieuse aux Musulmans. C'est pour cette raison que ses étudiants apportaient papier et nécessaire d'écriture à ses cours, et notaient tout ce qu'ils entendaient et apprenaient de lui.
L'Imam Ja'far al-Çâdiq (S) passa toute sa vie à enseigner et à former les gens, publiquement et en privé, et il put ainsi, grâce à ses efforts inlassables, assurer la transmission de la Connaissance et de la Sagesse.
En bref, c'est l'Imam Ja'far al-Çâdiq (S) qui, par sa Sagesse et sa Connaissance, détruisit la barrière d'obscurantisme et d'ignorance, et reconstruisit les fondations de la Religion Divine du Prophète (Ç).
Et c'est en raison de tout ce travail fondamental et considérable que l'Imam Ja'far (S) est considéré comme le pionnier de l'Islam Chi'ite, et que celui-ci prit l'appellation d'"Ecole Ja'farite de pensée" (al-Math-hab al-Ja'farî), par référence à son nom.
L'Imam Mûsâ al-Kâdhim (S)
Lorsque les Abbassides avaient évincé les Omayyades et s'étaient emparé du pouvoir, ils s'étaient fixé pour cible suivante les Banî Fâtimah et, par conséquent, ils s'acharnèrent de toutes leurs forces contre les Ahl-ul-Bayt (S) (la Famille du Saint Prophète (Ç)) pour en effacer toute trace. Ainsi, beaucoup de ceux-ci furent purement et simplement décapités, d'autres furent brûlés vifs, et d'autres encore servirent de matériau de construction pour les murs et les fondations. Les Abbassides allèrent jusqu'à mettre le feu à la maison de l'Imam Mûsâ al-Kâdhim (S) lui-même, lequel fut ensuite envoyé en Iraq pour inquisition pendant un certain temps.
Evidemment, dans de telles conditions, la Taqiyyah (dissimulation de la Foi) s'imposa plus que jamais, et devint une nécessité impérieuse vers les derniers jours de sa vie. Etant donné que l'Imam était étroitement surveillé, il évitait de rencontrer les gens, à l'exception d'un petit nombre de ses fidèles les plus proches. A la fin, al-Mançûr, le deuxième calife abbasside, mit l'Imam (S) en prison.
Ainsi, on peut dire que la période de l'Imamat du septième Imam (S) fut une période de grandes épreuves et de tribulations pour les Ahl-ul-Bayt (S) et leurs partisans.
Bien qu'observant la Taqiyyah, l'Imam Mûsâ al-Kâdhim (S) était pleinement engagé dans la diffusion des Enseignements et des Principes islamiques, et la narration des Traditions. On peut dire qu'après le cinquième et le sixième Imams (S), il était, parmi les autres Imams (S), celui qui cita le plus de narrations jurisprudentielles. Mais en raison des obligations de la Taqiyyah, beaucoup de ses narrations étaient citées d'une façon anonyme, comme provenant d'un 'Alim (Savant religieux) ou d'un 'Abdun Çalih (un serviteur pieux).
L'Imam Mûsâ al-Kâdhim (S) vécut pendant les règnes de quatre califes abbassides, en l'occurrence al-Mançûr, al-Hâdî, al-Mahdî et Hârûn al-Rachîd, qui, tous, lui firent subir de sévères tortures et beaucoup de tyrannie.
A la fin, il fut emprisonné sur ordre de Hârûn al-Rachîd, et transféré d'une prison à l'autre pendant plusieurs années. Et c'est en prison qu'il mourut en Martyr, empoisonné.
L'Imam 'Alî al-Redhâ (S)
Tout esprit éclairé, et tout homme de bon sens, peuvent se rendre compte, après avoir jeté un regard scrutateur sur l'Histoire et ses péripéties, que plus les califes au pouvoir et autres ennemis des Saints Imams soumettaient ceux-ci et leurs partisans à l'oppression et aux persécutions, plus le nombre de ces derniers augmentait, et plus ils devenaient fermes dans leurs Croyances et convictions. Et ils finirent par considérer le califat comme la plus détestable et la plus abominable des institutions.
En fait, c'était le sentiment d'infériorité et de culpabilité qui avait toujours troublé l'esprit des califes et les rendait impuissants.
Ainsi, le septième calife abbasside, al-Ma'mûn, était le contemporain de l'Imam 'Alî al-Redhâ (S). Ayant accédé au pouvoir -après avoir tué son frère al-Amîn-, il pensait que la meilleure façon de mettre fin à l'anxiété et à l'affliction que son acte avait laissées en lui, était de détruire la racine et les branches du Chi'isme par des moyens autres que la force et la coercition.
Pour atteindre cet objectif, al-Ma'mûn adopta une nouvelle politique. Il pensa nommer l'Imam 'Alî al-Redhâ (S) comme son héritier présomptif, estimant qu'en l'impliquant dans les ténébreuses affaires de son califat, il le compromettrait aux yeux de ses partisans, et que son image de piété et d'intégrité serait ternie, et que, par voie de conséquence, le caractère Sacré de l'institution de l'Imamat s'effondrerait tout seul.
En poursuivant une telle politique, il pouvait espérer tirer un autre avantage, à savoir l'affaiblissement du mouvement d'opposition des Ahl-ul-Bayt (S) contre les Abbassides, étant donné que les premiers nommés croiraient -à tort- que puisque le califat serait transféré automatiquement à eux (Ahl-ul-Bayt (S)), en vertu de la nomination de l'Imam al-Redhâ (S) comme héritier présomptif, il était inutile de poursuivre la lutte sanglante contre les Abbassides. Une fois qu'il aurait atteint ces deux objectifs, pensait al-Ma'mûn, il ne lui resterait plus qu'à éliminer, sans trop de risques, l'Imam al-Redhâ (S).
Al-Ma'mûn offrit d'abord le califat, et ensuite le poste d'héritier présomptif, à l'Imam al-Redhâ (S). Mais ce n'est finalement que sous la contrainte et la menace que ce dernier accepta de participer au califat, en assortissant son acceptation forcée de la condition qu'il ne serait pas impliqué dans la nomination et les mutations des fonctionnaires, ni dans l'administration des affaires de l'Etat.
Cette affaire réglée, l'Imam 'Alî al-Redhâ (S) s'occupa essentiellement de la réforme et de l'éducation des gens ; dans la mesure du possible, il engageait des discussions et des débats avec les théologiens d'autres courants juridiques religieux. Dans ses discours et réflexions, il soulignait la vraie signification des Enseignements islamiques. Al-Ma'mûn lui-même s'intéressait beaucoup à ce genre de discussions religieuses.
Les discours et les dits de l'Imam al-Redhâ (S) sur les Enseignements islamiques sont presque aussi nombreux que ceux de l'Imam 'Alî ibn Abî Tâlib (S), et dépassent en nombre ceux des autres Imams.
L'un des plus grands services que l'Imam al-Redhâ (S) nous a laissé comme legs, est le fait que les Traditions relatives à Ahl-ul-Bayt, et disponibles chez les Musulmans Chi'ites de l'époque, lui furent soumises pour vérification, et il en rejeta un bon nombre -qu'il considéra comme étant délibérément inventées de toutes pièces par des falsificateurs mal intentionnés. Grâce à lui donc, les Traditions Chi'ites sont dépouillées de ces narrations fabriquées et fausses.
Lorsque l'Imam 'Alî al-Redhâ (S), nommé héritier présomptif, quitta Médine pour Marv, il reçut, tout au long de son voyage, un accueil enthousiaste de la part des gens, notamment lorsqu'il arriva en Iran. Des milliers et des milliers de gens déferlaient de partout en masse pour lui rendre hommage et lui demander Guidance et Enseignements islamiques.
Ayant remarqué cet accueil triomphal, sans précédent et imprévu, que les gens réservaient au Saint Imam, al-Ma'mûn, le calife abbasside, comprit qu'il avait commis une erreur politique ; et pour tenter de la réparer, il empoisonna l'Imam et revint à la politique répressive (envers les Ahl-ul-Bayt) suivie par ses prédécesseurs.
L'Imam Muhammad al-Taqî (S), L'Imam 'Alî al-Naqî (S), et l'Imam al-Hassan al-'Askarî (S)
Ces trois Imams (S) vécurent dans des conditions presque similaires.
Après le Martyre de l'Imam 'Alî al-Redhâ (S), al-Ma'mûn convoqua le fils unique de ce dernier à Baghdâd, et le traita avec courtoisie. Il le maria avec sa propre fille, et le garda près de lui, avec tous les honneurs et toute la dignité dus à sa position.
Bien que l'attitude d'al-Ma'mûn envers l'Imam Muhammad al-Taqî (S) fût, en apparence, amicale, il le soumit néanmoins à une surveillance étroite. De la même façon, le séjour de l'Imam 'Alî al-Naqî (S) et de l'Imam al-Hassan al-'Askarî (S) à Sammarâ' -la capitale du califat-, équivaudra, en fait, à une détention.
La durée totale de l'Imamat de ces trois Imams (S) fut de cinquante-sept années. Pendant cette période, le nombre des Musulmans Chi'ites qui vivaient en Iraq, en Iran et en Syrie atteignit plusieurs centaines de milliers, parmi lesquels on comptait des milliers de rapporteurs de Hadith (Traditions). Malgré leur grand nombre, les Traditions qu'ils rapportèrent de ces trois Imams ne furent pas nombreuses.
Il faut dire que ces Imams ne vécurent pas longtemps. Le neuvième, le dixième et le onzième Imams moururent en Martyrs, respectivement à l'âge de vingt-cinq ans, quarante-deux ans, et vingt-sept ans. Cela, entre autres choses, nous indique que le régime abbasside avait une prise solide sur les trois Imams qui, de ce fait, ne pouvaient s'acquitter librement des obligations de leur Imamat. Cependant, des narrations très précieuses sur les Enseignements et les Principes de l'Islam, provenant d'eux, nous sont parvenues.
L'Imam al-Mahdî (S) : le Sauveur attendu
A l'époque de l'Imam al-Hassan al-'Askarî (S), les autorités califales avaient décidé de tuer le Successeur de ce dernier, afin de mettre fin à l'institution de l'Imamat et au Chi'isme. En conséquence, l'Imam al-Hassan al-'Askarî (S) fut placé sous une surveillance très étroite, afin de connaître son Successeur. L'Imam al-'Askarî (S), quant à lui, pour faire pièce au projet des autorités, maintint secrète la naissance de l'Imam al-Mahdî, l'Imam des Temps (S). Hormis quelques rares Chi'ites distingués, personne ne put le voir, depuis sa naissance jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de six ans, alors que son père était encore vivant.
Après le décès de son père, l'Imam al-Mahdî (S), sur Ordre d'Allah, fit une occultation temporaire (l'Occultation Mineure), pendant laquelle il répondait aux questions et requêtes des Chi'ites et résolvait leurs problèmes à travers ses intermédiaires (quatre de ses représentants distingués) qui se succédèrent pour accomplir ce devoir. Après la fin de "al-Ghaybat al-Çughrâ" (l'Occultation Mineure), il entra dans "al-Ghaybat al-Kubrâ" (l'Occultation Majeure). Il restera invisible jusqu'à ce que la Volonté Divine le fasse réapparaître. Après sa réapparition, il nettoiera la terre de toutes les injustices, et établira le règne de l'équité et de la Justice. Un grand nombre de narrations, attribuées au Prophète (Ç) et aux Imams (S), et relatives à sa personnalité, à son occultation, et à sa réapparition ont été rapportées par les traditionnistes (rapporteurs de Hadith) tant Sunnites que Chi'ites.
Un certain nombre de Chi'ites pieux eurent la chance de voir l'Imam al-Mahdî du vivant de son père, et d'entendre de lui la Bonne Nouvelle de son Imamat.
Après avoir traité de la question de la prophétie et de l'Imamat, nous sommes arrivés à la conclusion que ce monde ne sera jamais dépourvu de la Religion d'Allah et d'un Imam (S) qui en restera le Protecteur, en même temps que le Gardien de ce monde.
La conduite des Dirigeants religieux
Il ressort de notre étude de la vie des Prophètes d'Allah et des Dirigeants religieux, qu'ils avaient cru au concept et à la pratique de la Vérité et de la véracité, et qu'ils ont appelé l'humanité aussi à croire à la Vérité et à pratiquer la véracité. Et pour accomplir leur Mission, ils n'ont épargné aucun effort ni aucun sacrifice. En d'autres termes, leur objectif était que la société soit guidée sur le Droit Chemin. Ils voulaient que les gens se débarrassent de l'ignorance et des croyances superstitieuses, croient à la Vérité, et adoptent une ligne de pensée rationnelle. Ils oeuvraient en vue d'amener l'homme à ne pas se conduire comme une bête.
Les pieux Prophètes et leurs Successeurs n'avaient aucune motivation égoïste personnelle. Leur seul souci était de mettre la société sur la Voie de la prospérité et du bonheur, dans ce monde et dans l'Autre. Ils consacrèrent leur vie à ce seul objectif. Ils n'étaient jamais mal disposés envers personne. Ils souhaitaient le bonheur et la prospérité de tout le monde, sans exception. Leur devise était «Faites aux autres ce que vous voudriez que l'on vous fasse, et ne faites pas à autrui ce que vous n'aimeriez pas que l'on vous fasse.» Ils accordèrent la plus grande importance à cet aspect du devoir de l'homme, et voulaient que l'homme s'acquitte de lui-même de ce devoir. Comme ils n'avaient pas hésité eux-mêmes à sacrifier tous leurs biens, y compris leur propre vie, pour l'accomplissement de leur Mission, ils étaient immunisés contre toute malveillance. Ils ne formulaient jamais d'accusations contre quiconque, ni n'étaient jamais jaloux de la position élevée de personne dans la société.
L'ensemble des qualités que ces personnages hors du commun possédaient sera abordé de nouveau dans le chapitre consacré à la "Morale".
Notes :
1. Voir :
-Al-Çawâ'iq al-Muhriqah, d'ibn Hajar al-Haythamî al-Makkî al-Châfi'î, p. 25, imprimé à Al-Maymanah, Egypte
-Kanz-ul-'Ummâl, d'al-Muttaqî al-Hindî, vol. I p. 168, 2e édition, publié à Haydarabâd, Deccan, Inde
-Al-Ghadîr, par al-'Allâmah al-Amînî, vol. I, p. 26, publié à Beyrouth
-Musnad Ahmad ibn Hanbal, vol. IV, p. 281, publié à Al-Maymanah, Egypte
-Ansâb-ul-Achrâf, d'al-Balâtharî, vol. II, p. 215, publié à Beyrouth
etc.
2. Rapporteurs des Traditions du Saint Prophète.
3. Le dirham était une monnaie d'argent, à la différence du dinar qui était une monnaie d'or.

 

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